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Interview de Christian Lattmann, CEO de Jaquet Droz

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juillet 2018


Interview de Christian Lattmann, CEO de Jaquet Droz

A l’occasion de ses 280 ans, Jaquet Droz renforce son exploration contemporaine de l’horlogerie de grande tradition. Autour d’un modèle en particulier, sur lequel les variations semblent infinies: la Grande Seconde. Entretien avec son CEO, Christian Lattmann.

Quelles sont les collections sur lesquelles vous mettez l’accent en cette année d’anniversaire pour Jaquet Droz?

Nous approfondissons nos modèles les plus forts historiquement: la Grande seconde, les Ateliers d’art et les Automates. Nous avons aussi travaillé sur des pièces féminines, qui nous ouvrent un marché très prometteur. Et nous présentons une pièce unique exceptionnelle, la Parrot Repeater, qui concentre tout notre savoir-faire en termes d’automate et de métiers d’art.

Tout cela avec l’objectif de fond de clarifier l’identité de Jaquet Droz, ses valeurs et la direction que prend la marque. Pierre Jaquet-Droz et son fils Henri-Louis ont développé au 18ème siècle trois automates de génie, pour émerveiller, c’est cet esprit que nous tentons de perpétuer. La marque s’était endormie après la disparition de ces deux grands personnages de l’histoire horlogère. Depuis sa reprise par le Swatch Group en 2000, nous nous employons à recréer une identité de marque forte et cohérente.

Comment gérez-vous votre distribution?

Nous bénéficions de la structure du Swatch Group avec ses nombreuses filiales, ce qui est un très grand avantage. Nous continuons de nous étendre sur nos marchés stratégiques, mais nous tenons à garder une distribution très sélective. Nous avons récemment ouvert une nouvelle boutique au Dubai Mall, avec un nouveau concept visuel très luxueux: c’est un signal fort pour toute la région. Aujourd’hui, nous comptons un total de 12 boutiques et 200 points de vente dans le monde.

Le but n’est pas d’ouvrir des points de vente de manière non contrôlée, mais de travailler avec des détaillants qui soient prêts à s’investir réellement pour nous. En effet, nous sommes une marque qu’il faut savoir expliquer et pouvoir présenter dans les meilleures conditions au client, afin d’en faire une expérience. Beaucoup de détaillants nous ont approchés cette année, car ils sentent les développements en cours pour toucher une clientèle à la recherche d’une vraie exclusivité, de produits exceptionnels et de grande créativité.

GRANDE SECONDE MOON BLACK ENAMEL
GRANDE SECONDE MOON BLACK ENAMEL

Nous avons vu depuis deux ans un certain effort des marques de luxe visant à offrir des modèles d’entrée de gamme et de manière générale à réduire le prix moyen. Est-ce le cas de Jaquet Droz?

Oui et non... Nous créons d’un côté des produits qui permettent d’«accéder au rêve» et qui soient accessibles et portables en (presque) toutes les circonstances. Et à l’autre bout de l’échelle, nous produisons des automates d’exception. Le point commun – notre fil rouge – ce sont les codes esthétiques très forts de la marque, notre grande créativité, qui s’inspire notamment de la nature, et l’artisanat. L’authenticité est la clé du luxe: il est extrêmement important que l’on ressente le travail de la main humaine dans nos productions, particulièrement via les métiers d’art.

Fixez-vous une limite de production pour garder une forme d’exclusivité?

Nous n’avons en aucun cas une approche «industrielle», mais vraiment artisanale de l’horlogerie. Nous n’avons donc pas besoin de fixer de limites – nous sommes naturellement limités par la capacité de production. Nous ne sommes pas du tout dans une recherche de simplification ou d’automatisation de la production. Cela serait un contre-sens historique en ce qui concerne Jaquet Droz. Les seules limites que nous fixons portent sur des séries principalement réalisées au sein des ateliers d’art, à 1, 8, 28 ou 88 exemplaires. Le chiffre 8 est notre symbole, que vous retrouvez comme inspiration sur nos cadrans.

Quels sont les matériaux que l’on associe le plus à Jaquet Droz?

L’email grand-feu constitue une véritable «signature» de la marque, avec cette couleur de cadran ivoire notamment qui est très particulière. Nous aimons également travailler l’aventurine et l’onyx pour nos cadrans, ce qui leur confère beaucoup de profondeur. Nous utilisons aussi des matériaux plus high-tech pour les mouvements, comme par exemple le spiral en silicium.

Interview de Christian Lattmann, CEO de Jaquet Droz

Comment abordez-vous la grande transformation digitale qui touche l’industrie horlogère?

La digitalisation, en terme d’accès à l’information, est primordiale. C’est le grand changement de ces dernières années: nos clients et nos détaillants sont beaucoup mieux informés, et beaucoup plus rapidement, de nos derniers développements. Avant, un mauvais produit avec un bon marketing pouvait avoir du succès. Aujourd’hui, il faut un bon produit, car l’information va très vite. En cela, c’est une énorme opportunité pour Jaquet Droz, pour la visibilité mais aussi la compréhension de la marque.

En ce qui concerne la distribution ou le e-commerce, nous menons quelques projets en partenariats avec des détaillants, mais nous exigeons des standards très élevés, donc c’est assez limité. Pour l’instant, nous n’avons pas prévu d’ouvrir notre propre plateforme de vente en ligne.

Vous fêtez vos 280 ans cette année... mais est-ce que la moyenne d’âge de vos clients baisse?

Nous comptons des clients de tous âges: la moyenne est en vérité assez jeune, je l’établirais à 30-40 ans. Nous sommes une marque de style classique-contemporain, même si cela peut sembler paradoxal: nous avons trouvé un bon équilibre et ne sommes pas enfermés dans notre héritage.

La grande tendance du moment est le vintage ou plutôt le néo-vintage. Chez vous, on ne voit cependant pas vraiment de «rééditions»...

Aujourd’hui le mot «vintage» est beaucoup utilisé dans sa connotation «néo-retro», c’est-à-dire la réédition de modèles historiques. Nous n’avons pas eu une production énorme dans les années 1960 ou 1970 par exemple, ce n’est donc pas un thème prioritaire chez nous. Le but n’est pas de lancer des rééditions ni de suivre des tendances, mais de nous différencier par notre créativité contemporaine.