Un tour du monde horloger


Au Moyen-Orient, la figure toute-puissante du collectionneur

REPORTAGE

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janvier 2024


Au Moyen-Orient, la figure toute-puissante du collectionneur

«Leurs petits collectionneurs seraient considérés comme de grands collectionneurs ailleurs»: la formule d’Edouard Meylan (H. Moser & Cie) résume bien la force du Moyen-Orient pour l’horlogerie haut de gamme. De plus en plus d’horlogers suisses s’installent d’ailleurs à Dubaï. Depuis 2022, les Emirats arabes unis ont franchi la barre du milliard de francs d’importations horlogères suisses annuelles, au coude-à-coude avec la France ou l’Allemagne. Reportage à l’occasion de la Dubai Watch Week, un événement bisannuel qui connaît également une forte croissance.

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lors que la fin de journée approche au Dubai International Financial Centre, et avec elle son cortège de visiteurs venus pour admirer certaines des montres les plus exclusives et recherchées du monde, nous rencontrons Hind Seddiqi, directrice générale de la Dubai Watch Week, un événement devenu incontournable sur la scène horlogère internationale.

Au centre de l’arène de cette manifestation, un long pavillon accueille plus d’une cinquantaine de marques, dont une grande partie de créateurs indépendants. On peut aussi y découvrir les lauréats du Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Ce pavillon central est encerclé d’imposants espaces créés par certains des plus grands noms de l’horlogerie: Rolex, Audemars Piguet, Chopard, Van Cleef & Arpels, Bulgari ou encore Chanel.

L'évolution spectaculaire des Emirats arabes unis comme destination pour l'horlogerie suisse se lit bien dans ce tableau statistique établi depuis 2000 par la Fédération de l'industrie horlogère suisse FH. Seule la Chine a connu des taux de croissance plus importants.
L’évolution spectaculaire des Emirats arabes unis comme destination pour l’horlogerie suisse se lit bien dans ce tableau statistique établi depuis 2000 par la Fédération de l’industrie horlogère suisse FH. Seule la Chine a connu des taux de croissance plus importants.

Des tables rondes et des ateliers sont organisés, des lancements régionaux ou mondiaux dévoilés, les soirées sont longues et chaudes, avec ce sens de l’accueil particulier, mélange de faste et de superlatifs mais aussi de décontraction et de convenience, destination à la fois hédoniste et familiale où se côtoient pudeur et excès, qui a assis la réputation de la métropole comme un haut lieu de rencontres internationales.

Tenue sur près d’une semaine, la Dubai Watch Week symbolise l’effervescence de la région pour cet art particulier qu’est l’horlogerie, symbole de réussite sociale dans une ville qui ne manque pas de signes extérieurs de richesse, mais aussi d’ingéniosité technique, d’expression culturelle, d’ambition artistique. L’édition de 2023, organisée par le détaillant local dominant Ahmed Seddiqi & Sons, a accueilli plus de 23’000 visiteurs.

Laboratoire de formats d’un nouveau genre, le salon a servi de modèle pour bien des événements horlogers de dernière génération, en résolvant l’équation qui oppose souvent clientèle professionnelle et privée, culture et vente, ambition régionale et internationale… La manifestation insiste d’ailleurs sur son côté «non commercial», tout en servant certainement de tremplin à bien des marques, qui peuvent y dialoguer en direct avec quelques-uns de leurs plus grands collectionneurs.

La proportion écrasante de marques indépendantes présentes – de toute taille, allant de ID Genève et Chronoswiss à Rolex et Audemars Piguet – est d’ailleurs frappante. Elle est autant le signe du parcours toujours plus «solitaire» privilégié par les groupes, qui verticalisent leur distribution et leur communication, que le reflet du succès des horlogers indépendants, dont l’exclusivité de la production est particulièrement appréciée dans la région du Golfe, où l’on manie à merveille l’art de la différentiation.

Hind Seddiqi tient néanmoins à rappeler qu’en tant que rassemblement culturel, l’événement est ouvert à tous: «Le nom du salon est Dubai Watch Week et non Sediqqi. Notre objectif est de réunir l’ensemble de l’industrie, pas seulement les marques que nous représentons.»

