ondée en 1919, Titoni a toujours affiché un profil singulier dans le paysage horloger suisse. Comme nos propres archives – riches à son sujet – l’illustrent, elle a construit son développement principalement en Chine dès les années 1950, alors loin d’être l’Eldorado du luxe que l’on a connu ces dernières années. Cela lui a permis de croître dans la discrétion ici en Occident, mais avec une notoriété importante en Chine.

Problème: durant trois ans, la Chine a été coupée du monde, en raison de la pandémie. Ce qui a, proportionnellement, pénalisé Titoni encore davantage que l’industrie horlogère suisse dans son ensemble, elle-même déjà très exposée au pays. Il s’avère donc crucial pour la marque de dessiner son avenir hors de Chine également. Et elle a des avantages à faire valoir. Entretien.

Le siège de Titoni à Granges

Europa Star: Quelles sont les valeurs de Titoni?

Olivier Schluep: L’indépendance, l’art horloger suisse, la tradition! Face aux groupes, nous sommes l’une des rares entreprises familiales horlogères actives sur notre créneau. Et nous sommes aussi l’une des rares à détenir le savoir-faire à l’interne pour réaliser des mouvements mécaniques et assurer une production autonome, de la fabrication du mouvement au contrôle final en passant par l’assemblage des montres. Nous représentons, avec mon frère Marc, la quatrième génération à la tête de l’entreprise. Je suis responsable du marché européen et Marc est responsable du marché asiatique.

Certifiée COSC, la Seascoper 600 est l’un des modèles-clés de l’offre contemporaine de Titoni.

Justement, vous avez la particularité d’avoir très tôt démarré en Chine – dès les années 1950. Votre notoriété y est d’ailleurs bien plus importante qu’en Suisse. Quelle est la situation actuelle sur ce marché?

Elle reste difficile après plusieurs années marquées par la pandémie. Et la reprise est plus favorable aux marques actives dans le haut de gamme et le luxe que le moyen de gamme. Les consommateurs y semblent moins optimistes que par le passé. La Chine reste le marché le plus important pour Titoni, mais nous en train d’établir une nouvelle présence en Europe.

La société emploie une cinquantaine de personnes à Granges et dispose d’une importante filiale en Chine.

Avec quels résultats?

Les réactions sont positives, mais cela prend du temps et nous travaillons beaucoup par ventes en ligne avant de déployer un réseau physique. Or, si nous perdons 10% de ventes en Chine, où nous sommes présents depuis plus de 60 ans, il est difficile de compenser rapidement ces parts ailleurs dans le monde. Nous savions bien sûr qu’être autant exposé à un seul marché pouvait représenter un risque.

Réalisé à partir de 168 composants, le mouvement automatique maison T10 a été développé par Titoni pour son centenaire en 2019. Il dispose d’une réserve de marche de trois jours et est certifié COSC.

La foire de Bâle était l’un de ces moments où nous pouvions vous voir chaque année. Sa disparition a certainement un poids négatif sur votre visibilité. Allez-vous prendre à nouveau part à des salons?

Nous le considérerons en effet à l’avenir. Il y a eu beaucoup de changements dans l’industrie et la structure des salons. Ceux-ci étaient devenus moins importants pour la marque au cours de la dernière décennie.

La ligne Heritage, inspirée des années 1950

Vous avez développé un mouvement maison en 2019. Est-ce que cela porte ses fruits?

Il s’agit d’un avantage de vente important à notre niveau de prix sur les nouveaux marchés que nous souhaitons explorer. Notre mouvement a été introduit dans notre ligne de montres de plongée Seascoper. Nous avons aussi intégré un nouveau matériau, le carbone, dans cette collection. La collection Seascoper est très importante pour conquérir de nouveaux marchés. La montre de sport est clé en Europe ou aux Etats-Unis, tandis que nos lignes plus classiques, misant sur une forme d’élégance intemporelle, sont plus populaires en Chine. Autre point important: nous devons encore mieux partager notre histoire à travers des designs basés sur notre héritage. Par exemple, notre collection Airmaster a plus de 60 ans d’histoire continue.

Avec le lancement de l’Impetus CeramTech, Titoni ouvre un nouveau chapitre de son histoire. Le modèle de 43 mm combine de la céramique suisse de haute technologie avec l’acier inoxydable et des couleurs vivantes.

Afin de renouveler l’image de la marque, votre nouveau modèle Impetus CeramTech semble constituer une étape importante…

Oui, grâce à la céramique high-tech, à son design contemporain à lunette polygonale et à ses couleurs audacieuses. Ce modèle est de plus livré avec deux bracelets. Tout le développement a été réalisé à l’interne, ici à Granges, en collaboration avec un expert suisse dans ce domaine.

Est-ce que, comme l’industrie suisse en général, vous produisez moins de volumes mais à un prix moyen plus élevé?

Oui, notamment en raison de notre mouvement manufacture que l’on trouve dans les Seascoper 600 et Line 1919. Mais nous restons sur un segment de prix entre 1’000 et 3’000 francs. A ce prix, nous pourrions faire de l’assemblage externe, cela nous coûterait bien moins cher – et certains nous le recommandent certainement – mais nous souhaitons rester de «vrais» horlogers, avec un assemblage dans nos murs, en accord avec notre histoire, et ne pas devenir une marque «marketing». C’est cette philosophie que nous devons maintenant mieux véhiculer.