Résilience: l’horlogerie face à la pandémie


Il est minuit moins cinq

DOSSIER FUTUR

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janvier 2020


Il est minuit moins cinq

Les horloges s’affolent, leurs aiguilles tournent dans tous les sens. Le temps semble désormais compté ou, plus exactement, le décompte «final » semble enclenché.

D

e quoi parlons- nous? De l’état de la planète bien évidemment, de la santé de notre seule maison menacée par l’accélération de sa destruction progressive et des drames et catastrophes d’ampleur inégalée qui vont inévitablement s’ensuivre. «Il est minuit moins cinq», il ne nous reste que très peu de temps pour tenter de renverser le cours des choses, pour mettre fin à l’hubris de notre aveugle civilisation dévoreuse et destructrice, en train de manger la branche sur laquelle elle pensait vainement reposer pour toujours.

Seule une remise en cause fondamentale et profonde de notre mode de vie et de nos habitudes, de notre féroce appétit de consommation, de notre propre confort pourra, peut-être, nous épargner le pire. Cette impression qu’il est minuit moins cinq touche à tous les aspects de notre présent: la démocratie rongée par les inégalités croissantes, l’économie aveugle et dématérialisée, la société déchirée entre les intérêts particuliers, la technologie en roue libre vers une déshumanisation progressive, la dévitalisation de la démocratie, l’effondrement des espèces.

Et dans ce tableau guère réjouissant, notre petit secteur, l’horlogerie, ne fait pas exception. Pour elle aussi il est minuit moins cinq. Certes, il ne s’agit pas là d’une catastrophe écologique mais d’une série de disruptions qui chamboulent presque tous les paramètres sur lesquels son modèle s’était développé depuis une bonne trentaine d’années, soit depuis la «renaissance » de l’horlogerie mécanique.

Ces «disruptions» touchent autant au produit – avec l’arrivée de la montre connectée qui rebat les cartes dans l’entrée et le moyen de gamme – qu’aux changements sociologiques et de consommation – avec les millenials qui privilégient le vintage et le «pre-owned» -, aux formes de la distribution – avec le e-commerce mondialisé – ou encore aux bouleversements des marchés – avec notamment le fort ralentissement de la Chine,– à un certain épuisement créatif du moyen de gamme et à une polarisation croissante entre le haut du panier et tout le sans parler même de la poussée des marques Kickstarter surgies de nulle part et qui grignotent de précieuses parts de marchés. Autant de problématiques et d’obstacles à surmonter que nous explorons très en détail dans le numéro spécial d’Europa Star consacré au Futur(s) de l’horlogerie, et pour lequel nous avons interviewé nombre d’acteurs du secteur, responsables de marques, distributeurs, analystes.

Mais comme pour la planète, le pire serait de ne rien faire, de mettre la tête sous le sable et d’attendre – vainement – que «ça passe». Face aux dangers qui s’accumulent et aux transformations devenues impératives, la peur est mauvaise conseillère et c’est l’imagination qui doit prendre le pouvoir. Il est minuit moins cinq. Et minuit pourra encore être une fête ou peut-être une catastrophe.