aucher Manufacture Fleurier fête cette année ses 20 ans d’existence. Elle est née en 2003 de la volonté de la riche Fondation de Famille Sandoz, décidée à constituer dès la fin des années 1990 un véritable et ambitieux pôle horloger complet autour de la marque Parmigiani Fleurier, à laquelle s’adjoindront rapidement Atokalpa (Alle) en décembre 2000, Les Artisans Boîtiers (La Chaux-de-Fonds) en mai 2000, Elwin (Moutier) en janvier 2001 et Quadrance & Habillage (La Chaux-de-Fonds) en décembre 2005.
Depuis son arrivée en avril 2019 en tant que CEO de Vaucher Manufacture, Jean-Noël Lefevre a introduit avec succès ce qu’on appelle, en langage managérial, «l’excellence opérationnelle». L’homme, né en 1966 dans le nord de la France, a une solide expérience industrielle: formation universitaire en génie mécanique et management, puis longs passages parmi les équipiers automobiles (que l’on sait friands d’efficacité opérationnelle), avant de rejoindre l’horlogerie en 2006. Il devient alors responsable logistique chez Cartier, puis directeur de production chez Roger Dubuis, CEO pour Manufacture Stern 1898 et enfin reste trois ans à la direction du site de Vacheron Constantin au Brassus avant de passer CEO chez Vaucher Manufacture.
Fort de ses solutions opérationnelles, Jean-Noël Lefevre affirme avoir fait doubler le chiffre d’affaires et quadrupler les volumes de la manufacture entre 2019 et 2022-2023. Le «changement de dimension» de l’entreprise, il le situe en 2022. Sans doute le temps que ses mesures aient pris toute leur place.
Le lean manufacturing
Cette «excellence opérationnelle» qu’il professe est une forme de mise en horizontalité de l’organisation en vue d’une plus grande transparence entre les objectifs, les mesures opérationnelles, les ajustements nécessaires, les initiatives et… le confort des opérateurs.
En féru des «techniques managériales modernes» et de ce qu’il appelle aussi le lean manufacturing, il veut construire l’outil manufacturier en se basant sur la confiance et la répartition des tâches divisées en autant de «gestions de projet». Autant d’unités dédiées, autonomes et responsables dans l’organisation de leur production, avec des postes de travail partagés, chacun étant apte à conduire plusieurs opérations à l’interne de l’unité.
Chaque matin, rituellement, chacune de ces unités, à la même heure, se réunit pour une courte séance devant un tableau partagé par tous. Ce point quotidien (la minute meeting qui dure de 10 à 15 minutes) est là pour définir ensemble les objectifs, les modes d’action, les corrections à apporter, les problèmes de qualité qui concernent l’atelier. La responsabilité est commune, l’action à mener partagée.
Les informations remontent sur un grand tableau général qui recense toutes les étapes d’avancement de toute la production. Mais rien de sévère dans ce tableau des encours: une lecture colorée, simple, visuelle, à base de petites cartes que chacun peut consulter. Une forme de transparence de l’état d’avancement des produits à travers tous les métiers de la manufacture, de la CNC au laboratoire qualité ou de la logistique à la sous-traitance.
«Monter chacune des unités autonomes de production prend plusieurs mois de discussions et d’échanges, explique Jean-Noël Lefevre. Les collaborateurs participent directement au design de leur propre unité. Le but est de parvenir à améliorer ainsi ensemble la situation de la production, réduire les encours, gagner en délai.»
L’idée est double: le client est la cible absolue, sa satisfaction la priorité. Mais au coeur du dispositif, et pour y parvenir, «le bien être de chaque collaborateur est au centre de tout les processus». L’égalité salariale (auditée par un organisme extérieur) y est la règle. L’ambition est aussi environnementale, avec des panneaux photovoltaïques sur le toit et l’adhésion au répertoire Swiss Triple Impact.
Petite visite guidée
A visiter la manufacture, il y règne effectivement une atmosphère paisible, agréable, colorée, peu bruyante, transparente. Au dernier étage, dans un large open space, le bureau du CEO côtoie directement ceux des constructeurs, dessinateurs, chefs de projets en développement mais aussi communication et IT.
Au milieu de ce vaste espace trône une cabine vitrée. On peut aller s’y asseoir à deux, à n’importe quel moment de la journée, pour y échanger en toute tranquillité, sans être perturbé. Convivialité aussi avec ces kiosques à café tout en bois que l’on trouve ici ou là, à chaque étage.
Sur 5’800 m2, 230 personnes y travaillent actuellement à «répondre à la croissance, à raccourcir les délais, à veiller à la plus haute qualité». Toutes les fonctions y sont représentées: opérateurs CNC, spécialistes de la supply chain, planificateurs, constructeurs, dessinateurs, labos, RH et... horlogers, régleurs, décorateurs, contrôleurs de qualité.
L’équipement – toujours organisé par unité de production – est à la hauteur: batterie en ligne de CNC Willemin 701S, lasers de découpage, lasers de décoration sans parler de ces «robots collaboratifs», flexibles, libérés de leur cage qui œuvrent en appui des machines et permettent d’augmenter la capacité des CNC (pour «des opérations sans valeur ajoutée», précise M. Lefevre).
