Objets du temps


Maison Alcée: une pause horlogère dans un monde surmené

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janvier 2023


Maison Alcée: une pause horlogère dans un monde surmené

Se recentrer sur ses sensations les plus authentiques par la conception chez soi d’objets artisanaux - à commencer par une pendulette mécanique - est au coeur du projet de Maison Alcée, une société française tout juste fondée par une jeune passionnée d’horlogerie, à la carrière bien fournie dans l’industrie. Une manière de transmettre un savoir-faire, le sens du beau... et le goût de la patience dans un monde où tous nos sens sont déjà sollicités à l’extrême.

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epuis toute petite, Alcée  Montfort aime travailler de ses mains et se souvient bien des mosaïques, bougies ou des essais de couture qu’elle fabriquait enfant aux côtés de sa mère, alors qu’elle grandissait près d’Angoulême en France. Le travail manuel, la fierté de voir la matière se transformer pour donner vie à un objet, est resté spontanément ancré en elle: après des études en ingénierie et physique fondamentale, elle réalise un premier stage chez Hermès, dans les ateliers de soie.

«J’y menais une étude sur foulards en soie. Et j’ai rapidement été envoûtée par cet univers, en tant que scientifique au services des artisans, particulièrement leur goût de la transmission pour les générations futures», raconte-t-elle. La fierté devant l’objet créé, le besoin de se reconnecter au réel par le geste juste, la culture du beau qui élève l’âme: tout la ramène à ses beaux souvenirs d’enfance.

La fierté devant l’objet créé, le besoin de se reconnecter au réel par le geste juste, la culture du beau qui élève l’âme: tout la ramène à ses beaux souvenirs d’enfance.

Après des passages chez Hermès, Cartier ou encore TAG Heuer, Alcée Montfort vient de fonder Maison Alcée, qui a dévoilé son premier produit: un coffret d'assemblage d'une pendulette.
Après des passages chez Hermès, Cartier ou encore TAG Heuer, Alcée  Montfort vient de fonder Maison Alcée, qui a dévoilé son premier produit: un coffret d’assemblage d’une pendulette.

Transmettre, une obsession horlogère

La jeune femme entre ensuite chez Cartier et Richemont où elle participe à la restauration de pièces historiques d’horlogerie et de joaillerie. Et trouve ainsi son premier contact avec les horlogers, ces artisans particulièrement patients qui marquent un instant d’arrêt, contemplatif, lorsqu’ils ouvrent le mouvement sur lequel ils vont œuvrer durant des jours, voire des semaines, afin de «redonner vie au temps».

Alcée  Montfort franchit par la suite la frontière pour travailler chez TAG Heuer en Suisse: elle y grimpe rapidement les échelons et devient responsable d’un atelier d’assemblage de mouvements Heuer 01 et 02. «Je me souviendrai toujours de mon premier jour dans la manufacture, explique-t-elle. Un horloger, le plus âgé, m’a confié qu’il avait peur que son métier s’arrête, faute d’arriver à le transmettre. Certains horlogers cultivent une forme de mystère, quand d’autres cherchent à passer leur savoir…»

Trois designs de pendulette sont proposés: ici, le modèle Persée Nuit au revêtement PVD noir.
Trois designs de pendulette sont proposés: ici, le modèle Persée Nuit au revêtement PVD noir.

Alors qu’elle retourne en France, à Reims, avec son mari, elle se dit que l’occasion est belle de concrétiser son rêve d’enfance en amenant une démarche beaucoup plus personnelle du luxe. «Il est difficile aujourd’hui, dans un monde très virtuel, de réaliser quelque chose de ses propres mains, dont on soit fier», relève-t-elle. Elle fonde alors Maison Alcée. Sa première proposition: la création chez soi d’une pendulette mécanique. Mais pas un gadget, un vrai objet d’art fabriqué à partir de 233 composants de qualité, avec un accompagnement pédagogique.

«Transmettre à la fois un savoir-faire et la culture du bel objet», résume celle qui a fondé Maison Alcée autour de ce premier projet horloger, avant de s’ouvrir à d’autres métiers d’art. Un projet construit en famille avec son époux, ainsi qu’avec le soutien du maître-horloger français Thierry Ducret et du designer suisse Antoine Tschumi. Tout a commencé, comme souvent en horlogerie, avec le développement d’un mouvement dédié pour cette pendulette. Pour mieux transmettre, il a d’abord fallu se mettre dans la peau de l’apprenti...

La première proposition de Maison Alcée: la création chez soi d’une pendulette mécanique. Mais pas un gadget, un vrai objet d’art fabriqué à partir de 233 composants de qualité, avec un accompagnement pédagogique.

Composants issus de l’Arc jurassien

D’une réserve de marche de 12 à 14 jours, l’objet affiche un design moderne, contemplatif dans son essence et idéal dans un intérieur contemporain. «C’est intéressant de travailler sur une pendulette car elle comporte un mouvement similaire à celui d’une montre-bracelet, tout en enlevant une partie de la complexité du fait de ses dimensions, souligne Alcée  Montfort. Le but était également de remettre au goût du jour cet objet du temps qui peut être vu comme un peu désuet.»

La quasi-totalité des composants proviennent de l’Arc jurassien franco-suisse. Trois déclinaisons sont proposées, allant de 4’600 à 5’800 euros, avec l’option supplémentaire d’une sonnerie au passage des heures. D’autres complications seront disponibles par la suite, sur un principe modulaire. A la suite d’un lot initial de 50 coffrets présentés en 2022, une nouvelle série sera dévoilée ce printemps.

L'assemblage de la pendulette prend une dizaine d'heures. Seul l'organe réglant du mouvement est préassemblé à la livraison du coffret.
L’assemblage de la pendulette prend une dizaine d’heures. Seul l’organe réglant du mouvement est préassemblé à la livraison du coffret.

Seul l’organe réglant est préassemblé. Il ne s’agit donc pas de faire de la figuration mais bien d’entrer au cœur du mouvement à l’heure de l’assemblage, qui requiert une dizaine d’heures. Un livret pédagogique a été constitué de manière très soignée afin d’accompagner ce processus, tout en laissant la place à des pauses théoriques afin de bien assimiler ce que l’on est en train de faire: donner vie à un objet du temps, comme des générations d’horloger ont pu le faire avant nous!

Le décalage est donc immense avec la vie quotidienne frénétique et emplie de sollicitations que beaucoup mènent. «J’ai beaucoup de clients très actifs, notamment des entrepreneurs, qui cherchent à la fois à se déconnecter du monde virtuel tout en se reconnectant avec le monde physique, note Alcée  Montfort. Pour certains, la création de cet objet s’assimile à une sorte de retraite, de thérapie. On est dans sa bulle pour mener une mission exigeante – une forme de recueillement, sans que cela soit intimidant.» D’où, aussi, le choix de livrets pédagogiques plutôt que de vidéos explicatives: être dans la «reconnexion» complète au geste, au monde physique, aux sensations les plus authentiques.

«Une forme de recueillement, sans que cela soit intimidant.»

Maison Alcée: une pause horlogère dans un monde surmené