lysse Nardin et Girard-Perregaux semblent profiter pleinement de leur indépendance tout juste retrouvée. Au salon Watches and Wonders, la première marque présentait la Freak One, dépourvue de cadran, d’aiguilles et de couronne, revenant à l’essence même de ce modèle qui a largement contribué, au tournant du millénaire, à décomplexer l’horlogerie traditionnelle en adoptant une mécanique et une esthétique en totale rupture. Ce faisant, elle ouvrait la voie à la «révolution de l’affichage» que l’on a observé dans la branche au cours des vingt dernières années. Une Freak «totale», en quelque sorte.

En parallèle, si elle n’exposait pas directement au salon, Girard-Perregaux a profité de ce sommet mondial de l’horlogerie pour inaugurer sa toute nouvelle boutique, au cœur de Genève, ouverte en collaboration avec Bucherer. Patrick Pruniaux annonce l’ouverture de multiples espaces dédiés à ses marques en partenariat avec les meilleurs détaillants de la planète. L’occasion, aussi, de constater l’essor de la Laureato, le modèle-phare de la marque, dont la cote a connu une envolée sur le marché secondaire.

Patrick Pruniaux, CEO de Girard-Perregaux et Ulysse Nardin

Europa Star: Les marques que vous dirigez ont vécu une période intense – non seulement l’euphorie du marché horloger depuis l’an dernier, mais aussi le retour à l’indépendance avec un groupe d’actionnaires que vous avez réunis…

Patrick Pruniaux: Nous suivons en effet un agenda assez particulier, avec une dynamique très forte caractérisée par la gestion d’une croissance rapide. Le contexte général de 2023 sera, je pense, celui d’une normalisation du marché. De notre côté, nous continuons à travailler sur la qualité de l’expérience client à travers notre réseau de distribution. Ces dernières années, nous avons divisé par deux le nombre de nos détaillants, pour approfondir nos relations avec les meilleurs acteurs nationaux et internationaux. Nous mettons l’accent sur l’ouverture de shop-in-shop et de boutiques en franchise, au nombre d’une quinzaine cette année, comme celle qui vient d’ouvrir pour Girard-Perregaux à Genève en partenariat avec Bucherer. Une autre boutique va bientôt ouvrir à Covent Garden à Londres. Nous travaillons très peu en direct: notre vision est centrée sur des partenariats de long terme avec les détaillants multi-marques.

La nouvelle Girard-Perregaux Laureato Green Ceramic Aston Martin Edition respecte les codes de la première Laureato lancée en 1975, tout en utilisant une céramique verte ultramoderne pour le bracelet et le boîtier (42 mm et 38 mm).

Qu’en est-il de votre stratégie produits?

Elle est aujourd’hui très claire, pour les deux marques. Du côté de Girard-Perregaux, la Laureato est centrale. La demande pour la Haute Horlogerie est également très forte, notamment pour les modèles Bridges. Chez Ulysse Nardin, la présentation de la Freak One cette année constitue un lancement majeur, certainement l’un des plus excitants depuis longtemps dans cette ligne.

La Laureato en particulier a vu une belle progression de sa cote sur le marché secondaire. De plus en plus de marques entendent participer directement à ce segment, notamment à travers le CPO. Quelle est votre stratégie?

Nous n’avons pas structuré notre présence sur le marché secondaire, ce n’est pas une priorité à ce stade de notre développement, même si nous ne nous interdisons pas de le faire par la suite. Ce que nous observons depuis l’an passé, c’est qu’en dépit de la fin de la bulle de spéculation sur ce marché, la cote de la Laureato a continué à progresser fortement, tout comme celle de modèles Ulysse Nardin. La Laureato existe depuis presque cinquante ans et la tendance sur le marché va au-delà du sport-chic: elle concerne toute la belle horlogerie et en particulier les calibres manufactures. L’indépendance et la manufacture constituent une combinaison gagnante aujourd’hui. Nous arrivons à presque 100% de mouvements manufacture dans les deux marques.

«L’indépendance et la manufacture constituent une combinaison gagnante aujourd’hui.»

Votre positionnement prix a-t-il évolué?

Nous ne menons pas une stratégie volontariste de montée en gamme et n’avons pas vraiment augmenté nos prix, mais par la force de la demande on assiste à une augmentation du prix moyen dans nos marques. Il y a naturellement une appétence pour nos complications, en raison du niveau de compréhension élevé aujourd’hui de ce qu’est une manufacture.

Inspirée de la première Freak, la Freak One de 44 mm avec boîtier en titane revêtu DLC noir et lunette en or rose incarne la montre iconique d’Ulysse Nardin et le centre de gravité de la Manufacture, qui affirme sa nouvelle indépendance.

Où cette stratégie doit-elle vous mener?

Nous sommes en train de reprendre la place que nous aurions toujours dû avoir. Nous mettons en avons la grande histoire de nos marques et atteignons une stabilité dans notre offre produits. Nos maisons sont encore en train de mûrir, mais le plus important, c’est le niveau de confiance des acheteurs horlogers que nous avons atteint aujourd’hui. Ce n’est pas seulement lié à l’indépendance, mais plusieurs facteurs très positifs ont coïncidé naturellement après une phase de réorganisation et d’assainissement. Ulysse Nardin et Girard-Perregaux sont par nature des marques d’entrepreneurs, c’est inscrit dans leur ADN. L’excitation pour leurs produits a toujours été présente, aujourd’hui la confiance des clients est pleinement retrouvée.