le-carnet


Le coup du rétroviseur

ÉDITORIAL

English
juillet 2023


Le coup du rétroviseur

Pas un jour sans que la rubrique des journaux italiens ne fasse état d’un vol à l’arraché de montre de luxe, à Rome, Naples, Milan - beaucoup - et ailleurs. La montre est à la mode, c’est une proie relativement facile, qu’on dissimule sans peine et qui vaut son pesant d’or.

L

es modes opératoires sont multiples, des plus cocasses aux plus inquiétantes, jusqu’au pistolet braqué sur la tête. Et il y a de vrais pros et pas mal de pieds nickelés. Des enfants, même, comme ce garçon de 13 ans arrêté récemment à Milan après avoir réussi à subtiliser une Rolex Daytona (il n’y a pas d’âge pour être connaisseur) à un noctambule éméché de retour de movida.

Certains de ces voleurs sont vraiment tenaces et en font une petite industrie. Comme ces deux Napolitains sans beaucoup de scrupules qui louent une voiture, montent à Milan, squattent l’appartement d’un ancien délinquant qui vient de mourir, volent une moto et passent leurs journées à faire «le coup du rétroviseur». Un des deux est un pilote hors pair, spécialiste de l’arrachage impromptu de rétroviseur. S’ensuit forcément une âpre discussion, son complice descend de la moto, vole la montre au poignet de l’automobiliste furieux, remonte sur la moto et tous deux s’en vont à contresens. Imparable. Le 28 septembre, ils volent ainsi une Rolex «de 12’000 euros» à un entrepreneur suisse, quelques jours plus tard une Bulgari à un manager milanais, puis une Rolex Daytona à «un impresario qui parlait au téléphone au volant de sa Porsche Cayenne». Puis une Rolex GMT Master, et une Patek Philippe Calatrava emportée malgré le spray au poivre dont les asperge la victime. Se sentant repérés par la police qui retrouve leur moto et la séquestre, ils changent de planque et continuent leur aventure, mais sur deux vélomoteurs, cette fois...

On se souvient aussi, l’année dernière, de cette histoire d’un touriste dînant sur une terrasse de Naples qui se fait braquer sa Richard Mille – les deux malfrats, armés, disparaissant aussitôt. Une heure ou deux plus tard, un troisième homme rapporte la montre et la lui lance en disant: «Ce n’est pas une Richard Mille!», avant de tourner les talons à son tour.

Mais parfois, la tournure semble plus dramatique. Tout récemment, le 16 avril, toujours à Milan, une femme raconte à une patrouille de police qu’elle s’est faite agresser dans un parking par des voleurs qui en voulaient à sa montre Omega. Elle a tenté de réagir mais un d’entre eux a sorti un couteau et l’a tailladée sur le flanc. Sa blessure est réelle, il y a du sang, une estafilade, elle est emportée en ambulance à l’hôpital.

Mais quand la police visionne les enregistrements des caméras de surveillance du parking, elle ne trouve aucune trace, aucune image des voleurs qui seraient arrivés à pied. Coup fourré: faire semblant de se faire voler une montre en allant jusqu’à se taillader au sang pour toucher l’assurance? Ah, horlogerie, quand tu nous tiens!

Souvent, le lecteur du journal a un haussement d’épaule et tourne la page. Le problème est qu’il ne parvient pas vraiment à compatir avec les victimes. Leur montre représente peut-être une année, voire plus de son salaire. Aurait-il, lui, l’idée de se promener avec une telle somme!

VOTRE NEWSLETTER HEBDOMADAIRE