Le marché horloger français


March LA.B: créer son propre segment

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décembre 2023


March LA.B: créer son propre segment

Tirant inspiration d’un design des années 1970 associé à l’élégance à la française, March LA.B fait aujourd’hui pleinement partie du paysage horloger de l’Hexagone. Le développement de la marque ne fut pourtant pas un long fleuve tranquille. Entre l’idée initiale et les résultats actuels, les hauts et les bas furent légion. Mais la vision originelle des membres fondateurs n’a pas faibli, preuve que la résilience est l’une des qualités essentielles de l’entreprise indépendante. Voici son histoire.

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ans les années 2000, Alain Marhic, aujourd’hui CEO et co-fondateur de March LA.B, travaillait dans la division Montres chez Quicksilver. C’est là qu’il a attrapé le virus de l’horlogerie - tout d’abord digitale, puis plutôt sportive. Il fut amené à voyager en Suisse, à Bâle, pour rencontrer les fournisseurs et observer les tendances.

Il raconte: «J’étais fasciné par le haut de gamme, que je trouvais magnifique mais tellement cher. L’offre sportive était convenable, mais il me semblait qu’il manquait des produits plus raffinés pour créer un nouveau segment intéressant.» La réflexion va durer trois ans et l’étincelle viendra de la rencontre avec ses amis Jérome Mage (aujourd’hui directeur du design) et Joseph Chatel. Ensemble, ils décident de se lancer pour combler ce segment qu’ils envisagent. En 2009, Alain Marhic quitte Quicksilver. Deux ans plus tard, la première March LA.B voit le jour.

Sauvés in extremis

Le but des trois associés est simple: créer des montres françaises, élégantes et abordables. Ils font le tour de la Franche-Comté, terroir historique de l’horlogerie française, afin de trouver leurs futurs partenaires et fournisseurs. Mais personne ne semble intéressé: «Trop risqué, marque inconnue, aucun contact dans la distribution» furent les sentences les plus entendues.

Alain Marhic, CEO et co-fondateur de March LA.B
Alain Marhic, CEO et co-fondateur de March LA.B

Convaincus de la validité de leur concept, ils se tournent vers la Suisse et démarrent donc sur du Swiss made avec des mouvements quartz et automatiques (ETA 2892). Ils parviennent ainsi à proposer leurs montres à 700-800€ pour le quartz et 1’600-1’700€ pour le mécanique. Mais les débuts sont difficiles. La concurrence est rude avec des marques plus connues autour des 2’000€, comme Bell & Ross par exemple. La distribution s’avère également compliquée. Les portes ne s’ouvrent pas facilement.

Les associés poussent leur projet avec ferveur pendant deux ans. Malheureusement, l’estocade leur est portée par un retour SAV de près de 80%! Abattus, ils pensent déposer le bilan et interrompent leur activité pendant quelques mois… mais les demandes affluent après qu’il aient baissé leurs prix pour déstocker. Ils se rendent compte que le design, donc le concept, plaît.

March LA.B Mansart, modèle phare de la marque
March LA.B Mansart, modèle phare de la marque

Croire au Made in France

Ils décident de se relancer. «Nous sommes repartis sur un prix moins cher, un assemblage en France et des mouvements japonais (Miyota). Autour de 500€ pour le quartz et 1’000-1’200€ pour les automatiques. Notre esthétique a trouvé son public et la distribution a suivi», raconte Alain Marhic. Ils ouvrent leur première boutique à Paris fin 2013, puis une deuxième en 2015 et une troisième en 2020. March LA.B décolle enfin!

La volonté est à présent de monter en gamme et d’essayer de faire le plus possible de composants en France. Pour cela, ils s’associent avec Humbert-Droz à Besançon. Les mouvements sont encore ceux d’un partenaire suisse - La Joux-Perret -, mais ils sont entièrement assemblés et emboîtés en France.

Calibre La Joux-Perret automatique
Calibre La Joux-Perret automatique

Le succès est au rendez-vous. La production dépasse aujourd’hui les 6’000 montres par an et March LA.B dispose de plus de 100 points de vente à travers le monde (dont 70 en France). La gamme s’étend entre 700 et 2’000€ - elle est revenue au niveau envisagé initialement par les fondateurs. Alain Marhic l’explique: «Aujourd’hui la marque est beaucoup plus connue, notre distribution est en place et nos prix sont justes… car l’ensemble des prix du marché a beaucoup augmenté. Cette évolution globale a permis de retrouver le positionnement que nous avions projeté au départ.»

Changement de statut

Même si la marque est encore jeune, la volonté affichée est désormais «de faire de plus en plus en France». Et le CEO d’ajouter: «L’année prochaine, nous assemblerons un chronographe de La Joux-Perret en France!». Et March LA.B ne s’arrête pas là: «Nous regardons aussi les possibilités de collaborer avec des mouvements complètement Made in France, comme ceux de Pequignet par exemple. Pour l’instant, ils restent un peu chers pour notre positionnement, mais nous verrons la suite.» La marque témoigne en tout cas de la forme de l’horlogerie française. Une horlogerie créative, ouverte, qui bouge et offre une réelle alternative hors du Swiss made.

La boutique March LA.B à Paris
La boutique March LA.B à Paris

March LA.B démontre surtout que la résilience est une force primordiale pour la réussite. Le CEO corrobore: «Nous étions convaincus de notre idée de départ, nous y avons cru même dans les moments difficiles. Et le marché a évolué de manière à rendre notre vision pertinente.» Il donne un exemple révélateur: « Il y a dix ans, des clients de 45-50 ans entraient dans notre boutique, Rolex au poignet, et me disaient: «J’aime bien ce que vous faites, je vais faire un joli cadeau pour mon fils.» Aujourd’hui, ces mêmes clients reviennent s’acheter une March LA.B pour eux.»

Dans un monde horloger dominé par les grands acteurs et les manufactures (suisses) historiques, March LA.B prouve qu’un design différent, empreint de «coolitude» des années 1970, d’élégance, de French Touch et prônant une horlogerie résolument française, peut trouver sa cible et offrir une alternative rafraîchissante aux amateurs de belle horlogerie décomplexée.