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Olivier Laesser: l’échappement horloger livre ses secrets

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juillet 2023


Olivier Laesser: l'échappement horloger livre ses secrets

Dans son ouvrage, ce chercheur nous entraîne dans une enquête palpitante, aux contours parfois rocambolesques, dont l’ambition réside dans l’élaboration d’un arbre généalogique inédit de la grande famille des échappements. Un travail colossal qui pourrait bien remettre au goût du jour ce thème plutôt hermétique pour le grand public. Décryptage et entretien avec l’auteur.

O

livier Laesser est un homme courageux. Ce Docteur ès Sciences (physique, ingénierie et horlogerie) s’est immergé dans le monde complexe des échappements horlogers pendant près d’une décennie. En résulte un livre passionnant publié par les éditions Simonin, «Les échappements en horlogerie mécanique», sous-titré «Histoire des multiples solutions apportées à un seul problème».

Au fil des 446 pages de son livre, Olivier Laesser présente un foisonnement de près de deux cents échappements pour horloges, pendules, chronomètres de marine, montres de poche et de poignet. Déjà en 1913, Charles Gros avait recensé 214 configurations différentes dans son ouvrage «Echappements d’horloges et de montres». En réalité, ils seraient beaucoup plus nombreux. On pourrait parfaitement en dresser un répertoire alphabétique ou chronologique. Olivier Laesser a préféré les regrouper par typologie, aux noms parfois surprenant: à repos frottant, à ancre, à sauterelles, à détente, à virgule, à deux roues ou encore à force constante.

Déjà en 1913, Charles Gros avait recensé 214 configurations différentes d’échappements horlogers. En réalité, ils seraient beaucoup plus nombreux.

Chronomètre Optimum de François-Paul Journe (2011), équipé d'un échappement Bi-axial à Haute Performance (brevet EP11405210.3), inspiré de l'échappement «naturel» d'Abraham-Louis Breguet.
Chronomètre Optimum de François-Paul Journe (2011), équipé d’un échappement Bi-axial à Haute Performance (brevet EP11405210.3), inspiré de l’échappement «naturel» d’Abraham-Louis Breguet.
©Montres François-Paul Journe

Pour y voir plus clair dans ce vaste labyrinthe, le lecteur pourra s’amuser à tisser des liens de parenté entre ces ingénieuses solutions historiques et les configurations actuelles. Prenez l’exemple de l’échappement dit «naturel» d’Abraham-Louis Breguet, ou échappement à deux roues à impulsions directes. Développé au début du 19ème siècle, ce mécanisme a inspiré de nombreux horlogers, dont récemment, George Daniels pour une montre affichant l’heure moyenne et l’heure sidérale, François-Paul Journe et son Chronomètre Optimum (calibre 1510), Laurent Ferrier et sa Classic Micro-Rotor ou encore Kari Voutilainen. Chacun de ces horlogers a cependant développé sa propre interprétation, aboutissant à un échappement unique et singulier.

Montre Laurent Ferrier Square Micro-Rotor Blue (2015) et son échappement Dual, également inspiré de l'échappement «naturel» d'Abraham-Louis Breguet.
Montre Laurent Ferrier Square Micro-Rotor Blue (2015) et son échappement Dual, également inspiré de l’échappement «naturel» d’Abraham-Louis Breguet.
©Laurent Ferrier

Quant à Maciej Miśnik, vainqueur 2022 du concours annuel «Young Talent», dont le jury est constitué entre autres de Philippe Dufour, Giulio Papi et François-Paul Journe, il a préféré utiliser l’échappement à détente pivotée d’Arnold, présenté en 1772. Ce même échappement avait déjà inspiré d’autres horlogers renommés à son époque: Ferdinand Berthoud, Pierre Le Roy ou encore Robert Robin.

Modèles de démonstration de l'échappement à détente-ressort. La paternité de cette invention notoire a été disputée par John Arnold (1736-1799) et Thomas Earnshaw (1749-1829) devant les tribunaux britanniques. L'échappement à détente continue à séduire: il a été utilisé par l'autodidacte Maciej Miśnik, vainqueur du concours 2022 des jeunes talents (Young Talents). Pages 343 et 344.
Modèles de démonstration de l’échappement à détente-ressort. La paternité de cette invention notoire a été disputée par John Arnold (1736-1799) et Thomas Earnshaw (1749-1829) devant les tribunaux britanniques. L’échappement à détente continue à séduire: il a été utilisé par l’autodidacte Maciej Miśnik, vainqueur du concours 2022 des jeunes talents (Young Talents). Pages 343 et 344.
©Olivier Laesser

