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L’internet de 1930

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août 2017


ARCHIVES

E

n 1930, le fondateur d’Europa Star lance le «Guide des Acheteurs pour l’Horlogerie, la Bijouterie et les Branches Annexes». Comptant près de mille pages, son très petit format unique pour l’époque (16 cm x 8 cm) en fait une véritable bible horlogère de poche. Tout comme aujourd’hui votre smartphone, ce petit guide fait alors office de véritable internet avant l’heure, permettant «d’interconnecter» les «réseaux» de fabricants et d’acheteurs nécessaires à l’élaboration, à la production de tous les composants d’une montre.

Le feuilleter 87 ans plus tard offre une véritable plongée en apnée dans le tissu horloger suisse d’avant-guerre dont la richesse et la densité sont sans commune mesure avec ce que nous connaissons aujourd’hui.

En 1930, la «verticalisation» des métiers de l’horlogerie n’est pas encore à l’ordre du jour, bien au contraire. A la lecture du guide, on peut constater que règne alors une véritable «horizontalité» des métiers répartis en mille spécialités plus pointues les unes que les autres et, formant un maillage serré - un réseau - qui recouvre tout le territoire suisse romand et au-delà, villes et campagnes confondues.

La liste des fabricants de «mouvements seuls» donne le tournis. On y recense pas moins de 676 « fabricants de montres à ancre »! Parmi lesquels certaines des grandes stars actuelles - Patek Philippe, Rolex, Piaget et tant d’autres - mais surtout une impressionnante multitude de noms aujourd’hui rayés de la carte.

On y trouve aussi nombre de «spécialités» étonnantes, comme ces 7 fabricants de «plaques de contre-pivot» (end-pieces), ces 23 «ateliers de polissage de vis et raquettes» (screws and ratchet-wheels) ou les 65 «ateliers de pivotage». (pivoting)

La liste semble infinie, répartie en 367 entrées différentes qui répertorient aussi bien «montres pour motocyclettes et bicyclettes», «montres maçonniques», «oiseaux chantants» qu’«arbres de barillet», «cabochons», «cache-poussière», «dorage de roues», «huiles horlogères», «limes», «laques de Chine», «pose de radium» ou «vis sans fin». Un bric-à-brac parfaitement ordonné, avec adresses et téléphones (par exemple Oris a le «28 à Hölstein»), un réseau à 360 degrés qui permet aux acheteurs et distributeurs du monde entier de s’approvisionner auprès des fabricants ainsi qu’aux fabricants de constituer leur réseau en vue de produire leur montre, leur permettant de choisir, par exemple, entre les 8 «fabricants de goupilles» qui offrent leurs services ou les 39 fabricants de verres de montres «ronds», «de fantaisie» ou «incassable», recensés de façon bien hiérarchisée et immédiate d’accès. Allez faire cette même recherche aujourd’hui sur internet! Vous tomberez dans un «marais» incompréhensible, sans hiérarchie entre listes commerciales très partielles, articles savants inutiles et publicités. A propos de publicité, précisément, on ne trouve dans ce Guide complet (qui liste aussi banques et hôtels pour horlogers) que 3 «bureaux de publicité, publiciste-conseil» dont vos serviteurs ! Il faut croire qu’en 1930, la montre se vendait toute seule ou presque …grâce au Guide des Acheteurs (et une par personne et pour la vie).

Quant à la presse de l’époque, outre le Guide dont il est question - et dont Europa Star est le descendant -, on compte l’Annuaire de l’Horlogerie Suisse, l’Indicateur Davoine, la Revue Internationale de l’Horlogerie, le Journal Suisse d’Horlogerie (fondé en 1876), l’Orfèvre Suisse, Die Schweizer Uhr et le Schweizerische Uhrmacher Zeitung. Une liste dont nous sommes les seuls survivants.