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Devenir une manufacture par... abonnement

L’HORLOGERIE EN MOUVEMENT

août 2020


Devenir une manufacture par... abonnement

Devenir une «manufacture» en proposant des calibres maison, sans se contenter de galvauder cette appellation? C’est le rêve de nombreuses petites structures horlogères, qui cherchent à se distinguer d’autant plus en cette période de chutes des volumes générale et de repli sur le luxe. L’équipe qui est derrière le développement du mouvement K1 propose à présent la cession de propriété intellectuelle et ses services pour la mise en place de ce qu’ils appellent une «manufacture de mouvements hébergée».

A

ndreas Felsl et Jonas Nydegger sont actifs de longue date tant du côté de la sous-traitance (via les mouvements K1) que du produit fini (via la marque Horage, qui a récemment lancé un modèle à tourbillon à 6’990 CHF hors TVA). Dans un contexte troublé par la pandémie, ils expliquent à présent vouloir «aider les marques indépendantes à créer leur propre division mouvements clé en main».

C’est la raison d’être d’une nouvelle plateforme R&D baptisée THE Plus. Andreas Felsl explique: «Plus que jamais, les horlogers ont besoin d’un modèle de fonctionnement qui cumule peu d’inventaires et beaucoup de flexibilité. Nous profitons de l’architecture modulaire de nos mouvements, à l’instar du K1 qui peut se décliner en 18 versions différentes, avec échappement en silicium et réserve de marche de 65 heures.» Environ 8’000 kits du mouvement K1 ont été produites à ce jour. Assez pour comprendre les paramètres qui sous-tendent les cycles de production industrielle à petite échelle.

«Plus que jamais, les horlogers ont besoin d’un modèle de fonctionnement qui cumule peu d’inventaires, haute dose d’innovation et beaucoup de flexibilité.»

Réduire les frais de développement

THE Plus veut à présent aller plus loin dans cette logique en ne proposant pas uniquement la vente de calibres en tant que tel, mais la mise à disposition de la propriété intellectuelle pour établir une ligne de production interne. «Aujourd’hui, une marque de montres moderne qui veut séduire dans la fourchette 2’000-4’000 CHF doit proposer quelque chose de différent qu’un calibre standard. Or, si une marque seule veut developer de manière industrielle un mouvement à partir de zéro, cela lui prendra au moins sept ans pour un coût total de 8 à 20 millions CHF. C’est à cette équation que nous nous attaquons avec The Plus.»

Les 18 variations du mouvement modulaire K1
Les 18 variations du mouvement modulaire K1

Le programme mis en place par l’équipe de THE Plus propose la mise en place d’une division mouvement sur une échéance de trois à cinq ans. «Nous ne pouvons pas rivaliser sur les volume de production, mais nous pouvons aider les marques à devenir plus indépendantes et innovants, précise Andreas Felsl. Nous les aidons à devenir un fabricant de mouvements pour servir les besoins spécifiques de leur marque.»

Cette mise à disposition de services comprend un forfait d’entrée puis des frais mensuels établis en fonction de la durée du projet, du type de mouvement et du degré d’exclusivité. Ce processus est mené en utilisant le réseau de fournisseurs et la structure d’assemblage existante de THE Plus. La mise en place est calibrée aux besoins de la marque client. Andreas Felsl ajoute: «Cela revient à investir dans son propre mouvement, mais avec un résultat connu et une infrastructure déjà opérationnelle. Le risque est donc faible, car les charges lourdes de R&D ont déjà été assumées par THE Plus au cours des 12 dernières années via les mouvements K1, K2 et Tourbillon.»

«Les charges lourdes de R&D ont déjà été assumées par THE Plus au cours des 12 dernières années via les mouvements K1, K2 et Tourbillon.»

Un moment délicat

Le projet est né en pleine pandémie, qui rebat complètement les cartes de la production horlogère. Si l’époque ne favorise guère les investissements, elle a au moins le mérite de contraindre toutes les marques à repenser leur mode de fonctionnement. «Dans la situation actuelle, il est nécessaire que nous réfléchissions à de nouveaux modèles commerciaux pour maintenir l’industrie en vie», estime l’entrepreneur.

Exemple de calcul d'un forfait mensuel pour la mise en œuvre d'une production de mouvement sur mesure partagée entre 8 partenaires sur 5 ans.
Exemple de calcul d’un forfait mensuel pour la mise en œuvre d’une production de mouvement sur mesure partagée entre 8 partenaires sur 5 ans.

Avec la forte baisse des volumes et la volonté croissante des consommateurs de savoir exactement ce qu’ils ont entre les mains, sur un marché plus mature, l’avenir est aux mouvements originaux et authentiques, juge Andreas Felsl: «Cette situation ne bénéficie pas forcément aux plus grandes marques, qui ont fortement standardisé leur portfolio de mouvements. D’un autre côté, les marques de plus petite taille n’ont plus les moyens d’investir comme avant. Notre proposition a recours à un mélange de compétences internes et externes dans le but d’acquérir une crédibilité horlogère pour un coût maîtrisé.»

De fait, l’industrie horlogère se trouve aujourd’hui dans une posture délicate: elle doit parvenir à maintenir voire accroître l’innovation pour séduire de nouveaux clients sur un marché en berne, tout en gérant des revenus en forte baisse. «Nous ciblons les marques existantes qui veulent passer de mouvements standards à des mouvements maison plus élaborés, de manière crédible, résume Andreas Felsl. L’incertitude est un poison pour toute industrie. Nous proposons un moyen de mettre fin à cette incertitude.»