Le balancier-spiral, dont la fonction est d’épauler l’échappement pour dompter la force des engrenages, conserve son ergonomie depuis 1675. Ainsi, le mécanisme de toute montre, quelle qu’elle soit, s’arrête et reprend aussitôt entre 6,8 ou même 10 fois par seconde. Les spécialistes utilisent le terme d’oscillation, exprimée en hertz. On dit ainsi d’un mouvement mécanique qu’il bat à 4 hertz, lorsqu’à chaque seconde, nous entendons 4 fois «tic-tac». Cet arrêt brutal de la force motrice, à intervalles courts, entraîne un nombre incalculable de difficultés. Un peu comme si, au volant de votre véhicule, vous deviez freiner et accélérer, quatre fois par seconde! C’est pourtant ce que nous exigeons d’une montre mécanique, 24 heures sur 24, sur des décennies.

Cet arrêt brutal de la force motrice, à intervalles courts, entraîne un nombre incalculable de difficultés. Un peu comme si, au volant de votre véhicule, vous deviez freiner et accélérer, quatre fois par seconde!

Ce schéma regroupe quatre échappements libres à impulsion directe. Du coin supérieur gauche, dans le sens des aiguilles d'une montre: 1. Robert Robin, 2. Antoine Tavan, 3. George Daniels Co-axial breveté en 1979 et utilisé aujourd'hui dans les montres Omega, 4. Inconnu, similaire à l'échappement «double impulsion» Grand Seiko. Page 438.
Ce schéma regroupe quatre échappements libres à impulsion directe. Du coin supérieur gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre: 1. Robert Robin, 2. Antoine Tavan, 3. George Daniels Co-axial breveté en 1979 et utilisé aujourd’hui dans les montres Omega, 4. Inconnu, similaire à l’échappement «double impulsion» Grand Seiko. Page 438.
©Olivier Laesser

L’organe mécanique chargé de partager le temps à intervalles réguliers est appelé «échappement». Il est en général composé d’une roue qui se trouve à l’extrémité du train de rouage et d’une pièce dont la morphologie rappelle le dessin d’une ancre. Ce schéma universellement utilisé dans les montres mécaniques est aussi connu comme «échappement à ancre suisse». Tout horloger vous confirmera qu’une quantité non négligeable d’énergie d’un mouvement mécanique se perd à l’échappement, cet organe au «tic-tac» si caractéristique, ce qui justifierait son appellation.

Son étude est cruciale pour le futur constructeur d’un nouveau calibre. En effet, tout gain d’énergie représente une réserve de marche prolongée ou bien encore une précision chronométrique accrue. Même si, au fil des temps, l’échappement traditionnel dit «à ancre suisse» s’est imposé comme la solution unique, cela ne pas été toujours le cas, comme le démontre le chercheur Olivier Laesser. Rencontre.

Olivier Laesser: l'échappement horloger livre ses secrets

Europa Star: À quel public s’adresse votre livre et quels ont été les premiers commentaires des lecteurs et/ou des acteurs de l’industrie horlogère?

Olivier Laesser: À l’origine, le livre s’adresse aux historiens, techniciens, ingénieurs et scientifiques actifs dans l’horlogerie. C’est ce que nous avons convenu avec Antoine Simonin, mon éditeur. Et je crois que la mission est accomplie puisque les échos proviennent de personnes de profils très différents. Dans un premier temps, j’ai reçu beaucoup de commentaires saluant le travail effectué. Par la suite, les remarques se sont affinées. La plus agréable que j’ai reçue est celle d’un professeur au CIFOM (Centre Interrégional de Formation des Montagnes neuchâteloises - École Technique Le Locle, ndlr), qui m’a dit utiliser mes schémas «primitifs» pour expliquer les principes de la transmission d’énergie dans l’échappement.

La méthode imaginée par le chercheur Olivier Laesser est inspirée de l'équivalence entre un engrenage complexe (à gauche) et des cercles dits «primitifs» équivalents (à droite), et ce pour une meilleure compréhension graphique d'un échappement quel qu'il soit.
La méthode imaginée par le chercheur Olivier Laesser est inspirée de l’équivalence entre un engrenage complexe (à gauche) et des cercles dits «primitifs» équivalents (à droite), et ce pour une meilleure compréhension graphique d’un échappement quel qu’il soit.
©Olivier Laesser

A la page 326 du livre, vous écrivez: «Je devais retrouver tous les mécanismes réalisés, peu importe qui les avait inventés, ni quand, ni pour quelle application.» Quel a été le principal obstacle auquel vous vous êtes confronté pour mener à bien cette mission titanesque? Et combien de temps a pris votre recherche?

