Sous-traitance horlogère


Des principes d’aéronautique appliqués aux écrins

ENTRETIEN

English Español
juin 2021


Des principes d'aéronautique appliqués aux écrins

La marque canadienne Charles Simon est un fabricant de bagages de luxe qui s’est mis à la conception d’écrins et étuis pour l’horlogerie suite à l’irruption de la pandémie. Fondée par deux ingénieurs aéronautiques, la start-up vise à allier un savoir-faire artisanal à des technologies d’ingénierie moderne. Nous avons rencontré son co-fondateur Charles Girard Tremblay.

L

ancée par deux ingénieurs en aéronautique à travers une première sélection de valises de luxe introduite en 2019 après plusieurs années de R&D, Charles Simon a rapidement trouvé une voie parallèle prometteuse dans les écrins et étuis d’horlogerie, alors que la pandémie mettait un coup d’arrêt aux transports internationaux.

A partir de 2020, la marque a donc transféré son savoir-faire particulier dans le bagage haut de gamme – qui allie de l’ingénierie de pointe à des finitions traditionnelles – au domaine de l’horlogerie. La start-up a depuis lors présenté deux collections d’écrins et étuis de montres, baptisées Mackenzie et Eaton.

Outre sa distribution en ligne, elle est en train de monter un réseau de boutiques physiques pour sa production, qui se distingue également par son design minimaliste. Entretien avec son cofondateur.

Charles Simon a rapidement trouvé une voie parallèle prometteuse dans les écrins et étuis d’horlogerie, alors que la pandémie mettait un coup d’arrêt aux transports internationaux.

Europa Star: Quel a été votre parcours avant de fonder la marque Charles Simon?

Charles Girard Tremblay: J’ai rencontré mon associé Simon Maltais – d’où le nom Charles Simon – lors de nos études d’ingénieur au début des années 2000. Nous participions ensemble à une compétition lors de laquelle nous devions concevoir et construire une voiture monoplace de course, en parallèle à nos études. La voiture que nous avons conçue a remporté plusieurs prix aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Après nos études, nous avons suivi des chemins séparés.

J’ai travaillé dans l’aéronautique, pour des clients tels que Bombardier, Airbus et la NASA, avant de prendre un rôle de gestionnaire à Paris pour une société canadienne de consulting industriel. Lors de ce dernier mandat, je suis entré en contact avec l‘univers du luxe – de là a démarré l’idée de la marque. J’en ai parlé à Simon, qui de son côté travaillait dans les satellites de communication. Nous avons décidé de tenter cette nouvelle aventure…

Simon Maltais et Charles Girard Tremblay, les fondateurs de la marque, se sont rencontrés lors de leurs études d'ingénierie à Montréal.
Simon Maltais et Charles Girard Tremblay, les fondateurs de la marque, se sont rencontrés lors de leurs études d’ingénierie à Montréal.

Quel est le concept de la marque Charles Simon?

En 2013, lorsque j’ai commencé à côtoyer le monde du luxe, je me suis demandé, en tant qu’ingénieur, pourquoi il n’existait pas de marque de bagages de luxe avec un degré d’ingénierie plus poussé, comme on le retrouve dans le monde du sport, en golf par exemple. Charles Simon, c’est la rencontre de l’ingénierie de pointe avec des savoir-faire plus traditionnels dans le bagage de luxe.

S’il fallait se comparer à une marque horlogère, nous sommes proches de l’esprit de Richard Mille, qui a amené des nouveaux matériaux en horlogerie tout en conservant des finitions traditionnelles. Simon partageait lui aussi cet état d’esprit, avec une forte exigence sur la technique: quand on envoie un satellite à plusieurs centaines de millions de dollars en orbite, on n’a pas le droit à l’erreur.

«S’il fallait se comparer à une marque horlogère, nous sommes proches de l’esprit de Richard Mille, qui a amené des nouveaux matériaux en horlogerie tout en conservant des finitions traditionnelles.»

 La structure de l'écrin Mackenzie est faite de fibre de carbone et d'aluminium anodisé, pour assurer robustesse et légèreté. La finition extérieure est en bois centenaire canadien ou en aluminium anodisé, associée à du cuir de jeune taureau.
La structure de l’écrin Mackenzie est faite de fibre de carbone et d’aluminium anodisé, pour assurer robustesse et légèreté. La finition extérieure est en bois centenaire canadien ou en aluminium anodisé, associée à du cuir de jeune taureau.

Quelle a été votre démarche pour concrétiser ce premier concept?

Quand les premières idées sont venues, nous ne nous sommes mis aucune limite en terme de prix, car nous avions la volonté d’amener le produit à un autre niveau, coûte que coûte. Et l’ingénierie de pointe comme l’artisanat traditionnel ont en commun d’être onéreux. L’avantage, c’est que cette combinaison «parle» aux marques horlogères et à leurs clients, qui ont internalisé ce mélange de savoir-faire techniques et artisanaux dans les montres. Nous l’amenons aux bagages et aux écrins de montres pour l’horlogerie.