Le facteur qui a fait entrer le salon dans une «nouvelle dimension» a été la participation de Rolex dès 2019. A présent, les organisateurs cherchent à lui donner une résonance encore plus globale, en incitant les marques à ne pas se limiter à des lancements régionaux, mais à utiliser cette plateforme pour annoncer des nouveautés internationales. En 2023, Bell & Ross y a par exemple présenté sa BR-X5 Green Lum et Frederique Constant sa nouvelle Highlife en collaboration avec The Avener.

Au Moyen-Orient, la figure toute-puissante du collectionneur

Mais fort de son succès, avec dix marques en plus l’an dernier, le salon sera-t-il seulement en mesure d’accueillir davantage d’horlogers pour ses prochaines éditions? «C’est le plus grand défi, répond Hind Seddiqi. Il n’y a plus assez de place mais agrandir la surface ne permettrait pas forcément de garder la même expérience, à taille humaine.»

La proximité avec les horlogers, les dialogues directs rendus possibles durant l’événement, constituent une forte valeur ajoutée du salon – il est possible de fréquenter librement l’espace central des indépendants, quand l’accès aux espaces des grandes marques est plus restreint.

«Les connaisseurs cherchent toujours plus à savoir qui sont les horlogers et les créateurs derrières les noms ou les marques, relève Hind Seddiqi. Et l’exclusivité joue aussi un rôle important: beaucoup rêvent d’acquérir un modèle de Rexhep Rexhepi, Philippe Dufour, De Bethune, H. Moser & Cie ou Remy Cools.» Des ponts se forment aussi entre groupes et horlogers indépendants, comme l’illustre le nouveau prix lancé par Louis Vuitton pour célébrer les meilleurs talents de la scène horlogère.

«Lorsque j’ai commencé en 2006 et que nous emmenions nos clients visiter les ateliers en Suisse, la connaissance générale de l’horlogerie était bien moindre qu’aujourd’hui, se rappelle Hind Seddiqi. Aujourd’hui, les connaisseurs et les jeunes collectionneurs ont des attentes élevées: ils veulent des expériences exclusives, mais aussi authentiques, sans pression commerciale. C’est là tout le raisonnement derrière notre événement.»

Au vu de ses ambitions et de son format, celui-ci est coûteux à organiser. La formule bisannuelle permet de maîtriser les frais, tout en planifiant l’événement au mieux: «Nous voulons toujours que les marques viennent avec des nouveautés. Et à terme il y aura davantage d’expériences, car nous avons pour ambition de faire vivre l’événement tout au long de l’année, grâce notamment au numérique.» Entre deux salons, Ahmed Seddiqi & Sons organise un autre format culturel: un forum horloger itinérant avec un programme dédié de conférences, qui s’est déjà tenu à Londres et à New York.

La Dubai Watch Week est certainement le pic de la saison horlogère au Moyen-Orient, le point focal pour l’attention internationale de la branche sur la région. Mais l’activité ne faiblit pas le reste de l’année. Symbolisant littéralement sa montée en puissance, l’horlogerie dominera encore davantage l’horizon de Dubaï lorsque le Burj Binghatti by Jacob & Co. – le premier projet immobilier de la marque – sera inauguré: cette «hypertower» ambitionne d’être le plus haut bâtiment résidentiel du monde.

«Dubaï est notre meilleure destination de vente à l’international», confie Benjamin Arabov, qui représente la nouvelle génération à la tête du joaillier newyorkais. Pour porter des pièces très exubérantes et onéreuses, alors que les vols à l’arraché se sont multipliés dans les grands centres urbains à travers le monde, la «sécurité de la ville» est un facteur important pour les clients. Dans la région, Jacob & Co. va ouvrir une deuxième boutique en Arabie saoudite, après celle de Riyad, la plus grande du genre au monde, inaugurée en 2023 en présence de Cristiano Ronaldo, qui évolue dans le championnat de football saoudien et est très proche de la marque.

Au Moyen-Orient, la figure toute-puissante du collectionneur

Rencontrés à la Dubai Watch Week, les représentants des marques participantes soulignent la place particulière du Moyen-Orient dans la croissance du luxe, voire de l’ultra-luxe horloger ces deux décennies. Alors que les regards étaient braqués essentiellement sur les taux de croissance en Chine en volumes, c’est la maturité de la clientèle locale, l’implantation de l’horlogerie en «valeur», qui interpelle ici.

