uand Miguel Rodriguez, patron et propriétaire du groupe Festina (L. Leroy, Perrelet, Jaguar, Candino, Festina, Lotus), rachète Soprod en 2008 au groupe hongkongais Peace Mark, la manufacture de mouvements est déjà passée par nombre de propriétaires successifs.

Soprod SA Les Reussilles a été fondée en 1966 par sept petits «établisseurs» de la région de Tramelan qui unirent leurs forces pour produire des composants de mouvements mécaniques à un niveau industriel.

Devenue producteur de mouvements et assembleur, notamment pour ETA, Soprod a été par la suite rachetée par Leman Capital et fusionnée en 2005 avec le groupe SFT, producteur de mouvements quartz d’entrée de gamme, dans le STM Holding. Mais en 2007, le groupe hongkongais Peace Mark rachète Soprod avant de rapidement connaître une déroute financière globale qui l’oblige à s’en séparer avant de couler.

Europa Star, 1966

L’objectif essentiel de Miguel Rodriguez en rachetant Soprod en 2008 est, face aux restrictions de livraison annoncées par Swatch Group, d’assurer à ses diverses marques une indépendance totale dans l’approvisionnement en mouvements mécaniques et d’offrir une alternative aux marques tierces désireuses de se fournir en mouvements mécaniques Swiss Made d’entrée et de moyen de gamme.

Un réseau intégré

Aujourd’hui, 15 ans après son rachat par le groupe Festina, Soprod est une manufacture de mouvements qui compte dans le paysage. Elle emploie plus de 300 personnes réparties à travers six sites de production en Suisse et un en France, à Maîche (lire dans ce dossier notre article sur France Ebauches, également propriété du groupe Festina). On estime sa production annuelle de mouvements mécaniques entre 150’000 et 200’000 pièces (le groupe ne communique pas ses chiffres), dont 20% sont réservés pour certaines des marques du groupe (essentiellement Perrelet, Candino et Jaguar), les 80% restants étant vendus à des marques tierces (une quarantaine de clients, parmi lesquels on peut citer Dior (avec la ligne Grand Bal), Ball Watches, Cuervo y Sobrinos ou encore Paul Picot.

Aux Reussilles (Tramelan), siège historique du groupe, ont trouve le développement des produits, les labos et l’assurance qualité mouvements, la logistique, le T0 automatisé (le garnissage et chassage des rubis et goupilles) grâce à des machines ultra-modernes qui offrent un gain de temps et de précision considérable ainsi que le T1 (assemblage des mouvements).

Celui-ci s’effectue pour une part importante grâce à une chaîne semi-automatique Lecureux à partir de kits pré-assemblés: contrôle des fonctions, huilage automatique, pose du barillet, des rouages, de l’ancre avec vissage automatique, contrôle des ébats, huilages successifs, posage couronne, cliquet, balancier, serrage des goupilles, huilages successifs, quantième, spiral, masse, mise en marche…

Non loin, aux Muriaux (Saignelégier), se trouve MSE, l’unité stratégique de fabrication de spiraux et d’échappements. Ancres, roues d’échappement, spiraux, balanciers… l’intégralité des organes réglants y sont produits, ce qui assure son indépendance au groupe. Sur les 24 calibres proposés par Soprod, 23 sont équipés d’organes réglants maison (à l’exception du mouvement P24, vendu 80 CHF, tandis que la famille des Newton démarre à 130 CHF).

Avec ses 9 décolleteuses, MSE produit toutes les pièces brutes pour l’intégralité de l’échappement, soit pignons pour mobile d’échappement, axe balancier, virole, double plateau, fourche ancre, ainsi que le barillet.

Chez MSE, Soprod fabrique également ses propres spiraux, à partir de coulées de 3 kilos (sachant qu’une barre de 800 gr permet de fabriquer environ 50’000 spiraux).

Le fil brut est ensuite envoyé dans la filiale de Maîche, en France, où il est laminé et tréfilé. D’un fil de 0,6 mm, on descend par étapes de tréfilage jusqu’à une épaisseur de 70 microns, soit 7 centièmes. Ce fil circulaire est ensuite laminé, écrasé pour former une bande rectangulaire de 3/100e d’épaisseur pour 12/100e de largeur, bande qui donnera naissance au spiral lui-même. En tout, il faut compter 150 opérations différentes, en incluant les opérations de coupe, de virolage, de centrage, de pliage des courbes, de retouche, de traitements thermiques et de placement. Soit pour un seul spiral de 6 à 7 minutes d’opérations manuelles.

C’est aussi chez MSE que spiral et balancier sont assemblés, contrôlés, équilibrés, centrés… Enfin, un atelier s’y consacre aux finitions et terminaisons des pièces, roulage, découpage de la serge de balancier, diamantage, états de surface, rivetage du dard, chassage de la tige d’ancre, pose des palettes de levée… Soit 35 opérations par balancier et 6 opérations pour l’ancre.