Comment?

La structure de nos bagages est composée de panneaux de carbone combinés à un squelette en aluminium anodisé. Nous employons les même matériaux que dans le domaine aéronautique que nous connaissons bien. L’esthétique est quant à elle minimaliste – c’est notre signature particulière – mais cette technologie de pointe sous-tend la durabilité, la solidité et la légèreté des produits. Que ce soient nos valises ou nos écrins d’horlogerie, ce sont des produits très simples à l’œil mais chargés de technologie. Je dirais même que cette simplicité n’est possible que par une complexité dans l’ingénierie. La signature visuelle de Charles Simon résulte d’un travail de plusieurs années, réalisé en collaboration avec Pascal Godin, un ancien collègue d’université devenu designer industriel.

«Nous employons les même matériaux que dans le domaine aéronautique que nous connaissons bien.»

Des principes d'aéronautique appliqués aux écrins

Quand avez-vous démarré l’entreprise?

La société a été officiellement fondée en 2014 mais la R&D, la conception et la stratégie commerciale ont pris cinq ans pour aboutir à de premières lignes de produit. On ne pensait pas que cela prendrait aussi longtemps! Notre premier lancement a été le bagage de cabine Bonaventure, qui reste le produit le plus complexe dans notre collection à ce jour. Plusieurs innovations ont été brevetées, comme les poignées à déploiement automatique et les roues rétractables. Nous nous sommes en effet dit que nous devions tout de suite commencer par un produit fort, élaboré et luxueux pour bien marquer les esprits et notre différence. Cette gamme commence à 10’000 dollars.

Des principes d'aéronautique appliqués aux écrins

Vous avez lancé un produit de voyage en 2019 mais la pandémie a dû complètement rebattre les cartes en interrompant les déplacements à partir de 2020…

Oui, nous commencions à avoir une belle presse et de bons échos quand la pandémie est arrivée et nous a fait un peu perdre ce «momentum» des premières ventes. Nous nous sommes rendus compte que les voyages n’allaient pas reprendre de sitôt et nous sommes interrogés sur la meilleure façon de réagir.

Juste avant la pandémie, en février 2020, nous avions rencontré à Montréal le designer horloger français Alexandre Meerson, qui appréciait beaucoup nos produits, notamment notre briefcase Mackenzie, et souhaitait nous mandater pour la réalisation d’un écrin de montres. Nous avons alors décidé non seulement de revoir complètement notre site web mais aussi de développer de nouveaux produits, dont les écrins de montres Mackenzie, pour lesquels nous avons reçu beaucoup de commandes en ligne.

Des principes d'aéronautique appliqués aux écrins

Appliquez-vous aussi de l’ingénierie pointue pour ce type de produit horloger?

Absolument. L’écrin est conçu en carbone avec un design minimaliste. Tous les composants sont usinés en appliquant les standards de l’industrie aéronautique. Nous avons en quelque sorte «transféré» notre savoir-faire des bagages aux écrins d’horlogerie. Les produits ont une garantie de 10 ans mais notre philosophie est de construire pour une vie entière. Outre la ligne Mackenzie, qui démarre à partir de 4’990 dollars, nous avons aussi lancé la ligne Eaton, aux plus petites dimensions.

L'écrin à montres Mackenzie peut contenir jusqu'à dix montres. Les coussins intérieurs sont doublés d'Alcantara souple et amovibles afin de s'adapter à plusieurs types de montres.
L’écrin à montres Mackenzie peut contenir jusqu’à dix montres. Les coussins intérieurs sont doublés d’Alcantara souple et amovibles afin de s’adapter à plusieurs types de montres.

Qui sont vos clients?

A l’heure actuelle, nous travaillons surtout pour des clients privés qui commandent nos produits en ligne. Nous enregistrons notamment une forte demande de Californie. Encore aujourd’hui, tout se fait à la commande et sur mesure, nous ne conservons pas d’inventaires. La personnalisation est aussi possible, par exemple sur la couleur des produits.

«Encore aujourd’hui, tout se fait à la commande et sur mesure, nous ne conservons pas d’inventaires.»

La ligne Eaton de Charles Simon, aux dimensions réduites
La ligne Eaton de Charles Simon, aux dimensions réduites

Avec qui travaillez-vous pour votre distribution?

Outre notre propre site internet, nous avons noué des partenariats avec plusieurs plateformes de e-commerce ces derniers mois, comme Mr Porter, The Rake ou Revolution. Nous visons aussi une distribution physique et venons de signer une collaboration avec la nouvelle boutique Perpétuel à Dubai. A terme, nous souhaiterions aussi collaborer directement avec des marques horlogères.

Des principes d'aéronautique appliqués aux écrins