«C’est le marché du futur, très avant-gardiste, avec une expertise forte dans tout ce qui se collectionne, estime Olivia Crouan, Chief Brand Officer d’Audemars Piguet. Et à travers une ville comme Dubaï, nous ne touchons pas uniquement une clientèle locale, mais réellement internationale.» Paraissant imperméable aux aléas géopolitiques globaux, la métropole est devenue ces dernières années un refuge pour de nombreuses fortunes mondiales.

En choisissant de verticaliser sa distribution, Audemars Piguet a ouvert ses propres boutiques et drastiquement réduit son réseau de partenaires – elle compte à présent moins de 100 points de vente à travers le monde. Certaines exceptions demeurent néanmoins, comme les Seddiqi aux Emirats arabes unis. Lors de la Dubai Watch Week, qui faisait suite à l’Aiguille d’or remportée par Audemars Piguet au GPHG, la responsable des complications Anne-Gaëlle Quinet était présente pour expliquer les dessous de la R&D technique de la marque. Celle-ci s’apprête à fêter ses 150 ans en 2025 avec un «festival de complications».

Chez H. Moser & Cie, le poids du Moyen-Orient est équivalent à 12% de ses ventes, souligne son CEO Edouard Meylan. Une belle progression, car la première année de sa distribution dans la région, en 2013, la marque n’y vend que… deux montres. «La Dubai Watch Week a beaucoup aidé, car l’événement a ouvert les yeux des collectionneurs sur d’autres types de marques.» L’entrepreneur constate «une vraie complicité entre les fans locaux d’’horlogerie et les marques».

«C’est un énorme marché, mais pas en volume: on parle ici des meilleurs collectionneurs, ils sont très sélectifs», poursuit-il. Pour Edouard Meylan, une formule résume bien ce marché: les «petits» collectionneurs du Moyen-Orient seraient considérés comme des grands collectionneurs en Europe. «Quand nous réservons 20 ou 30 pièces pour ce marché, nous savons qu’il y aura le double de clients qui seront frustrés car ils ne pourront pas l’obtenir.»

Cette «gestion de la frustration» est d’ailleurs devenue une part considérable du travail des détaillants des marques les plus prisées, au Moyen-Orient comme ailleurs. D’où l’intérêt, également, de travailler avec un partenaire local: «Ils connaissent leur clientèle, font preuve de diplomatie, travaillent sur le long terme. En réalité, le marché du Moyen-Orient est plus important que les chiffres d’importation ne le laissent transparaître, car ceux qui ne peuvent pas obtenir les pièces qu’ils désirent vont les acquérir en Europe ou aux Etats-Unis», explique Edouard Meylan.

Signe de l’importance stratégique de ce marché pour la marque familiale, qui produit 3’000 pièces par an et connaît une croissance à deux chiffres, son frère Bertrand Meylan, en charge de la distribution, a récemment déménagé de Hong Kong à Dubaï.

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De son côté, le directeur de Louis Erard Manuel Emch vit également une partie de l’année aux Emirats arabes unis, à Abu Dhabi. Non sans raison: «Pour nous, 2023 a été une année exceptionnelle au Moyen-Orient. Hors ventes en ligne (qui constituent la moitié du chiffre d’affaires de la marque, ndlr), c’est un marché plus important que l’Europe ou les Etats-Unis pour nous. Mais pour réussir il faut faire un travail relationnel important sur le terrain, c’est la clé de ce marché, aux côtés de la production d’éditions limitées pour renforcer son exclusivité.»

L’entrepreneur a notamment mis l’accent sur un marché que beaucoup jugent prometteur, au vu de sa décision de s’ouvrir davantage sur le monde et d’attirer touristes et investisseurs afin de réduire sa dépendance aux hydrocarbures: l’Arabie saoudite et son programme «Saudi Vision 2030».

La particularité de Louis Erard, qui a produit 4’000 pièces l’an dernier, est son accessibilité dans l’écosystème horloger local, centré sur le luxe. Elle fait néanmoins quelques incursions en Haute Horlogerie, à travers des collaborations, et a vendu près de 100 tourbillons au Moyen-Orient l’an dernier. «C’est un marché relativement jeune, avec des collectionneurs aisés mais curieux, décomplexés, qui s’intéressent vite à beaucoup de choses. La montre fait partie du style de vie, mais aussi de la transmission intergénérationnelle.»

