hanel a fait son entrée en horlogerie en 1987 avec la bien-nommée montre Première – et, bientôt 40 ans plus tard, subtilement revisitée en 2022 par Arnaud Chastaingt, Directeur du Studio de Création Horlogerie de Chanel, elle est aujourd’hui plus désirée que jamais. Son boîtier, qui reprend la forme de la Place Vendôme, est comme un premier manifeste: Chanel entendait alors déjà bousculer quelque peu l’horlogerie en y imposant ses propres codes esthétiques.
Cette volonté s’affirmera fortement quelques années plus tard avec la sortie en 2000 de la transgressive J12 toute de céramique noire, puis blanche. On connaît la fortune incroyable de cette montre, rapidement qualifiée de «première icône horlogère du 21ème siècle», que Chanel n’a eu de cesse, depuis, «de déshabiller et de rhabiller» tout en lui conservant sa silhouette imparable, son «allure», pour employer le terme qui est désormais attaché à la silhouette de Gabrielle Chanel.
- Arnaud Chastaingt
«De toutes les créations de la Maison Chanel, l’horlogerie est pourtant la seule discipline que Gabrielle Chanel n’ait jamais abordée, nous explique Arnaud Chastaingt. Mais elle nous a légué un vocabulaire esthétique fascinant, elle qui a toujours eu sa propre vision singulière du style. De ce point de vue, la montre Première, point de départ de notre horlogerie, est exemplaire d’une affirmation et d’une leçon stylistiques. Elle s’inscrit dans un univers rigoureusement codé mais à l’intérieur duquel s’épanouit une immense liberté de création.»
Un immense terrain de jeu créatif
Entrée «par le haut» en horlogerie, Chanel, que les grands horlogers suisses regardaient au départ avec quelque condescendance, a patiemment construit sa légitimité horlogère, a imposé son rigoureux vocabulaire stylistique, a acquis ses propres moyens de production, s’est aventurée avec succès dans la haute horlogerie mécanique, a investi avec brio les métiers d’art, a collectionné les grands prix, bref, est devenue un incontournable acteur au premier plan de la scène horlogère internationale.
Arnaud Chastaingt, nommé chez Chanel il y a 11 ans, après 20 ans dans l’horlogerie et la haute joaillerie horlogère chez Cartier, évoque «l’extraordinaire terrain de jeu créatif» que lui offre le Studio qu’il dirige. «Je suis un créateur, occupé à concevoir des objets qui font rêver.»
S’inspirant de la couture, de ses us et coutumes, de sa saisonnalité, il a notamment initié les collections Capsules, «qui permettent d’offrir des propositions nouvelles, de jouer avec nos icônes». Il s’est aussi inspiré des métiers et codes de la couture Chanel, avec l’emploi notamment de la broderie, de la passementerie; des emprunts stylistiques comme les ganses qui soulignent la forme de l’habit; les matières, comme le tweed, voire les accessoires du métier de couturière, comme le pique-aiguille devenu montre ou encore des jeux horlogers autour du bouton.
«J’ai beaucoup de chance car je dispose d’une vraie liberté, ce qui entraîne une vraie responsabilité. La création est au cœur de mon action. Je suis accompagné pour cela d’équipes expertes et talentueuses tant au sein de mon Studio, Place Vendôme qu’à la Manufacture Chanel de la Chaux de Fonds en Suisse.»
Quand Mademoiselle occupe tout le cadran
Parmi tous les codes de Chanel, la silhouette même de Gabrielle Chanel est devenue un emblème en soi, l’affirmation immédiate d’un style reconnaissable entre tous. De façon ludique, la silhouette de Mademoiselle s’est affichée de diverses manières jusqu’à devenir centrale dans la Mademoiselle J12 où elle indique l’heure de ses deux bras.
Quand les horlogers ont demandé à Arnaud Chastaingt ce qu’il imaginait pour la suite, «tout est né d’un croquis», nous explique-t-il. «Je commence toujours par me demander quelle histoire je vais raconter. Et j’avais par ailleurs une obsession, celle de l’automate. C’est ainsi qu’est née l’idée de faire apparaître Gabrielle Chanel comme l’héroïne travaillant dans son atelier du 31 rue Cambon.»
- Dix-sept après la création de la J12, Chanel se démarque avec une «Mademoiselle J12» affichant en son centre la silhouette de Mademoiselle Chanel (sur un disque saphir fixé sur la cadran), dont les bras articulés indiquent les heures et les minutes.
Dans les croquis qu’il exécute alors pour le cadran de cette montre, Arnaud Chastaingt rassemble nombre des codes et des emblèmes fondamentaux de Chanel: la porte de l’atelier de Gabrielle Chanel, sur laquelle figure la plaque Mademoiselle Privé, son tailleur et les éléments signature de sa garde-robe, les ciseaux de la couturière, les bobines de fil, le matelassé au sol, le buste de couture, les coupons de tissu découpés, le panneau de tweed posé contre la paroi et le tissu aux motifs camélia…
Et dans ce décor, la silhouette de Mademoiselle ainsi que le buste de couture sur lequel elle travaille s’animent tous deux de concert, à la demande de la porteuse de la montre…
Cinq ans seront nécessaires pour parvenir à la réalisation de cette idée d’animation du cadran. «Dans ce genre d’aventure, nos horlogers sont au cœur de la création qui, sous son apparence ludique, est d’une grande complexité technique, nous détaille Arnaud Chastaingt. Les horlogers ont besoin de temps pour parvenir au plus beau et au plus efficient des résultats. Le vrai allié, c’est le temps. Je reste totalement à leur écoute, car ce sont eux qui détiennent le savoir-faire.»
