Le marché horloger français


Pequignet et le Calibre Royal

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octobre 2023


Pequignet et le Calibre Royal

Avec le Calibre Royal automatique puis dès 2017 le Calibre Royal manuel et en 2021 le Calibre Initial, la montée en gamme de Pequignet doit être accompagnée. Le soutien va venir du fonds d’investissement familial Enowe, un fonds attentif au développement durable, créé par l’industriel Hugues Souparis, qui investit dans des projets d’entreprises françaises dans un grand nombre de domaines, dont notamment, sous son pôle Excellence, «l’industrialisation des produits de haute qualité et tradition française dans la mode, la cosmétique, les spiritueux et la gourmandise».

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n 2003, Didier Leibundgut rachète Pequignet à son fondateur Emile Péquignet qui s’en va se consacrer à ses chevaux, à son accordéon et à sa nombreuse famille.

Tous deux sont originaires de Morteau. Emile Péquignet est un autodidacte qui a créé dès 1973 une des plus belles marques horlogères françaises. Ses collections ont du succès, misent sur le design, l’élégance des formes (on pense notamment à la «maille Pequignet» faite de segments mobiles qui se prêtent à la décoration) et l’originalité. Une des spécialités de la marque à l’époque est aussi le chronographe, motorisé ETA. Par ailleurs, l’essentiel est motorisé quartz. A l’époque de sa cession, Pequignet écoulait environ 15’000 pièces de bijouterie et 10’000 montres par an, au prix moyen de 2’500 euros.

Didier Leibundgut, quant à lui, débarque de chez Zenith, installé au Locle, à un jet de pierre de Morteau, dont il fut directeur de Zenith France puis directeur international du marketing de 1994 à l’arrivée de LVMH en 2001. Toute sa stratégie marketing était alors centrée autour du mouvement El Primero (qui à l’époque équipait aussi la Daytona de Rolex). Quand il s’entend dire avec condescendance que «nous ne vendons pas des mouvements, nous vendons des montres», Didier Leibundgut prend la porte.

En 2003, il rachète donc Pequignet et d’emblée s’assigne une mission: créer le premier mouvement mécanique haut de gamme de l’horlogerie française contemporaine. Le pari est énorme. Deux jeunes concepteurs chevronnés sont engagés, un laboratoire est créé. L’objectif est d’obtenir une haute performance en termes de réserve de marche, d’isochronisme, de couple et d’inertie pour offrir précision et grande fiabilité. Partie d’une page blanche, l’aventure va prendre des années, nécessiter 270 plans industriels, la création de 120 outils d’étampage pour les seuls rouages, en tout 302 composants originaux sous-traités en Suisse et dans la région jurassienne, dont seul l’organe réglant provient de Nivarox. En 2009, le mouvement voit le jour et l’année suivante il est présenté à Bâle.

Annonce publiée dans Europa Star 5/2009
Annonce publiée dans Europa Star 5/2009

Le mouvement Royal est remarquable et remarqué, architecturalement beau et fort bien terminé mais son industrialisation est complexe, les investissements nécessaires sont lourds (des investisseurs, MM. Katz et Spruch arrivent dès 2012) et son origine française reste un obstacle commercial dans le segment haut de gamme qui est le sien. La belle aventure va tourner court.

Didier Leibundgut se rend compte qu’il ne parviendra pas à tenir son objectif d’atteindre la rentabilité en cinq ans et se retire. Quelque temps plus tard, en 2017, les investisseurs jettent à leur tour l’éponge. Mais la «seule manufacture française de haute horlogerie», dont la faillite risque d’être prononcée, est alors reprise par quatre cadres de la maison. Les sous-traitants et partenaires sont rassurés, l’aventure peut se poursuivre. Mais en 2020-2021, la question se pose avec acuité: quel avenir pour la maison?

Pequignet et le Calibre Royal

Avec le Calibre Royal automatique puis dès 2017 le Calibre Royal manuel et en 2021 le Calibre Initial, sa montée en gamme doit être accompagnée. Le soutien va venir du fonds d’investissement familial Enowe, un fonds attentif au développement durable, créé par l’industriel Hugues Souparis, qui investit dans des projets d’entreprises françaises dans un grand nombre de domaines, dont notamment, sous son pôle Excellence, «l’industrialisation des produits de haute qualité et tradition française dans la mode, la cosmétique, les spiritueux et la gourmandise».

Notre interlocuteur est Dani Royer, directeur des opérations de Pequignet, un des quatre mousquetaires ayant sauvé la marque de la faillite. Issu de l’école d’ingénieurs ENSMM de Besançon, il est ensuite passé par Richemont, a participé à la création de la manufacture de Buttes (Panerai, Piaget, Baume & Mercier…), a été constructeur de mouvements, est devenu directeur de la qualité, avant de passer par La Joux-Perret pour finalement rejoindre Pequignet en 2014.

«Le Calibre Royal, en cours d’industrialisation, connaissait encore des problèmes techniques, mais du point de vue de sa conception, il était extraordinaire, nous affirme-t-il. Il fallait y apporter des modifications techniques, le finaliser, repenser sa production.» Quelques années vont donc encore s’écouler pour y parvenir. Aujourd’hui, en 2023, année durant laquelle Pequignet fête ses 50 ans d’existence, c’est chose faite.