Cette partie n’était pas vraiment le gros du travail. La méthode utilisée et un peu de pratique me permettaient de construire chaque exemplaire en quelques heures seulement. Notez que j’ai eu le temps d’une thèse de doctorat (environ 4 ans, ndlr) pour mettre au point cette méthode. Non, le gros du travail a consisté à collecter et lire des piles de livres et d’articles pour identifier mes échappements, disons théoriques, dans des échappements existants. À la lecture des documents collectés, j’ai commencé à lier les différentes histoires qui tournaient autour de l’invention des différents mécanismes. J’ai alors constaté que ce qui avait mené les horlogers à autant d’inventivité était aussi important, sinon plus, que les inventions en soi. C’est là que je me suis trouvé face à une mission titanesque: narrer les histoires qui ont vu fleurir les plus beaux échappements.

«La méthode utilisée et un peu de pratique me permettaient de construire chaque exemplaire en quelques heures seulement.»

Deux exemples d'arborescences conçues par Olivier Laesser regroupant, dans un seul arbre, plusieurs échappements. Chacun de ces échappements est représenté sous sa forme dite «primitive», notion inventée par le chercheur, facilitant leur compréhension. Sur l'image de gauche, arborescence des échappements primitifs à recul et sur celle de droite, arborescence des échappements à repos. Pages 316 et 323.
Deux exemples d’arborescences conçues par Olivier Laesser regroupant, dans un seul arbre, plusieurs échappements. Chacun de ces échappements est représenté sous sa forme dite «primitive», notion inventée par le chercheur, facilitant leur compréhension. Sur l’image de gauche, arborescence des échappements primitifs à recul et sur celle de droite, arborescence des échappements à repos. Pages 316 et 323.
©Olivier Laesser

Votre «moment de grâce», selon vos propres mots, vous conduit à entrevoir qu’un échappement, quel qu’il soit, peut toujours être simplifié en plusieurs cercles «primitifs» équivalents. Cette découverte méthodologique vous entraîne sur les chemins d’une aventure inédite: rassembler dans une unique arborescence l’ensemble des échappements historiques connus. Le lecteur est tenu en haleine et croise les doigts tout au long du livre en espérant un heureux dénouement: la conceptualisation de votre propre solution. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre méthodologie et travaillez-vous encore à compléter vos premières arborescences?

La méthode fonctionne et j’en suis assez fier, je dois dire. Les arborescences proposées sont complètes dans le domaine choisi: les échappements qui fonctionnent dans le plan ou à axes parallèles. Je pourrais leur ajouter des échappements à axes perpendiculaires, mais je n’y vois pas grand intérêt. S’il me restait des travaux à mener ce serait à propos des quelques échappements que j’ai laissés sur le bas-côté. Comme j’avais à cœur de donner une vue d’ensemble aux lecteurs, j’ai mis de côté quelques curieux échappements qui fonctionnent comme aucun autre. Il y en a à gravité qui ne sont pas à force constante, d’autres agissent sur le spiral plutôt que sur le balancier et d’autres encore donnent deux impulsions avec la même palette... Je m’y attellerai une autre fois peut être.

La méthode dite des «enveloppes» est particulièrement fascinante. D’où vous en est venue l’inspiration?

J’ai exploité la méthode des enveloppes telle qu’elle est utilisée pour tracer des dentures d’engrenages. C’est exactement le même principe. Seuls les «profils» changent. La méthode est effectivement très élégante.

Le lecteur pourra s'amuser (qui sait, avec les enfants?) à suivre, pas à pas, la méthode dite «des enveloppes» . Assez surprenante, elle vous permettra de dessiner le contour - appelé aussi «profil» - d'une dent dont la fonction est d'engrener avec une autre dent.
Le lecteur pourra s’amuser (qui sait, avec les enfants?) à suivre, pas à pas, la méthode dite «des enveloppes» . Assez surprenante, elle vous permettra de dessiner le contour - appelé aussi «profil» - d’une dent dont la fonction est d’engrener avec une autre dent.
©Olivier Laesser

La cohésion graphique de l’ensemble des illustrations est remarquable. Elle facilite la compréhension de chaque échappement, tout en laissant le lecteur lui-même libre de se prêter au jeu des comparaisons. Avez-vous à vous seul élaboré ces centaines de schémas?

