Le marché horloger français


Pequignet: vers une réelle manufacture d’horlogerie française

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décembre 2023


Pequignet: vers une réelle manufacture d'horlogerie française

Située à Morteau, au cœur du terroir horloger français, Pequignet est peut-être la seule véritable manufacture d’horlogerie du territoire. Elle fête cette année ses 50 ans d’existence et insuffle un nouvel élan à la marque avec des collections repensées qui la positionnent désormais comme un acteur important de l’industrie. Nouveaux modèles, nouveaux calibres, montée en gamme, marchés: les défis sont nombreux, mais la marque possède un héritage et un savoir-faire pour les relever.

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n 1973, Emile Pequignet, horloger franc-comtois autodidacte, lance sa marque éponyme avec la ferme intention de perpétuer le savoir-faire horloger français, secoué, comme toute l’industrie, par l’arrivée du quartz. Il veut imposer un nouveau style, moderne, épuré. Il fabrique ses boîtes et utilise des mouvements quartz et mécaniques importés du voisin helvète.

La collection Moorea, devenue emblématique, voit le jour en 1984. Elle perdure à ce jour. Mais la situation devient difficile avec l’entrée dans le marché de gros acteurs sur le segment du quartz féminin et des prix tirés vers le bas. Emile Pequignet est forcé de vendre l’entreprise à Didier Leibundgut en 2004.

Horloger et familier de l’industrie, l’ancien directeur de Zenith reprend les rênes avec la volonté de créer une véritable manufacture et de relancer les mouvements mécaniques, car le quartz est confronté à une concurrence de plus en plus rude. De gros investissements sont effectués pour enfin sortir un calibre propre.

La collection Royale Saphir, lancée en 2019, se décline en cinq couleurs vives et met en lumière le Calibre Royal automatique, mouvement maison avec jours de la semaine, grande date, phase de lune et réserve de marche.
La collection Royale Saphir, lancée en 2019, se décline en cinq couleurs vives et met en lumière le Calibre Royal automatique, mouvement maison avec jours de la semaine, grande date, phase de lune et réserve de marche.

«Un potentiel de réindustrialisation»

Le Calibre Royal sort en 2011 et laisse espérer une belle relance de la marque mortuacienne avec le seul vrai mouvement Made in France. Mais ces derniers s’avèrent peu fiables et Pequignet se retrouve face à nombreux retours qui plongent l’entreprise dans une situation financière précaire. La faillite est déclarée en 2017, mais la manufacture est reprise par quatre cadres, convaincus de la valeur et de l’héritage de l’entreprise: Aymeric Vernhol, Antoine Commissione, Bernard Espinas et Dani Royer.

Pequignet: vers une réelle manufacture d'horlogerie française

Ceux-ci se concentrent sur une fabrication locale encore plus exigeante, assainissent la situation et lancent un Calibre Royal manuel en 2018. L’horizon s’éclaircit. Les ventes reprennent et un nouveau mouvement est introduit en 2021 le Calibre Initial. La même année, l’actionnariat de la maison prend, lui aussi, un nouveau virage déterminant avec l’arrivée du fonds d’investissement éthique et familial ENOWE, présidé par Hugues Souparis.

Hugues Souparis, président de ENOWE, nouvel investisseur majoritaire de la marque depuis 2021
Hugues Souparis, président de ENOWE, nouvel investisseur majoritaire de la marque depuis 2021

Entrepreneur industriel accompli, il est à la recherche de sociétés incarnant le savoir-faire Made in France. «L’idée est de développer des maisons d’excellence françaises. Pequignet est notre première acquisition partielle (80% du capital, 20% restant aux mains de trois des quatre dirigeants repreneurs, ndlr). J’aime la technologie, la mécanique, le design. Pequignet entre parfaitement dans ce cadre et je vois un potentiel intéressant en terme de réindustrialisation en France, notamment pour les cadrans. L’innovation technologique, au final assez peu développée dans une horlogerie mécanique traditionnelle, doit permettre ce virage», précise le nouveau président.

