e nom Czapek est connu des férus d’histoire horlogère. Il évoque la haute horlogerie du milieu du 19^ème siècle, au cours duquel Patek, Czapek & Cie produisait des montres de poche pour les grandes cours européennes. Puis l’horloger Czapek a disparu et c’est grâce à la ténacité de trois passionnés que le nom a été ressuscité au milieu de la décennie passée.

En quelques années, la désormais jeune marque s’est créée sa place auprès des amateurs éclairés dans le paysage de l’horlogerie indépendante. Nous avons rencontré son CEO Xavier de Roquemaurel.

Xavier de Roquemaurel

Europa Star: Bien que son nom soit ancien, Czapek est une jeune marque, dont les premières montres ont fait leur apparition en 2015. Elle connait une croissance importante depuis deux ans. A quoi l’attribuez-vous?

Xavier de Roquemaurel: Il n’y a pas de secret ou de recette miracle. C’est en premier lieu grâce à une patience sans compromis que Czapek a commencé à récolter les fruits de son travail. Nous avions une idée claire dès le départ et avons maintenu le cap, malgré les difficultés des premiers temps. Il faut de la résilience pour passer les cinq premières années et atteindre la reconnaissance des amateurs de belle horlogerie. Ensuite, nous nous sommes toujours focalisés sur le concept de beauté, car il n’y a jamais de banalité dans le beau. Nous avons ainsi trouvé notre différenciation et notre originalité dans nos garde-temps.

Enfin, le troisième point essentiel est la formidable communauté d’actionnaires que nous avons créée. L’idée du lancement par «crowdinvesting», de partage pour créer de la valeur a été une innovation déterminante. Les actionnaires sont devenus nos clients, mais aussi nos ambassadeurs, nos conseillers, nos amis. Le regroupement d’amateurs passionnés et dynamiques a été une bénédiction. Cela a permis d’assoir les volumes au début en assurant 40-50 montres par an, puis tout s’est développé de manière naturelle. Notre modèle Antarctique est le fruit des idées d’actionnaires. C’est une force unique que nous avons su utiliser pour grandir.

L’art du squelettage appliqué à l’Antarctique avec le modèle Révélation

Au point d’avoir été obligé d’arrêter de prendre des commandes sur ce modèle l’année dernière, afin d’assurer la production et la livraison...

Au lancement de l’Antarctique, nous avons subi la demande comme une avalanche. C’est pour cela que nous avons du arrêter de prendre des commandes. Aujourd’hui, nous régulons la demande en la limitant. Lors du dernier salon Watches and Wonders, nous avons rouvert la possibilité de prendre un nombre défini d’ordres. Une fois ce nombre atteint, nous avons refermé le carnet de commandes. Ainsi, nous restons dans des délais raisonnables de production. Nous sommes sur deux ans d’attente pour l’Antarctique et un an pour les autres modèles.

Rassemblant toutes les couleurs d’Only Watch 2023, la pièce unique Place Vendôme Complicité figure un motif en émail s’inspirant des ondulations de la surface du lac Léman.

Quel est le profil de vos marchés et de vos clients?

Au niveau régional, nous sommes bien équilibrés avec 35% en Europe, et 20-25% chacun pour l’Asie et les Etats-Unis. Par pays, notre premier marché est les Etats-unis, suivi du Japon où nous avons toujours été très prisés. Le profil de nos acheteurs évolue avec le temps et notre niveau de reconnaissance dans l’industrie. Au début, seuls les collectionneurs les plus pointus venaient à nous. Détenteurs de collection déjà importantes, ils cherchaient de la nouveauté et ont été séduits par nos montres. Aujourd’hui, les montres Czapek sont plus largement connues et les collectionneurs voient aussi qu’elles conservent leur valeur avec le temps, comme la dernière vente Christie’s l’a montré: une Antarctique Terre Adélie Secret Alloy est partie à 26’000 CHF, soit 44% de plus que son prix originel. Cela élargit l’attrait aux collectionneurs plus habitués aux grandes marques traditionnelles. Notre clientèle rajeunit également, tout en restant autour des 40-50 ans.

Modèle Faubourg de Cracovie à cadran en aventurine

Sur un marché très porteur actuellement, quels sont vos axes de développements?

Une croissance raisonnée est notre objectif. Au niveau de la production, nous souhaitons augmenter nos volumes, ce qui implique que nos partenaires et toute la chaîne d’approvisionnement doivent pouvoir suivre. Nous investissons aussi dans nos propres capacités de production et nous venons de recevoir notre première CNC! Nous voulons maintenir notre montée en puissance en douceur.

Côté produits, nous avons de nombreux développements en cours. Dans la collection Quai des Bergues, nous allons continuer de jouer sur les cadrans et les métiers d’art avec une approche moderne. La famille Place Vendôme consistera toujours à révéler notre vision contemporaine de la haute horlogerie. La collection Faubourg de Cracovie ne sera plus déclinée en éditions limitées et va s’orienter vers des modèles plus intemporels tout en restant dans la modernité. La gamme Antarctique va s’étoffer avec des complications et des métiers d’art. Enfin, une cinquième collection va voir le jour l’année prochaine: ce sera notre vision de la haute horlogerie des années 2025-2030. Je ne peux en dire plus pour le moment.

Antarctique S «Carte des Nuages»

Vous êtes d’un naturel optimiste. Quels défis voyez-vous cependant pour l’horlogerie dans les années à venir?

La bulle spéculative a été l’une des grandes craintes de ces dernières années. Il semble que cela se soit un peu calmé. Czapek a bien tenu ses prix sur le marché secondaire aussi. Le danger reste la surchauffe du marché. Une crise profonde aux Etats-Unis entrainerait aussi un effet domino dans le reste du monde. Mais dans l’ensemble, je reste très optimiste. Pour perdurer, l’industrie doit éviter de reproduire les cycles néfastes du passé : vouloir répondre constamment à une demande de plus en plus forte en augmentant largement les productions, stocker par un sell-in intempestif, puis c’est la bulle spéculative qui reprend, suivie du crash et de l’explosion des marchés parallèles.

En réalité, l’horlogerie mécanique n’a jamais autant plu à un nombre aussi grand de personnes. Paradoxalement, la montre connectée, annoncée comme le fossoyeur de l’horlogerie, a renforcé l’intérêt des jeunes générations pour la montre, pour l’objet au poignet. L’horlogerie mécanique offre le développement naturel vers un objet plus émotionnel. C’est sa grande force.