Oui, j’ai construit chaque mécanisme en faisant bien attention à ce qu’ils fonctionnent au moins sur le papier. Je les ai surtout construits pour qu’ils facilitent la compréhension. Je vous donne un exemple: si vous illustrez un échappement de pendule à 30 dents sur une image de 148 x 105 mm, vous ne verrez pas quelle dent touche quelle palette, ni si elle la touche par-dessus ou par-dessous, encore moins si elle appuie sur un repos ou sur une impulsion. À la rigueur, vous ne pourrez même pas dire objectivement, dans quel sens tourne la roue. Avec un échappement fonctionnant de la même manière mais disposant d’une petite dizaine de dents, vous voyez immédiatement comment la roue et l’ancre collaborent. Et vous avez raison, ça entraîne, je l’espère, le lecteur à porter son attention sur ce qui fait un échappement, ce qu’il est et non ce à quoi il ressemble.

La modestie de votre épilogue vous fait honneur. En assumant l’échec de votre «échappement à double impulsion primitive», vous partagez avec le lecteur une impression qui sous-tend l’ensemble de votre ouvrage: chacun des près de 150 échappements évoqués et décrits (à cylindre, à repos frottant à roue de rencontre, à détente, à virgule…) semble être le fruit de la rencontre heureuse du génie humain avec une bonne dose de chance. Même si le travail augmente inévitablement la chance, croyez-vous que le hasard fait bien les choses en horlogerie?

J’y crois dur comme fer! Des 150 échappements illustrés et des quelques autres centaines qui existent, voyez combien ont été vraiment utilisés. On compte tout au plus une dizaine d’échappements ayant été réellement exploités sur de longues périodes et par de nombreux horlogers. Dans l’ensemble il semblerait bien que la chance ait son importance. Cela dit, des pointures telles que Robert Hooke, Thomas Mudge et Pierre Le Roy, ou encore Galilée et Christian Huygens, on fait avancer l’horlogerie moins par hasard que par talent.

«Des 150 échappements illustrés et des quelques autres centaines qui existent, on en compte tout au plus une dizaine ayant été réellement exploités sur de longues périodes et par de nombreux horlogers.»

L'horloger Ferdinand Berthoud publie en 1802 son «Histoire de la mesure du temps». Cet ouvrage richement illustré fait le point sur les connaissances horlogères de l'époque. Ici, Berthoud présente le fonctionnement de «divers échappements». Le lecteur curieux pourra s'amuser à reconnaître les échappements, en se basant sur le livre d'Olivier Laesser. On y trouve ainsi l'échappement à roue de rencontre (fig. 1), à cylindre de George Graham (fig. 2) ou libre à impulsion directe de Leroy-Robin (fig. 13).
L’horloger Ferdinand Berthoud publie en 1802 son «Histoire de la mesure du temps». Cet ouvrage richement illustré fait le point sur les connaissances horlogères de l’époque. Ici, Berthoud présente le fonctionnement de «divers échappements». Le lecteur curieux pourra s’amuser à reconnaître les échappements, en se basant sur le livre d’Olivier Laesser. On y trouve ainsi l’échappement à roue de rencontre (fig. 1), à cylindre de George Graham (fig. 2) ou libre à impulsion directe de Leroy-Robin (fig. 13).

Certains trouveront dans votre livre un intérêt historique pour les aventures parfois invraisemblables des découvertes horlogères - le balancier-spiral de Huygens ou la longitude pour n’en citer que deux -, d’autres une précieuse source d’informations pour le développement de nouveaux échappements. Quel intérêt principal voyez-vous à la lecture de votre ouvrage?

Certains lecteurs s’intéressent à rechercher un échappement, un personnage particulier, comme ils le feraient dans une encyclopédie. Avec le recul, je crois que les axes historiques, techniques et scientifiques selon lesquels j’ai construit mon récit sont indissociables. Si vous voulez mon avis, il faut lire le livre de bout en bout pour en tirer vraiment quelque chose.

Et si c’était à refaire… le referiez-vous?

Jamais!


TÉMOIGNAGE

«Avec cet ouvrage, une lacune importante est enfin comblée!» ANTOINE SIMONIN, ÉDITEUR

«J’avais un rêve, celui d’éditer un livre qui retrace l’histoire et l’évolution des échappements. Bien sûr, la littérature sur ce sujet est importante, mais rien n’existait qui donne une vue globale de cet aspect spécifique.

