L’horlogerie indépendante


Greubel Forsey prend son envol

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décembre 2023


Greubel Forsey prend son envol

L’année prochaine Greubel Forsey, en pleine croissance, fêtera ses 20 ans. Au programme, une forte extension de ses Ateliers, des lancements soutenus, un style qui s’affirme et une entrée dans un nouveau domaine, le chronographe.

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ébut novembre 2023. C’est le branle-bas de combat dans la manufacture Greubel Forsey. L’emblématique et futuriste bâtiment en pente qui, accolé à une ferme du 17ème siècle, surgit du sol dans le vallon qui sépare La Chaux-de-Fonds du Locle, s’apprête à voir sa surface plus que doubler, passant de 2’500 à 5’460 m2. Un investissement en auto-financement de l’ordre de 20 millions de francs.

Et dire qu’en 2019, la situation de cet Atelier œuvrant dans le tout haut de gamme était devenue délicate. A l’époque, les presque 100 collaborateurs de Greubel Forsey produisaient 95 montres par an, au prix moyen d’environ 500’000 CHF. En 2023, la production aura plus que doublé avec 230 montres au prix moyen de 250’000 CHF, produites par 140 collaborateurs (dont 22 personnes à la seule R&D et 20 personnes à la décoration manuelle).

Le projet d'agrandissement de l'Atelier Greubel Forsey, dont les travaux commenceront ce printemps, à la fin du rude hiver jurassien.
Le projet d’agrandissement de l’Atelier Greubel Forsey, dont les travaux commenceront ce printemps, à la fin du rude hiver jurassien.

Tout se met en place pour qu’en 2024 on parvienne à 300 montres, l’objectif ultime étant d’atteindre, sans rien céder à la haute qualité et à l’inventivité qui ont fait le renom de Greubel Forsey, un maximum de 500 montres par an. En trois ans, le chiffre d’affaires a désormais triplé. Les carnets de commande sont pleins pour les trois ans à venir. Que s’est-il passé pour que s’opère un tel redressement?

Alchimie(s)

Tout a commencé avec la rencontre entre Robert Greubel et Antonio Calce. Une confiance sans faille est née entre les 2 hommes et s’est traduite par l’arrivée aux commandes de l’énergétique et bouillonnant Antonio Calce, désormais CEO, Executive Board Member & Shareholder de Greubel Forsey, a permis de rebattre intégralement les cartes. «C’est la même horlogerie, au même niveau de qualité hors norme, nous déclare-t-il d’emblée, mais sa désirabilité a été considérablement accrue et la chaîne de valeur entièrement revue avec en ligne de mire le client final. Au-delà des seuls collectionneurs auxquels la marque s’adressait prioritairement, nous avons ouvert grand les portes de Greubel Forsey aux connaisseurs amoureux de l’excellence horlogère.»

Et ce, notamment, en étant plus attentif au design, à l’ergonomie, à l’attrait architectural et stylistique intemporel des pièces. Mais rien de cosmétique là-dedans: l’innovation mécanique reste au cœur du sujet, la haute bienfacture des finitions de même, mais le regard porté sur ces pièces a évolué.

Une des clés de ce succès provient sans doute de l’alchimie qui s’est opérée entre Antonio Calce et Robert Greubel. Entre les deux hommes, qui ne se ressemblent pas, entre le volubile Antonio et le discret Robert, «une relation unique» s’est tournée sur la quête de l’excellence: «Des échanges intenses et une grand complicité ont permis de chercher ensemble et aller à l’essence de ce qu’est Greubel Forsey. Nous avons rassemblé toutes les particules flottantes en se posant les bonnes questions ensemble et en interrogeant le produit: que veut-on faire exactement, jusqu’où voulons-nous aller, quel est notre vision stratégique à plus long terme, comment atteindre une taille critique supérieure, à qui nous adressons-nous, quelle sera notre politique de distribution? Dès le premier sketch d’une future montre, il faut penser aussi au client final et aux raisons qu’il aura d’acquérir la pièce.»

Derrière toutes ces questions se cache une ambition: «Transformer un Atelier innovant en une Marque pérenne.»

Les cinq doigts de la main

Antonio Calce aime synthétiser sa démarche en évoquant les cinq doigts de la main comme les cinq principes qui doivent s’appliquer à chaque nouvelle création: l’invention et l’innovation horlogère; le fait main, fini main; la précision et la fiabilité; l’architecture – pas de cadran traditionnel – et le design; la rareté et l’exclusivité (chaque nouveau mouvement ne sera fabriqué que pendant cinq ans puis sorti de production).