A l’échelle plus globale, le statut de la montre a changé: Manuel Emch observe un «renouvellement du profil des acheteurs» comme il n’en avait plus vu «depuis la fin des années 2000». Et si la marque est distribuée de longue date au Moyen-Orient, elle y est néanmoins perçue comme un nouvel acteur, non seulement en raison de son renouveau stratégique et créatif, mais aussi de l’arrivée de ces nouvelles générations de clients.

«Le Moyen-Orient est un des premiers marchés développés par mon père lorsqu’il a repris la marque, confie Audrey Raffy chez Bovet, qui habite elle aussi à Dubaï. La relation avec la famille Seddiqi est ancienne et solide. Il y a une forme de stabilité impressionnante ici. On a l’impression que rien ne les affecte et que le marché reste fort quelles que soient les conditions globales. Le seul autre endroit où je retrouve un tel degré de passion pour la Haute Horlogerie est le Mexique, où je passe également beaucoup de temps. Je m’identifie fortement à ces deux cultures.» Bovet a une forte capacité à produire des modèles personnalisés ou sur mesure, ce qui penche certainement dans la balance sur ces marchés friands d’exclusivité.

Au fil des conversations, le Mexique est également souvent mentionné comme un marché de grands collectionneurs. Peut-être pas un hasard: un autre salon de réputation internationale – le SIAR – y a défriché le marché et réunit chaque année les meilleurs collectionneurs. Reste à appliquer la même formule aux 190 autres pays de la planète pour assurer l’avenir de l’horlogerie!

Ce travail de fond, cette implication personnelle, même si elle est importante partout dans le monde, semble porter ses fruits encore davantage ici, comme le confirme Bertrand Savary, à la tête d’Arnold & Son et Angelus: «Il y a une dizaine d’années, avant la reprise de la marque, Arnold & Son avait dans la région un représentant dont on me parle toujours, dix ans plus tard, car il avait créé un capital de sympathie formidable. Nous en bénéficions encore aujourd’hui. Par ailleurs, l’une des meilleures caisses de résonance reste lorsque des collectionneurs locaux parlent de nous. C’est un catalyseur.» Là aussi, la production est très exclusive: 350 modèles par an pour Angelus, un peu moins d’un millier pour Arnold & Son.

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Sur un créneau encore plus exclusif, Ferdinand Berthoud – avec sa cinquantaine de modèles par an – pourrait certainement vendre toute sa production localement, mais veille à une répartition égalitaire entre ses huit points de vente à travers le monde. «Nous augmentons graduellement notre production, mais comme tout est fini à la main et que le mouvement est entièrement décoré, nous devons systématiquement engager et former, ce qui prend du temps, explique son directeur général Vincent Lapaire. Nous travaillons à l’ancienne, mais cela donne une âme différente à nos modèles, les collectionneurs le ressentent bien!»

La question du délai d’attente, qui s’est prolongé ces dernières années dans toute l’industrie, reste fondamentale: il était de 18 mois chez Ferdinand Berthoud à l’heure de notre entretien. «Nous faisons notre maximum afin de conserver des délais d’attente convenables vis-à-vis des collectionneurs, poursuit le responsable. Mais il est vrai que nos montres sont rarement visibles en boutique car nos partenaires connaissent à l’avance les collectionneurs susceptibles d’être intéressés par les nouveaux modèles. D’où notre sélection très minutieuse de points de vente.»

Chez Chronoswiss, qui vise à terme une production annuelle de 2’000 pièces, le directeur et propriétaire Oliver Ebstein souligne les difficultés dans la livraison des composants critiques, qui ralentissent les capacités de production. D’autres, comme Carl F. Bucherer, ont récemment fait le choix de produire moins mais à un niveau technique – et de prix – plus élevé, avec un haut degré de personnalisation: une stratégie particulièrement adaptée pour le Moyen-Orient. «C’est une réorientation complète, qui repose aussi sur la qualité de la distribution», explique son Chief Sales Officer Renato Bonina.

Heureusement pour la bonne circulation des montres suisses, d’autres marques se positionnent encore sur des créneaux moins rares et plus abordables! C’est le cas de la marque de sport Norqain, qui a été fondée en 2018 et a connu une ascension météoritique depuis lors. Elle est représentée chez Ahmed Seddiqi & Sons depuis ses débuts, a été le chronomètre officiel du Marathon de Dubai en 2023, mais doit adapter son storytelling à ce marché particulier qu’est le Moyen-Orient: «La culture horlogère étant très développée ici, nous aussi devons jouer sur les séries limitées, sur une forme d’exclusivité, pour bien nous implanter, relève son fondateur et CEO Ben Kueffer. Le standard ne suffit pas.»