A cinq minutes de là, à Saignelégier, on trouve l’unité de décolletage de Soprod. Un spectacle étonnant et bruyant, après le calme d’un spiral vibrant dans le silence au bout de brucelles... 90 machines à cames, uniquement des célèbres Tornos, fabriquent tous les composants du mouvement: pignons, tiges d’ancre, vis plus que microscopiques, axes des secondes, tubes de centre, goupilles, tenons, pieds de vis, roues des heures, chaussées… dans des tolérances de 2 à 3 microns.

Au responsable de l’atelier à qui nous posons la question des valeurs comparées des puissantes machines à came vintage mais increvables et des CNC, il abonde dans le sens de ses Tornos, lui qui vient cependant du monde des CNC. Certes, pour les pièces à la géométrie très complexe, la CNC l’emporte, mais la fiabilité, la précision, la simplicité, la réparabilité des machines mécaniques à came comportent de nombreux avantages.

Le Soprod M100 est un automatique (42h de réserve de marche) de 25.60 mm sur 3.6 mm de hauteur qui bat à 28’800 slt/h (4Hz). Muni d’un système Incabloc. Heures, minutes, secondes centrales, date. Il existe en de nombreuses versions, dont ici à droite une version squelettée.

A côté, on trouve un atelier de taillage des dents des roues et des pignons et de roulage des axes, des pivots, des surfaces de contact pour baisser au maximum la rugosité et supprimer les frottements. Après le décolletage, un atelier de traitements thermiques procède aux traitements de durcissement et de détente de la matière, au polissage, aux finitions, au lavage, au tonnelage et autres méthodes… En tout 130 recettes différentes selon les matières, les alliages, et les formes des pièces, nous détaille le «sorcier» de l’atelier devant une myriade de flacons remplis de poudres mystérieuses.

En outre, Soprod dirige aussi un atelier situé au Sentier, dans la Vallée de Joux, spécialisé dans la fabrication de ponts et platines pour petites à moyennes séries, ainsi qu’une unité importante à Sion, dédiée principalement à la production de mouvements quartz et connectés (un autre chapitre), mais où se font aussi le découpage et la fabrication des outils de rectification, tels que tirettes et bascules.

Enfin à Herbetswil, dans la partie alémanique de la Suisse, Soprod a installé un atelier T2 réservé exclusivement à l’assemblage des montres mécaniques des marques du groupe.

Le Newton

Comme on peut le constater, Soprod est une manufacture hautement intégrée Cette indépendance par rapport à la sous-traitance voire la co-traitance, avec ses problèmes de délais, de réactivité, de souplesse, de continuité de l’approvisionnement, de garantie de livraison, est le fruit de la construction volontariste d’un ensemble parfaitement autonome, comme l’a voulu dès le départ Miguel Rodriguez.

Avec son nouveau mouvement Newton, Soprod hausse la barre et affirme encore plus ses ambitions. Dès 130 CHF (jusqu’à 155 CHF), le Newton se place entre deux stars de fabricants bien plus gros que lui, le SW200 de Sellita et le 2892 d’ETA.

Jusqu’en 2020, date d’arrivée du Newton, le mouvement mécanique le plus important de Soprod était le M100, compatible ETA, dont il existe de nombreuses variantes, à grande date, deuxième zone horaire, indication de la réserve de marche, 24 heures, chronographe, phase de lune, squelette…

Le M100, fiable, n’est pas uniquement jurassien et son prix de 80 CHF (de 145 CHF à 300 CHF selon les différentes complications) en fait le fer de lance de la manufacture.

Le Newton: Sur ce créneau du calibre mécanique suisse d’entrée de gamme, Soprod entend se distinguer notamment par une «fiabilité à toute épreuve»: son nouveau mouvement est équipé de l’amortisseur de chocs Incabloc® double cône, tandis que le pont de balancier traversant procure une protection accrue du balancier lui-même. Le Newton® a été testé par le Laboratoire Dubois et a obtenu le Certificat Chronofiable®.

Avec le Newton, un pas de plus a été franchi. Non seulement il est désormais «100% jurassien» – 85% étant fabriqué en Suisse et 15% en France, dans l’établissement de Maîche (qui abrite aussi France Ebauches) – mais ce qui frappe d’emblée, outre ses spécifications techniques, est la modernité et l’élégante simplicité de son architecture. Avec son large et transversal pont de balancier jeté entre 4h et 8h, qui se prête à de belles décorations et finitions et qui rend visible le balancier sous tous ses angles, il tranche avec l’architecture traditionnelle, offre un aspect plus contemporain, plus symétrique, plus fort graphiquement.

Cet automatique 11 1/2’’’, épais de 4,6mm, doté d’une réserve de marche de 44 heures, qui bat à 4Hz, soit 28’800 alt/h, avec ou sans quantième, se vend au prix de départ de 130 CHF, jusqu’à 200 CHF (version COSC).

Miguel Rodriguez le disait tout de go lors du lancement du calibre Newton: «Notre objectif, outre d’atteindre le 100% Swisness, est aussi celui de se différencier de la concurrence et d’amener une vraie plus-value aux segments des mouvements d’entrée de gamme, tout en offrant un design contemporain.»

Pari réussi? Lancé en 2020 en plein début de pandémie, il prend aujourd’hui son véritable envol. Nul doute que son rapport qualité/architecture/prix saura – a déjà – séduire ses premières marques.