Le tout récent Balancier 3 est emblématique de cette approche renouvelée. C’est une pièce entièrement nouvelle, plus «abordable» (160’000 CHF) et plus robuste, dotée de sa propre identité et d’un diamètre conventionnel de 41,5 mm.

Le tout en maintenant le très haut degré d’exigence chronométrique et de finitions 100% manuelles – sur toutes les faces de tous les composants – qui sont la griffe de Greubel Forsey.

Le Balancier 3, en titane, se démarque par son style et son architecture dominée par trois ponts au profil courbé, sur le barillet, le grand balancier et le pont transversal qui s'arrime au compteur des secondes et supporte les aiguilles des heures et minutes. Cette architecture s'inscrit dans un fin boîtier Convexe, galbé côté fond comme côté cadran, une forme parfaitement ergonomique et qui offre au mouvement des volumes très architecturaux. L'architecture technique du mouvement est sobre et épurée de façon à mettre en valeur les finitions apportées à chaque composant du mouvement à qui les deux barillets assurent trois jours de réserve de marche chronométrique. Le grand balancier qui donne son nom à la pièce est d'un majestueux diamètre de 12,6 mm. A 8h, la petite seconde s'affiche sur une aiguille fixe sous laquelle tourne un disque satiné main. Les finitions sont superlatives et couvrent l'intégralité des surfaces, à l'image de celles du pont central, à la géométrie très complexe, ajouré, en trois dimensions, comportant de nombreux angles rentrants parfaitement finis.
Le Balancier 3, en titane, se démarque par son style et son architecture dominée par trois ponts au profil courbé, sur le barillet, le grand balancier et le pont transversal qui s’arrime au compteur des secondes et supporte les aiguilles des heures et minutes. Cette architecture s’inscrit dans un fin boîtier Convexe, galbé côté fond comme côté cadran, une forme parfaitement ergonomique et qui offre au mouvement des volumes très architecturaux. L’architecture technique du mouvement est sobre et épurée de façon à mettre en valeur les finitions apportées à chaque composant du mouvement à qui les deux barillets assurent trois jours de réserve de marche chronométrique. Le grand balancier qui donne son nom à la pièce est d’un majestueux diamètre de 12,6 mm. A 8h, la petite seconde s’affiche sur une aiguille fixe sous laquelle tourne un disque satiné main. Les finitions sont superlatives et couvrent l’intégralité des surfaces, à l’image de celles du pont central, à la géométrie très complexe, ajouré, en trois dimensions, comportant de nombreux angles rentrants parfaitement finis.

Elle est issue d’un incessant aller-retour entre les différentes parties prenantes du projet, le bureau d’étude technique et celui du design et du style avançant toujours de concert, l’étude détaillée des finitions intégrales de tous les composants et de l’habillage menée avant toute mise en route de la fabrication… un processus organique qui convoque tous les métiers rassemblés autour du produit final, de sa «désirabilité».

Un nouveau pilier, le Chronographe, et de nouvelles Inventions Fondamentales

Dans les plans de développement produit mis en œuvre, Greubel Forsey va investir dans les trois ans qui viennent un terrain sur lequel l’Atelier ne s’était encore jamais aventuré, le chronographe. C’est là aussi l’occasion pour la marque de démontrer qu’avec l’art des finitions manuelles, l’architecture et le design, l’invention horlogère reste au cœur de son action.

On va donc assister pour les 20 ans de l’Atelier, à la sortie d’un Chronographe Flyback Monopoussoir à roue à colonnes incluant des technologies nano – la 9ème Invention Fondamentale de la maison. Étant donné la dimension extrêmement réduite de certains des composants, dont une minuscule nano seconde foudroyante placée sur la cage tournante du tourbillon, la gestion de l’énergie pose des défis particuliers. La taille de cette montre est aussi une première pour la maison avec un très modeste diamètre de 37,5 mm.

En 2025, ce sera au tour de la 10ème Fondamentale, un chronographe à force constante, doté de deux spiraux dont un destiné uniquement à la fonction chronographe à différentiel d’égalité qui compensera la perte d’amplitude au moment du déclenchement. Enfin, en 2027, viendra le Quadruple Split Chronographe (EWT), un chronographe de grande complication avec triple rattrapante (heure, minute, seconde) et double nano foudroyante, dont une avec start/ stop/ reset, soit en tout 14 aiguilles.