Un jeu de cercles qui cache bien son jeu
La naissance de la J12 Atelier Couture Automate Calibre 6 est emblématique de cette approche créative étroitement conjointe entre style et technique qui touche à tous les aspects de la montre, y compris donc à son mouvement. «Je n’aime pas trop la définition que l’on donne généralement de la Haute Horlogerie en se référant en priorité à la «complication» horlogère. Je préfère la notion d’évidence horlogère et pour moi la Haute Horlogerie est ainsi un large et libre territoire d’expression qui englobe savoir-faire horloger, expertise joaillière, inspirations de la mode, maîtrise des divers métiers d’art… En ce qui concerne le mouvement proprement dit et son architecture, mes mots d’ordre, bien que ce soit un calibre sophistiqué et complexe, sont de retirer toute pollution visuelle, d’aller au plus pur, au plus sobre, au plus apparemment simple tout en respectant, bien évidemment, l’exigence essentielle d’efficacité mécanique.»
L’architecture dépouillée du Calibre 6 qui pilote la montre et met en mouvement le petit théâtre animé du cadran s’inscrit directement dans la lignée du Calibre 1. Sorti en 2016 pour équiper la montre Monsieur, le Calibre 1 est le premier mouvement mécanique de Haute Horlogerie intégralement pensé et dessiné par le Studio de Création Horlogerie de Chanel et développé, construit et assemblé dans la Manufacture Chanel (sise à La Chaux-de-Fonds).
- Le Calibre 6
Ce Calibre 1 est un véritable manifeste démontrant comment esthétique et technique peuvent être intrinsèquement liées. Composé d’un élégant jeu de cercles, il offre à la vue un magnifique ensemble parfaitement épuré de roues et de ponts circulaires squelettés noirs et gris anthracite, alliant en l’occurrence une grande technicité (heure sautante instantanée, minute rétrograde, deux barillets montés en série) à une architecture d’une élégance minimaliste unique en son genre, une apparence d’évidente simplicité».
On retrouve absolument toutes ces qualités dans le Calibre 6 qui équipe la J12 Atelier Couture Automate Calibre 6. «La charte graphique née en 2016 avec le Calibre 1 a été conçue pour pouvoir se développer harmonieusement sur le long terme, tient à préciser Arnaud Chastaingt. Ses principes de base sont de toujours aller à l’évidence dans une forme de minimalisme, concevoir une architecture qui soit toujours circulaire, privilégier le noir, simplifier, couper.
Sur la base de cette charte définie par le Calibre 1, il a fallu d’abord le retravailler pour l’adapter au diamètre plus réduit de la J12 de 38 mm. Tout en parvenant à y loger les 355 composants nécessaires à la marche du mouvement et au développement de l’animation – sur demande – des automates! Soit environ le double de composants des autres mouvements Manufacture Chanel.
Le résultant est assez bluffant. Apparemment, tout semble parfaitement ordonné en un jeu de roues et de ponts circulaires, un alignement en exact arc de cercle des rubis qui protègent les axes des roues, le simple entrecroisement des deux ponts circulaires. Aucune des cames qui permettent d’entraîner les automates n’est visible: Mademoiselle dans un jeu de déhanchement, d’oscillation du visage et de lever du bras qui tient les ciseaux; le buste dans un mouvement vertical de bas en haut. Cette animation est actionnée à la demande en appuyant sur un discret poussoir situé à 8h.
La céramique à son plus haut point de finitions
«Le défi était de parvenir à conserver une certaine finesse malgré le mécanisme supplémentaire des jeux de cames assurant le mouvement des automates et le nécessaire espace permettant leur animation en relief, détaille Arnaud Chastaingt. Le choix de surmonter le boîtier d’une glass box s’est alors imposé. Celle-ci a permis de maintenir le boîtier dans une épaisseur relativement contenue, soit 13,65 mm avec la glass box, tout en magnifiant la scène animée du cadran.»
La J12 Atelier Couture Automate Calibre 6 se veut aussi une démonstration du savoir-faire acquis depuis plus de deux décennies par Chanel dans la maîtrise des procédés de la céramique, de son traitement et de ses finitions. «Nous avons appliqué pour la première fois un anglage particulier, d’une grande douceur, tant sur la carrure que sur les maillons du bracelet. Une façon de magnifier plus encore la céramique noir mat. Il en résulte un velouté des formes, un confort autant visuel qu’au porté.»
Par ailleurs, le sertissage de la lunette acier traité noir de 48 diamants baguette taillés en carré, confère à la montre une luminescence qui amincit encore sa silhouette.
Au-delà de son ingéniosité, cette montre illustre à merveille la force et la singularité de la Haute Horlogerie de Chanel: allure, épure et haute technicité au service de la création.
Chanel J12 Atelier Couture Automate Calibre 6
Edition limitée à 100 exemplaires. Diamètre 38mm, épaisseur 13,65mm. Boîtier et bracelet en céramique noir mat haute résistance. Biseaux carrure et maillons polis. Boucle triple déployante. Aiguilles en laiton avec traitement galvanique noir. Fond cadran en laiton. Motifs cadran et automates réalisés par métalisation et décalque. Couronne ADLC noir sertie diamant brillant. Lunette sertie de 48 diamants taille baguette. Glass box saphir. Fond or 18k gravé «Limited to 100», glace saphir. Étanche à 50 mètres.
Mouvement Calibre 6
Remontage manuel, 72 heures de réserve de marche. Heure, minute, automates. 355 composants. 54 rubis. 28’800 alternances/h (4Hz), balancier à inertie variable et protection chocs. Diamètre 28.40 mm – 12’’’1/2, épaisseur 7.7 mm.