Dans ma vie professionnelle en tant qu’enseignant en horlogerie, j’ai bien sûr toujours été confronté à la question des échappements. En dialoguant avec mes élèves, qu’ils soient apprentis, horlogers aguerris ou enseignants, force était de constater que le plus souvent, ils n’avaient aucune idée de l’évolution historique des échappements et des finesses de leur fonctionnement. C’était donc pour moi, une lacune importante et en tant qu’éditeur, j’ai toujours souhaité pouvoir la combler.

En rencontrant Olivier Laesser, j’ai su qu’il serait la personne idéale pour relever ce défi, lui qui avait été applaudi pour sa thèse «Analyse, synthèse et création d’échappements horlogers par la théorie des engrenages» dans le cadre du Laboratoire de conception micromécanique et horlogère, EPFL-STI-IMT Instant-Lab. Je ne peux que me réjouir du travail qu’il a accompli et de l’approche innovante de son concept: réunir les échappements par famille, ce qui pose une nouvelle base de compréhension.

De plus, l’introduction de chacun des 20 chapitres est dédié à l’histoire des échappements depuis le 17ème siècle jusqu’à nos jours. Cette partie peut se lire comme un roman puisqu’on fait connaissance de toutes les aventures, les mésaventures, les épreuves, les joies et les peines de tous ceux qui se sont confrontés aux échappements.

Le livre nous a valu de nombreuses félicitations et c’est réjouissant de voir que les commandes sont même arrivées d’Angleterre, d’Australie, du Japon, de Chine et des Etats-Unis, bien que le livre n’existe qu’en langue française. Merci à Olivier Laesser d’avoir réalisé mon rêve!»


CONSIDÉRATIONS FINALES

Espionnage et autres aventures

La quête de l’échappement parfait est jalonnée d’histoires fabuleuses. L’un d’elle - et non des moindres - a longtemps opposé les deux puissances maritimes du 18ème siècle: la France et l’Angleterre. Olivier Laesser décrit par le détail «l’échappement à ancre à repos frottant» de Georges Graham (1673-1751), ainsi que «l’échappement à repos frottant à roue de rencontre» de John Harrison (1695-1776). À l’époque, Louis XV, furieux de constater les progrès réalisés outre-Manche, a intimé l’ordre à certains horlogers – dont Ferdinand Berthoud – de se rendre en Angleterre dans le but de glaner le plus grand nombre d’informations. L’espionnage industriel allait bon train…

Une nouvelle pédagogie

Il s’agit probablement de l’apport majeur de cet ouvrage: en applicant aux échappements la méthode dite «primitive», Olivier Laesser invente une nouvelle pédagogie. Son livre se transforme alors en un formidable outil de démocratisation. Tout à coup, l’auteur offre au lecteur – curieux d’horlogerie, collectionneur, ingénieur et même professeur d’horlogerie – la clé d’une compréhension immédiate de ces mécanismes. Un apport substantiel.

L’échappement, problème ou solution?

Olivier Laesser n’aura pas révolutionné l’horlogerie avec son échappement «à double impulsion primitive». Selon ses propres mots: «J’abandonne mes expériences, doutant peu à peu que les échappements puissent être la solution du problème de comptage et d’entretiens des oscillations. Ils sont si nombreux, si disparates, Je commence à croire que c’est parce qu’ils sont le problème.» Cependant, le voyage qu’il nous propose - au travers de cette lecture - est le plus beau cadeau qu’il puisse faire à la communauté des curieux et des professionnels de la belle mécanique. On ne peut naturellement que recommander ce bel ouvrage.


ANNEXES

Jost Bürgi (1552-1632): pour sa deuxième horloge expérimentale, le savant suisse utilise un mécanisme avec remontoir d'égalité ainsi qu'un échappement révolutionnaire, à battements croisés à deux foliots. Cette horloge aurait atteint la précision, étourdissante pour l'époque, d'une minute par jour.
Jost Bürgi (1552-1632): pour sa deuxième horloge expérimentale, le savant suisse utilise un mécanisme avec remontoir d’égalité ainsi qu’un échappement révolutionnaire, à battements croisés à deux foliots. Cette horloge aurait atteint la précision, étourdissante pour l’époque, d’une minute par jour.
©Olivier Laesser