A la poursuite de la précision chronométrique, le Tourbillon Cardan combine la rapidité – 16 secondes – de sa révolution, son inclinaison à 30° et son système de cardan. Sans compter sur son grand balancier (12,6 mm) à forte inertie. Avec ses quatre barillets empilés, à bride glissante, ils offrent une réserve de marche chronométrique de 80 heures. Stylistiquement, ce sont les deux arceaux du cardan qui maintiennent le tourbillon. Une architecture totalement inédite.
A la poursuite de la précision chronométrique, le Tourbillon Cardan combine la rapidité – 16 secondes – de sa révolution, son inclinaison à 30° et son système de cardan. Sans compter sur son grand balancier (12,6 mm) à forte inertie. Avec ses quatre barillets empilés, à bride glissante, ils offrent une réserve de marche chronométrique de 80 heures. Stylistiquement, ce sont les deux arceaux du cardan qui maintiennent le tourbillon. Une architecture totalement inédite.

Mais le programme de développement ne s’arrête pas là, loin s’en faut.

En 2024, nous découvrirons aussi la Qualité Musée, un standard d’excellence absolue qui met en avant toutes les compétences axées sur la finition manuelle.

Sans oublier la 8ème Invention Fondamentale de la maison, le très récent Tourbillon Cardan (470’000 CHF), qui tourne à la vitesse de 16 secondes par révolution et est monté sur deux arceaux extérieurs qui basculent d’avant en arrière en 48 secondes, permettant de conserver l’inclinaison idéale à 300 du tourbillon dans toutes les positions.

Hand Made…

En ces jours de déménagement interne en prévision des travaux d’agrandissement qui ont déjà permis de gagner 2’000 m2 et qui continueront en avril 2024 (sans interférer avec la production et son rythme), la ruche oblique du bâtiment qui semble surgir de terre est tout chamboulée.

A la proue, au rez-de-chaussée, on trouve un atelier qui semble vivre à part. C’est l’Atelier Hand Made. C’est de là qu’est déjà sortie en 2019 la montre Hand Made 1, un Tourbillon, qu’en ce moment progresse la Hand Made 2, un Balancier qui va sortir en 2024, et que se prépare la Hand Made 3, un Chronographe prévu pour 2026. Toutes des montres intégralement réalisées à la main, uniquement à l’aide de petites machines mécaniques et d’outils traditionnels. « Un chronographe intégralement réalisé à la main, s’extasie Antonio Calce! Mais personne n’a jamais fait ça. Et si vous pouvez le faire, alors vous êtes capable de tout faire.»

La Hand Made 1 intégralement réalisée et décorée main. Une montre très contemporaine réalisée de la façon la plus hautement artisanale.
La Hand Made 1 intégralement réalisée et décorée main. Une montre très contemporaine réalisée de la façon la plus hautement artisanale.

Et pour cause! Un des horlogers de l’atelier nous détaille la tâche: au total il y en a pour 6’000 heures de travail pour une seule montre, dont 400 à 500 pour la seule décoration et 200 pour l’assemblage, avec les retouches et les ajustements. Et tout, strictement tout se fait ici, dans cet atelier. Un conservatoire vivant des savoir-faire horlogers, certes, mais pas pour autant conservateur, comme en témoigne leurs réalisations.

Une ruche en pente ascendante

Non loin de ce havre de tranquillité, débarquent de nouvelles machines CNC Willemin-Macodel de dernière génération qui viennent compléter le parc déjà très performant du centre d’usinage. Certaines de ces machines sont réservées, dans un secteur à part, à la R&D qui dispose ainsi de son propre parc réservé et où s’usinent tous les prototypes, s’éprouvent et s’affinent toutes les innovations et inventions en route.

Nous pourrions continuer ainsi la visite, évoquer entre autres le laboratoire, qui vaut à lui seul le détour, l’immense atelier de décoration manuelle et sa vingtaine d’artisans pointus (qui mériterait à lui seul un article), ou encore, au dernier étage, les vastes espaces des horlogers où chacun assemble et règle sa propre montre de A à Z une première fois, l’ajuste, la défait et la réassemble une seconde fois puis l’emboîte et la contrôle.

«Nous sommes fier d’avoir permis aux équipes de prendre plus d’autonomie. L’épanouissement de chacun est la condition de la réussite. C’est aussi comme ça que se construit une pérennité. Les collaborateurs deviennent une force de proposition, chacun d’entre nous devient le garant de la signature Greubel Forsey», s’enthousiasme Antonio Calce.

Il poursuit: «Les résultats économiques sont là et bien là, qui valident notre démarche. Nous avançons à grands pas vers une autonomie renforcée. Nous avons racheté les 20% de parts que détenait Richemont. Nous avons reconfiguré notre distribution, passant de 60 points de vente à 24 aujourd’hui. Car, par la force des choses et de nos exigences, nous produisons chaque année un nombre qui reste relativement modeste de montres exclusives, et avec notre ambition d’asseoir le nom comme marque de référence dans le paysage de la haute horlogerie, avoir une seule montre en vente chez 60 détaillants ne faisait plus sens.»