time-business


«Une montre Purnell, c’est un peu comme de l’art cinétique»

ENTRETIEN

English Español Pусский 中文
mars 2022


«Une montre Purnell, c'est un peu comme de l'art cinétique»

La marque Purnell est née en 2020 d’une rencontre entre un entrepreneur, Maurizio Mazzocchi, et un concepteur de génie, Eric Coudray. Lorsque le premier a découvert la création ultime du second – le Spherion, un tourbillon trois axes – il a décidé de lancer une marque dédiée essentiellement au tourbillon, qui séduit aujourd’hui une clientèle très fortunée.

L

e monde horloger est un univers dans lequel Maurizio Mazzocchi, le PDG de Purnell, évolue depuis l’adolescence. Son père était le président de Heuer aux Etats-Unis. A travers lui, il a vécu la renaissance de l’horlogerie suisse. Cela laisse des traces.

«L’époque était particulière: on était dans l’ère post-quartz et pré-boom de la montre mécanique, un entre-deux mondes, dit-il. Il restait bien des marques comme Patek Philippe, Vacheron Constantin et quelques autres, les derniers Mohicans qui essayaient de sauver l’horlogerie suisse, mais selon la vision de l’époque, elles faisaient figure de dinosaures en voie d’extinction.»

Maurizio Mazzocchi a cherché sa voie dans le domaine du football professionnel, mais après avoir compris qu’il n’avait pas de l’or dans les pieds, il a suivi la voie paternelle et s’est dirigé vers l’horlogerie. Il a eu comme mentors des monuments: Nicolas Hayek et Jean-Claude Biver. Il a aussi travaillé avec Carlos Dias chez Roger Dubuis et Jacob Arabo, le fondateur de Jacob & Co. Tous lui ont appris que les seules limites sont celles que l’on crée.

Maurizio Mazzocchi
Maurizio Mazzocchi

La rencontre avec Eric Coudray, qui a conçu le mouvement Spherion, un tourbillon trois axes inédit, fut décisive. Maurizio Mazzocchi a décidé de tout miser sur lui et de créer en 2020 une marque essentiellement dédiée aux tourbillons, qu’il a baptisée Purnell. Entretien.

Escape II 18K Black Gold - 48mm

Europa Star: Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette aventure?

Maurizio Mazzocchi: Un jour, j’ai reçu un appel pour faire du consulting sur un projet. Il s’agissait du mouvement Spherion d’Eric Coudray. J’ai décidé de m’en occuper pleinement: j’ai créé la société Purnell et l’aventure a commencé. Si j’ai un mérite, c’est d’avoir cru pouvoir faire une marque avec ce mouvement. Il est très compliqué à réaliser. Pour le créer, Eric Coudray a utilisé à la fois l’échappement Potter (du nom de l’horloger et inventeur du XIXe siècle Albert H. Potter) et l’idée du gyrotourbillon qu’il avait réalisé pour Jaeger-LeCoultre. Et c’est ainsi qu’il a déposé le Spherion. Cette technique va rester dans l’histoire! Si l’on regarde la genèse des tourbillons depuis le premier inventé par Abraham-Louis Breguet il y a 220 ans, le dernier pallier, c’est le Spherion. On n’a pas créé quelque chose de plus complexe depuis lors. Eric Coudray est un mécanicien qui frôle le génie.

«Si l’on regarde la genèse des tourbillons depuis le premier inventé par Abraham-Louis Breguet il y a 220 ans, le dernier pallier, c’est le Spherion.»

Escape Primo Blue Forged Carbon - 48mm
Escape Primo Blue Forged Carbon - 48mm
©Joy Corthesy

Le prix moyen de vos montres et de CHF 400’000. Un positionnement audacieux…

Ce mouvement est très cher à réaliser. Les artisans cassent quatre ou cinq boitiers en saphir monobloc avant d’en réussir un. Tout est fait à la main, cela prend des heures. Eric Coudray a dessiné les cages de tourbillon: chacune pèse 0,79 g. Seul un technicien peut le comprendre. Tout cela a un prix. Nous avons fabriqué moins de 100 pièces l’an passé et cette année nous atteindrons 150 à 200 pièces au maximum. Mais j’aimerais que l’on me montre quelque chose de plus incroyable réalisé depuis les trois dernières années! Le Spherion est très percutant visuellement. C’est le mouvement qui requiert le plus d’énergie au monde et pour l’animer, nous avons dû utiliser six barillets. La réserve de marche n’est que de 32 heures, raison pour laquelle nous avons inventé un petit outil pour remonter automatiquement la montre. Ce produit est encore mal compris mais je pense que dans le futur, il deviendra un classique.

Escape Primo WPM Baby Pink - 48mm
Escape Primo WPM Baby Pink - 48mm
©Joy Corthesy

Vous ciblez donc une clientèle à très fort pouvoir d’achat. Comment est-elle venue à vous?

Il faut remonter des années en arrière, aux origines de Franck Muller. Il avait réussi à toucher une clientèle qui achetait également des montres Patek Philippe, mais qui s’est très vite intéressée à une horlogerie contemporaine, respectant certains codes classiques tout en osant aller plus loin. Roger Dubuis a pris le relais avec sa montre Excalibur, puis ce fut le tour de Richard Mille. Ces marques ont réussi à toucher une clientèle qui cherchait à acquérir des garde-temps contemporains au même titre qu’elle achète de l’art contemporain.

Cette clientèle, je l’ai côtoyée, je sais où elle va, où elle dîne, ce qu’elle écoute. Parmi elle, il y a des chirurgiens, des entrepreneurs, qui nous achètent quatre ou cinq montres à la fois. Quand ces clients ouvrent leur coffre et qu’ils regardent leur cinquantaine de montres, je veux que la Purnell soit celle qu’ils choisissent, parce qu’elle leur met le sourire aux lèvres. Quand on regarde notre montre, on n’a pas besoin d’en ouvrir le boîtier pour en admirer le moteur. L’émotion naît du mouvement.

«Le Spherion est très percutant visuellement. C’est le mouvement qui requiert le plus d’énergie au monde et pour l’animer, nous avons dû utiliser six barillets.»

Vous avez créé un modèle spécial pour le Ballon d’or et vous êtes l’horloger officiel de l’AS Monaco. Pourquoi cet accent sur le monde du football?

Pour plein de raisons. J’ai été footballeur, c’est donc un univers auquel je suis sensible. Ensuite, le sport est un puissant véhicule de communication. Le Ballon d’or est unique et exclusif: nous partageons les mêmes valeurs. Nous nous lions à un sport et pas à une personnalité. Nos clients ne veulent pas se reconnaître à travers un joueur. En revanche, nous nous retrouvons dans les valeurs du trophée, dans l’histoire du magazine France Football depuis 1946. Quant à l’AS Monaco, nous nous reconnaissons pleinement dans son slogan: «Rise. Risk. Repeat.»

VOTRE NEWSLETTER HEBDOMADAIRE