William Clément (1620-1713): horloge à pendule et son échappement à ancre. Il s'agit de l'une des toutes premières constructions «classiques» roue-ancre, utilisée aujourd'hui sous forme d'échappement libre dans quasiment toutes les montres mécaniques. Pages 36-38.
William Clément (1620-1713): horloge à pendule et son échappement à ancre. Il s’agit de l’une des toutes premières constructions «classiques» roue-ancre, utilisée aujourd’hui sous forme d’échappement libre dans quasiment toutes les montres mécaniques. Pages 36-38.
©Olivier Laesser

Christian Huygens (1619-1677): échappement à roue de rencontre à pirouette pour balancier spiral. Le 30 janvier 1675, pour la première fois dans l'histoire de l'horlogerie mécanique, un ressort (spiral) était couplé à un balancier pour remplacer le pendule ou le foliot. Cette avancée technologique sera disputée à son inventeur, Christian Huygens, par de nombreux horlogers et savants de l'époque: Isaac Thuret, Jean de Hautefeuille, ou encore Robert Hooke. Page 60.
Christian Huygens (1619-1677): échappement à roue de rencontre à pirouette pour balancier spiral. Le 30 janvier 1675, pour la première fois dans l’histoire de l’horlogerie mécanique, un ressort (spiral) était couplé à un balancier pour remplacer le pendule ou le foliot. Cette avancée technologique sera disputée à son inventeur, Christian Huygens, par de nombreux horlogers et savants de l’époque: Isaac Thuret, Jean de Hautefeuille, ou encore Robert Hooke. Page 60.
©Olivier Laesser

Thomas Tompion (1639–1713): échappement à repos frottant pour les Great Clocks (Observatoire de Greenwich). Page 41.
Thomas Tompion (1639–1713): échappement à repos frottant pour les Great Clocks (Observatoire de Greenwich). Page 41.
©Olivier Laesser

George Graham (1673-1751): échappement à cylindre. Page 82.
George Graham (1673-1751): échappement à cylindre. Page 82.
©Olivier Laesser

Johann Jacob Huber (1733-1798) et Thomas Mudge (1717-1794): échappement à force constante. Page 266.
Johann Jacob Huber (1733-1798) et Thomas Mudge (1717-1794): échappement à force constante. Page 266.
©Olivier Laesser

John Harrison (1693-1776): échappement à repos frottant à roue de rencontre pour le chronomètre de marine H4. Page 146.
John Harrison (1693-1776): échappement à repos frottant à roue de rencontre pour le chronomètre de marine H4. Page 146.
©Olivier Laesser

Ferdinand Berthoud (1727-1807): échappements à cylindre et à râteau pour chronomètre de marine. Les chronomètres de marine modèles Nº6 et 8 sont livrés au roi de France Louis XV le 3 novembre 1768, en échange du titre d' «Horloger Mécanicien du Roy et de la Marine». L'horloger reçoit également un versement de 9'600 livres tournois, une somme colossale pour l'époque. Page 229.
Ferdinand Berthoud (1727-1807): échappements à cylindre et à râteau pour chronomètre de marine. Les chronomètres de marine modèles Nº6 et 8 sont livrés au roi de France Louis XV le 3 novembre 1768, en échange du titre d’ «Horloger Mécanicien du Roy et de la Marine». L’horloger reçoit également un versement de 9’600 livres tournois, une somme colossale pour l’époque. Page 229.
©Olivier Laesser

Thomas Mudge (1717-1794): échappement libre à ancre utilisé dans la montre de poche de la reine d'Angleterre Charlotte, épouse du roi George III. Page 219.
Thomas Mudge (1717-1794): échappement libre à ancre utilisé dans la montre de poche de la reine d’Angleterre Charlotte, épouse du roi George III. Page 219.
©Olivier Laesser

Abraham-Louis Breguet (1747-1823): échappement à deux roues à impulsions directes dit «naturel». Page 441.
Abraham-Louis Breguet (1747-1823): échappement à deux roues à impulsions directes dit «naturel». Page 441.
©Olivier Laesser

Ludwig Oechslin: échappement à deux roues à impulsions indirectes Dual Ulysse (en bas) avec son ancêtre à recul de Volet (en haut à gauche) et un hypothétique ancêtre à repos frottant (en haut à droite). Page 433.
Ludwig Oechslin: échappement à deux roues à impulsions indirectes Dual Ulysse (en bas) avec son ancêtre à recul de Volet (en haut à gauche) et un hypothétique ancêtre à repos frottant (en haut à droite). Page 433.
©Olivier Laesser

LAESSER Olivier, «Les échappements en horlogerie mécanique, histoire des multiples solutions apportées à un seul problème», éditions Simonin, 2021