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Omega: «Notre axe principal reste la R&D en micro-mécanique»

août 2023


Omega: «Notre axe principal reste la R&D en micro-mécanique»

Innovation, stratégie, environnement, marché secondaire, disruptions en tous genre: au milieu de défis qui en disent long à la fois sur les promesses et les risques qui attendent l’industrie horlogère suisse dans son ensemble, nous avons rencontré le CEO d’Omega Raynald Aeschlimann.

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epuis l’an passé, ce ne serait pas exagéré de dire qu’Omega a connu des moments de forte intensité. Parmi les plus marquants, il y a eu la surprise de l’«opération Moonswatch» qui s’est affirmée sans nul doute comme la montre de l’année 2022.

Cette année, la marque a aussi relancé la course à l’ultra-chronométrie avec sa Speedmaster Super Racing, munie du mécanisme Spirate™, soit un nouveau spiral lui assurant une précision de 0/+2 secondes par jour.

Plus récemment, elle a dû procéder à une délicate gestion de crise, suite à l’affaire d’une Speedmaster rachetée aux enchères qui a donné lieu à d’intenses débats sur le marché secondaire. Tout en assurant les célébrations des 75 ans de l’autre grand modèle d’Omega: la Seamaster, qui a fait l’objet de multiples déclinaisons cette année.

Ce n’est donc pas un long fleuve tranquille qu’a traversé Raynald Aeschlimann, CEO de la manufacture de Bienne depuis 2016. Mais est-ce jamais le cas pour le patron d’une marque emblématique? Rencontre.

Raynald Aeschlimann
Raynald Aeschlimann

Europa Star: Vous avez rejoint Omega il y a près de 30 ans et passé les sept dernières années en tant que CEO. Avec le recul, comment pourriez-vous décrire l’évolution de la marque sur ce laps de temps?

Raynald Aeschlimann: Ma réponse pourrait prendre des heures, tant la marque a connu des évolutions majeures depuis qu’elle a intégré il y a 40 ans ce qui allait devenir le Swatch Group (en 1985, ndlr). Tous les changements fondamentaux qui ont transformé Omega se sont opérés dans une optique d’amélioration, sur le plan technique, marketing ou «expérientiel». Et, bien souvent, ces changements ont été précurseurs: ils ont donné naissance à des tendances. Parmi les transformations les plus marquantes, je citerais l’introduction de l’échappement co-axial créé par George Daniels en 1999. Cela nous permet d’offrir un niveau extraordinaire de technicité et de précision à notre niveau de prix. Précurseur, Omega l’a aussi été dans le marketing, comme le démontre le partenariat avec Cindy Crawford comme ambassadrice dès 1995. Il en est de même pour la distribution en boutique monomarque: Omega a ouvert sa première boutique en nom propre en 2000 à Zurich, sur la Bahnhofstrasse. C’est dans l’ADN de la marque que d’innover sans cesse.

Omega Seamaster Aqua Terra Worldtimer
Omega Seamaster Aqua Terra Worldtimer

L’innovation semble partout aujourd’hui et l’offre sur le segment sport-chic est pléthorique. Où pouvez-vous encore vous différencier sur ce marché très compétitif?

En poursuivant notre travail historique en micro-mécanique. Notre nom même est celui d’un mouvement: le calibre Omega 19 lignes produit en 1894 qui, déjà, révolutionnait la précision et la fiabilité dans l’industrie. Nos chronomètres co-axiaux sont une référence de l’horlogerie. Notre dernier né, le système Spirate™, lancé en début d’année, perpétue cette tradition de la quête d’excellence chronométrique. Mais Omega est aussi une marque qui inspire, qui fait rêver. La magie de Snoopy, l’élégance et le style uniques de James Bond, l’apothéose sportive des Jeux Olympiques, l’enchantement de la conquête spatiale sont autant de traits de caractères qui nous différencient.

Le lancement de la Moonswatch en partenariat avec Swatch a connu un succès planétaire. Mais concrètement, en quoi cela a-t-il pu être bénéfique pour Omega? Certains y ont vu le risque de déprécier l’image de la marque à terme.

Innover là encore, s’aventurer sur des chemins non balisés, tout cela a renforcé notre image et notre notoriété. C’est un exercice de respect entre Omega et Swatch. Le groupe a créé une Swatch inspirée d’une Speedmaster à la manière d’un hommage. Les fans de Swatch ont ainsi découvert Omega. Nous avons affirmé encore plus l’attrait de la Speedmaster en l’inscrivant plus profondément dans l’inconscient collectif. Les ventes de la Moonwatch ont bondi de près de 50% en 2022. Donc, cela a été très bénéfique.

La Speedmaster Super Racing de 44,25 mm est la première montre dotée du système Spirate™ d'Omega.
La Speedmaster Super Racing de 44,25 mm est la première montre dotée du système Spirate™ d’Omega.