Les compétences sont croisées. Par ligne, chacun a la connaissance précise de toutes les étapes. Tous sont directement connectés physiquement. Au centre de chacune de ces unités s’organise le «carré magique» qui réunit le responsable de l’atelier, un chargé des méthodes, un de la qualité et un pour l’ordonnancement. En quelque sorte l’exécutif de l’atelier «démocratique».
Les calibres
De ces ateliers sortent cinq calibres de base: un 3 aiguilles, un extra-plat à micro-rotor, un chronographe intégré, un tourbillon automatique et un tourbillon manuel.
Pour les clients «usuels», masse et ponts peuvent être modifiés à la demande. Pour les «clients importants», Vaucher Manufacture Fleurier va plus loin, jusqu’à laisser ceux-ci «jouer avec les briques» de leurs mouvements, parfois jusqu’à les rendre méconnaissables. La manufacture offre aussi la possibilité de partir d’une page blanche, jusqu’au développement d’un mouvement original complet. Squelettages, couleurs, traitements, implantations différentes, mouvements de forme...
- SEED VMF 6710 CHRONOGRAPHE INTÉGRÉ À ROUE À COLONNES AUTOMATIQUE: Fruit de six années de développement, ce calibre chronographe de 30 mm incorpore plusieurs innovations pour une efficacité, une fiabilité, une précision et une robustesse optimale. Sa construction combine un balancier haute fréquence (5Hz, 38 800 alt/h), une roue à colonnes, un embrayage vertical et un marteau linéaire. Dès 50 pièces. Certifié COSC. Possibilités de personnalisation sur demande.
- SEED VMF 5430 TOURBILLON VOLANT EXTRA-PLAT À REMONTAGE MANUEL: Dernier né de la ligne des extra-plats dans une version manuelle d’une grande robustesse, doté d’un tourbillon volant à 9h dans une cage en titane pour de meilleures performances de réglage, il s’agit de l’un des tourbillons les plus plats du monde. Son design offre de grandes possibilités de personnalisation des ponts et de la cage de tourbillon.
- SEED VMF 3024 LE TOURBILLON VOLANT HAUT DE GAMME LE PLUS ACCESSIBLE: Pourvu d’un tourbillon volant 60 secondes. remontage automatique, avec une fréquence de 4 Hz, il bat 28’800 fois par heure dans une cage en titane. Précis et léger, il se distingue également par sa finesse – seulement 4 mm d’épaisseur. Double-barillet en série (50 heures de réserve de marche), balancier à inertie variable, masse en or. Personnalisations et finitions hors du commun, tel que l’anglage des ponts réalisés artisanalement à la main au touret.
- SEED VMF 5401 AUTOMATIQUE MICRO-ROTOR EXTRA-PLAT 2 OU 3 AIGUILLES: Véritable calibre extra-plat de 2.6 mm sur 30 mm, avec micro-rotor. Fin et robuste, il est particulièrement raffiné et élégant. Heure, minute, petite seconde à 6h. Balancier à inertie variable avec masselottes en or, 3 Hz (21’600 A/h). Réserve de marche de 48 heures. Dès 25 pièces dans sa version Seed VMF 5401, avec personnalisation de la masse ; dès 150 pièces dans sa version S-VMF 5401, avec personnalisation des ponts (formes et décorations) et de la masse.
- SEED VMF 3002 AUTOMATIQUE 2 OU 3 AIGUILLES AVEC OU SANS DATE: Double barillet (50 heures), balancier à inertie variable battant à 4 Hz (28,800 A/h), cet automatique optimisé est certifié COSC sur demande. D’un diamètre de 23,30 mm ou 25 mm et d’un épaisseur de 3,7 mm, il est disponible dès 25 pièces dans sa version Seed VMF 3002 avec personnalisation de la plaquette de la masse et dès 250 pièces dans sa version S-VMF 3002, avec personnalisation des ponts (formes et décorations) et de la masse
En cours, Vaucher Manufacture Fleurier aurait ainsi une trentaine de projets à divers stades d’avancement planifiés jusqu’en 2028. Parmi ceux-ci, on serait ravi de citer des noms, mais ici comme dans toutes les autres manufactures de mouvements, la confidentialité est de mise. Certaines marques s’enorgueillissent de leur coopération, mais nombreuses sont celles qui préfèrent se montrer discrètes à ce sujet. «J’ose affirmer que nous sommes reconnus pour notre qualité. Nous sommes chers, oui, mais nous offrons aussi une fiabilité à toute épreuve. Les retours au SAV ne sont de l’ordre que de 1%», poursuit Jean-Noël Lefevre.
Et combien de mouvements produit désormais la manufacture par année? se hasarde-t-on à lui demander. On n’obtiendra pas de réponse véritable, tout au plus saura-t-on que Vaucher Manufacture Fleurier manufacture «plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires» par année et que, par ailleurs, on peut aussi s’y procurer des séries de 25 pièces – mais sans doute ce privilège est-il réservé aux plus dédiés des clients.