Edition limitée de 50 pièces de la Royale Saphir en vert jade, 13'500€ TTC
Edition limitée de 50 pièces de la Royale Saphir en vert jade, 13’500€ TTC

Fortes ambitions

Quel potentiel voit-il dans Pequignet? «Tout d’abord, nos calibres sont Made in France à hauteur de 72% pour le Calibre Royal et 80% pour le Calibre Initial. Nous produisons désormais nos propres bracelets Moorea à Morteau et allons intégrer aussi le polissage en interne. La technologie d’impression 3D va aussi nous permettre de bientôt créer notre propre cadran. Pequignet présente aussi un fort potentiel de croissance à l’export, qui ne représente que 25% du chiffre d’affaires aujourd’hui. Notre objectif est clairement de monter en gamme et de multiplier par 10 notre revenu dans les quatre à cinq ans.»

Collection Concorde, 3 aiguilles, Calibre Initial made in France, lancée à Watches and Wonders en 2023. Disponible en deux versions de 40 et 36 mm, bracelet acier intégré. 4'000€ TTC et 3'800€ TTC
Collection Concorde, 3 aiguilles, Calibre Initial made in France, lancée à Watches and Wonders en 2023. Disponible en deux versions de 40 et 36 mm, bracelet acier intégré. 4’000€ TTC et 3’800€ TTC

L’accueil très positif de la nouvelle collection Concorde, introduite cette année au salon Watches and Wonders, va dans ce sens. De même, les séries Attitude Douce France, colorées et épurées, créent une belle animation de la marque. Enfin, les modèles Royal Saphir Ombres et Lumières, introduits en juin 2023 pour célébrer les 50 ans de la marque, semblent toucher un nouveau public, en particulier à l’export, et poursuivent la stratégie de montée en gamme avec un prix de 10’800 euros (TTC). «Le défi est aussi de raccourcir le time-to-market, qui est aujourd’hui de deux ans. Les modèles présentés au prochain salon Watches and Wonders seront disponibles immédiatement», précise Hugues Souparis.

Une nouvelle boutique parisienne

Le rajeunissement de la marque passe aussi par un assainissement de l’offre, qui comptait plus de 180 modèles en 2021 contre 150 aujourd’hui. Le dirigeant poursuit: «La gamme Pequignet va de 1’000 à 25’000 euros. Nous avons encore des mouvements suisses pour l’entrée de gamme, mais le mécanique maison progresse fortement. L’objectif pour cette année est d’atteindre 70% des revenus avec nos calibres manufactures. Toutefois, le segment des montres-bijoux à quartz fait aussi partie de l’ADN de Pequignet, nous le conserverons.»

Edition limitée de 50 pièces de la Royale Saphir en bleu topaze, 13'500 € TTC
Edition limitée de 50 pièces de la Royale Saphir en bleu topaze, 13’500 € TTC

L’arrivée du fonds d’investissement permet à la marque de se donner les moyens de ses ambitions. En 2023, Pequignet a dévoilé une nouvelle image, avec un changement de son logo et de son identité visuelle. De même, la maison vient d’ouvrir sa première boutiques flagship parisienne, dans le très prisé quartier de Saint-Germain.

La première boutique flagship parisienne de Pequignet, dans le très prisé quartier de Saint-Germain, a été ouverte en 2023.
La première boutique flagship parisienne de Pequignet, dans le très prisé quartier de Saint-Germain, a été ouverte en 2023.

L’optimisme est de rigueur au vu des retours des partenaires historiques et futurs recueillis lors du salon Watches and Wonders: «C’est une première participation mais nous sommes ravis du succès auprès des professionnels, de la presse et même du grand public. Le sell-in auprès de nos détaillants, anciens et nouveaux, est bon. Il reste le sell-out. Les perspectives sont excellentes. Nous avons déjà réservé un espace pour l’année prochaine, où nous introduirons de nouvelles collections.» Tout semble en place pour refaire de Pequignet la référence en matière de manufacture horlogère française.

Pequignet: vers une réelle manufacture d'horlogerie française