Le marché secondaire connaît une croissance encore plus forte que le neuf. Récemment, l’affaire d’une Speedmaster non authentique que vous avez rachetée à un prix record a fait grand bruit. Que pouvez-vous dire à ce stade sur cette affaire?

Malheureusement, dès qu’un marché se développe, des activités criminelles se développent en parallèle pour en tirer parti. Une enquête est en cours pour déterminer les tenants et aboutissants de toute l’affaire. Nous avons des garde-fous qui sont mis en place à tous les niveaux. Mais je ne peux vous en dire plus pour le moment.

Le système Spirate™ offre une précision certifiée de 0/+2 secondes par jour.
Le système Spirate™ offre une précision certifiée de 0/+2 secondes par jour.

Le plus grand risque pour Omega n’est-il pas d’être excessivement «mono-produit», avec ce focus sur la Speedmaster?

Détrompez-vous: beaucoup ne le savent pas, mais c’est la Seamaster, née en 1948, qui reste notre ligne la plus vendue. L’histoire d’Omega ne se résume pas à une seule ligne: si vous passez dans n’importe laquelle de nos 162 boutiques en propre à travers le monde, vous découvrirez l’ampleur de notre offre à travers toutes nos collections. Mais il est certain que la Speedmaster a tout pour être une icône: des codes identitaires forts, une technique horlogère extraordinaire et une histoire unique. Elle incarne l’ADN de la marque en véhiculant cette idée de dépassement permanent - la seule montre à passer tous les tests de la NASA en terme de précision, de résistance au magnétisme. Cette tradition continue avec notre sytème Spirate™, qui repousse encore les limites de la précision mécanique.

Omega: «Notre axe principal reste la R&D en micro-mécanique»

Les chiffres globaux des ventes horlogères restent aujourd’hui dans le vert mais entre un marché secondaire hyperspéculatif et le ralentissement de la croissance post-covid, plusieurs signaux inquiètent...

Pour ma part, je reste très positif sur les perspectives générales. Le tourisme semble repartir et d’importants événements se profilent pour nous avec les Jeux Olympiques et l’America’s Cup en 2024. Mais surtout, j’ai le sentiment que la confiance en l’avenir chez nos clients est bien présente. Nous ressentons que la marque inspire toujours plus, notamment les jeunes générations. Comme nous n’avons pas de carcans qui nous limitent, nous allons continuer d’innover. Nous allons célébrer des anniversaires et préparons de nouveaux développements...

Quels sont les risques que vous identifiez néanmoins?

Le risque le plus important est de perdre son authenticité. Nous devons rester axés sur ce qui nous définit, continuer à bâtir notre succès sur la technologie et cette capacité à inspirer le plus grand nombre. Nous ne sommes pas des adeptes de la «micro-série». Nous faisons de la grande série tout en offrant une qualité exceptionnelle. C’est notre force. C’est aussi ce qui nous expose moins aux risques.

Summer Blue, une série spéciale de 11 montres, rend hommage à la Seamaster qui célèbre ses 75 ans en 2023.
Summer Blue, une série spéciale de 11 montres, rend hommage à la Seamaster qui célèbre ses 75 ans en 2023.

Le sujet de l’impact des entreprises sur l’environnement et la biodiversité s’impose. Que fait Omega pour réduire son impact carbone?

Bien avant que ce thème ne soit «à la mode», nous travaillions déjà sur l’éco-responsabilité de la marque. Avant tout, il faut rappeler que l’horlogerie crée des objets pérennes et non du jetable, ce qui s’inscrit dans une logique de durabilité. De plus, Omega est 100% fait en Suisse, ce qui limite son impact dès le départ. Nous avons par ailleurs établi un partenariat avec la fondation de Yann Arthus-Bertrand Good Planet depuis 2011 et soutenons son travail de sensibilisation à la préservation de l’environnement. Nous continuons d’innover dans la technologie afin de réduire nos impacts, comme le montre l’inauguration de notre dernière manufacture à Bienne en 2017. Celle-ci est à la pointe de l’efficience au niveau environnemental, tant dans les matériaux utilisés, dans sa consommation d’énergie, que dans son recours à 100% d’énergies renouvelables pour son fonctionnement. Nous participons également au programme Privateer qui répertorie les satellites et débris qui menacent l’activité humaine dans l’espace.

L’un des plus gros impacts de l’horlogerie reste lié à l’utilisation de l’or, des métaux et des pierres précieuses. Que faites-vous quant à la transparence de vos approvisionnements?

Omega est membre du Responsible Jewellery Council (RJC) depuis 2015 et adhère à tous les principes du Code of Practice de 2019. Cela garantit la provenance de nos approvisionnements et le respect des conditions de travail au niveau social. Notre bilan est publié au travers du rapport durabilité du Swatch Group. Toutes nos unités de production sont supervisées par un comité durable qui assure le respect de ces engagements.

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