Les Calibres Royal, Royal Manuel et Initial

Le Calibre Royal, intégralement repensé et fiabilisé, est le premier mouvement français haut de gamme qui intègre heure, minute, petite seconde à 4h, exceptionnelle réserve de marche de 88 heures affichée à 8h, jour et grande date avec correction par la couronne, Lune de précision de 122 ans avec correction par poussoir, aiguille GMT à 4h avec correction par poussoir dans la couronne ainsi que jour/nuit avec correction par poussoir. Le tout dans une dimension de 31 mm de diamètre pour une épaisseur totale de 5,88 mm, entraîné par remontage automatique bidirectionnel, battant à la fréquence de 3 Hz – 21’600 alternances/heure, et traditionnellement décoré Côtes de Genève, perlage, colimaçonnage. Le Calibre Royal détient 8 brevets.

Calibre Initial 12 1/2''' (28,2 mm) pour une épaisseur totale de 4,2 mm. Heure, minute, grande seconde centrale, date. Réserve de marche de 65 heures. remontage bidirectionnel. 4Hz, 28'800 alt/h. Stop-seconde, date semi-instantanée. Décoration traditionnelle, Côtes de Genève, perlage, colimaçonnage. Deux brevets.
Calibre Initial 12 1/2’’’ (28,2 mm) pour une épaisseur totale de 4,2 mm. Heure, minute, grande seconde centrale, date. Réserve de marche de 65 heures. remontage bidirectionnel. 4Hz, 28’800 alt/h. Stop-seconde, date semi-instantanée. Décoration traditionnelle, Côtes de Genève, perlage, colimaçonnage. Deux brevets.

Apparu dès 2017, le Calibre Royal Manuel, de semblable diamètre et conception de base mais intégrant uniquement heure, minute et petite seconde à 6h, dispose d’une réserve de marche de 100 heures grâce à son grand barillet et bat à la même cadence de 3 Hz. Décoré avec le même soin traditionnel, il offre une alternative dépouillée, à affichage classique.

En 2021, Pequignet a présenté le Calibre Initial. Troisième calibre maison, c’est un 12’’’ ½, soit 28,2 mm pour une épaisseur totale de 4,2 mm, avec heure, minute, grande seconde centrale (avec stop-seconde) et grande date semi-instantanée. Battant à 4Hz, 28’800 alternances/heure, dépositaire de 2 brevets, le mouvement, à décoration traditionnelle, dispose de 65 heures de réserve de marche.

«Originaire de l’arc jurassien»

«Nos calibres, nous précise Dani Royer, sont le plus possible Made in France. Impossible encore de parvenir à un 100% français. Notre objectif est d’y intégrer le maximum de composants français. En ce qui concerne le Calibre Initial, nous en sommes à 72% d’origine française. Les assortiments proviennent toujours de Swatch Group (Nivarox) mais on peut dire que si le calibre n’est pas intégralement français, il est à 100% originaire de l’Arc jurassien français et suisse» – où se trouvent tous les sous-traitants.

Calibre Royal Manuel 13 3/4''' (31mm) pour une épaisseur totale de 5,43mm. Heure, minute, petite seconde à 6h. Réserve de marche de 100 heures grâce à son grand barillet. 3Hz, 21'600 alt/h. Décoration traditionnelle, Côtes de Genève, perlage, colimaçonnage
Calibre Royal Manuel 13 3/4’’’ (31mm) pour une épaisseur totale de 5,43mm. Heure, minute, petite seconde à 6h. Réserve de marche de 100 heures grâce à son grand barillet. 3Hz, 21’600 alt/h. Décoration traditionnelle, Côtes de Genève, perlage, colimaçonnage

En interne, Pequignet qui emploie une trentaine de personnes, accomplit une série de tâches: la construction, le développement, les plans, le pré-montage, le chassage, le collage du balancier, le réglage des palettes puis le montage du mouvement et, cas échéant, l’emboîtage. L’outil de contrôle est particulièrement développé, avec mesures des ébats des rouages, pénétration des ancres, des roues d’échappement…

Calibre Royal Automatique 13 3/4''' (31mm) pour une épaisseur totale de 5,88mm. Heure, minute, petite seconde à 4h, réserve de marche à 8h. Options: Jour / Date avec correction par la couronne, Lune précise à 122 ans avec correction par poussoir. Aiguille GMT à 4h avec correction par poussoir à la couronne, Jour / Nuit avec correction par poussoir. 88 heures de réserve de marche. 3Hz, 21'600 alt/h. Huit brevets.
Calibre Royal Automatique 13 3/4’’’ (31mm) pour une épaisseur totale de 5,88mm. Heure, minute, petite seconde à 4h, réserve de marche à 8h. Options: Jour / Date avec correction par la couronne, Lune précise à 122 ans avec correction par poussoir. Aiguille GMT à 4h avec correction par poussoir à la couronne, Jour / Nuit avec correction par poussoir. 88 heures de réserve de marche. 3Hz, 21’600 alt/h. Huit brevets.

«Le Calibre Royal est très spécifique, très identitaire, poursuit notre interlocuteur. Il est donc prioritairement destiné à équiper nos propres montres. Mais nous sommes ouverts à des collaborations particulières, de haut niveau, soit directement avec des artistes, soit avec des marques. Par contre, le Calibre Initial est ouvert à la vente à des tiers, sous le nom de calibre EPM 03 (pour Emile Pequignet Manufacture). Nous n’avons pas pour autant vocation à devenir motoriste pour toutes marques.»

Son prix, non divulgué précisément, se situant «entre les 150 CHF de Sellita et les 1’000 CHF de Vaucher», le désigne pour le «haut» du moyen de gamme.

Essentiellement pour l’instant, il équipe et est destiné à équiper quelques marques françaises de qualité. Ce qui recoupe le marché des montres Pequignet, qui performe de plus en plus mais se cantonne encore pour l’essentiel à la France, à la Belgique, au Luxembourg et, premier marché à l’exportation, au Japon.