Et il n’y a pas que les horlogers suisses qui profitent de la bonne santé de l’horlogerie au Moyen-Orient. Christine Hutter, fondatrice et CEO de la marque indépendante allemande Moritz Grossmann, était également présente à la Dubai Watch Week. Sa marque y est distribuée par Ahmed Seddiqi & Sons. Si l’Asie et l’Amérique du Nord sont ses marchés les plus importants, elle observe une forte croissance dans les connaissances des collectionneurs.

Un point critique pour une marque de niche, qui offre un haut degré de personnalisation et fabrique 90% de son mouvement à l’interne – des particularités que les plus avisés des connaisseurs sauront reconnaître. Face à la domination de l’horlogerie suisse, la marque allemande fait valoir un carnet de commandes plein jusqu’à 2026 et une augmentation graduelle de ses capacités.

Le designer industriel belge Benoît Mintiens, qui a lancé sa marque non conventionnelle Ressence en 2010, a produit plusieurs éditions limitées pour le Moyen-Orient, une région qui représente entre 15% et 20% de ses ventes. «A l’époque je n’avais pas encore compris le potentiel des séries limitées. L’une des premières demandes pour une série spéciale est venue d’ici», explique-t-il. Après avoir approfondi ses connaissances de l’art du monde arabe, il applique un design spécial combinant squelettage et arabesque sur cette première édition dédiée. Une deuxième édition au guillochage particulier, représentant les reflets du soleil sur le sable, voit le jour en 2021.

Au Moyen-Orient, la figure toute-puissante du collectionneur

L’an passé, Ressence, qui a produit 700 montres en 2023 et vise à terme les 1’000 pièces, a présenté pour la Dubai Watch Week un modèle au cadran cloisonné à mosaïques inspiré du monde arabe. Mais pour la production de ces modèles, Benoît Mintiens également se plaint des délais et du manque de répondant du réseau de fournisseurs dans le circuit horloger, au point qu’il a engagé quelqu’un venant de l’industrie automobile pour tenter de trouver des solutions alternatives!

Un refrain récurrent sur la logistique qui semble freiner le potentiel de l’horlogerie suisse, en particulier pour le Moyen-Orient où l’on demande des éditions spéciales qui exigent des processus de fabrication non standardisés. «Tu ne livres pas une montre, tu ne vends pas une montre»: les termes de l’équation sont clairs. Les listes d’attentes de certaines marques sont aussi une «solution élégante» pour cacher ce manque de réactivité de l’industrie...

Vu la forte demande, le maître-horloger russe Konstantin Chaykin explique qu’il pourrait certainement écouler sa production de 300 montres par an en direct, mais qu’il a fait le choix de travailler via des détaillants comme Seddiqi – une décision stratégique pour «construire une marque à long terme». Le Moyen-Orient, avec sa culture horlogère plus ouverte à des propositions au design très audacieux et exubérant comme les siennes, est traditionnellement l’un de ses marchés les plus importants.

L’horloger se bat dans des conditions adverses: il vient d’un pays sous sanctions internationales, où il est difficile de trouver personnel qualifié et machines. «Tout nous demande plus d’efforts sur le plan logistique, mais nos clients sont très sensibles à nos modèles. Et même si nous avons une liste d’attente, nous réservons au moins 20% de notre production au recrutement de nouveaux clients. En un ou deux jours après la publication d’une nouveauté, toute une série est généralement vendue. Les délais de livraison sont ensuite d’environ une année.»

Enfin, nous rencontrons Jan Edöcs, le directeur de Doxa, venu à Dubaï pour célébrer une relation particulière, alors que la marque, plus abordable et spécialisée dans les montres de plongée, a été relancée avec succès ces dernières années (elle a produit 12’000 pièces l’an dernier et vise les 30’000 pièces dans un horizon de cinq ans). En effet, lorsque les Seddiqi se sont lancés dans les années 1950, Doxa figurait parmi les premières marques importée par la famille. Un héritage qui rappelle certainement l’ère où l’économie de la région était dominée par la culture de la perle. Cet ancrage local n’a jamais vraiment été oublié.

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