l y a les chiffres, qui déjà donnent le tournis: 7 ans de développement; plus d’un mètre de haut; 6’293 composants mécaniques, y compris 2’370 pour l’horloge seule; 1’020 composants pour son habillage; 22 complications mécaniques; 144 gestes mécaniquement programmés via 158 cames pour le seul automate; 2 musiques différentes et 15 brevets déposés dont 7 brevets horlogers.
Ont participé à sa réalisation sous la direction «orchestrale» de Vacheron Constantin des maîtres artisans, des designers, des ingénieurs, des astronomes, un compositeur musical et bien évidemment des maîtres horlogers. Son habillage et sa décoration ont impliqué de nombreux métiers d’art dont le sertissage de pierres précieuses et semi-précieuses, la marqueterie de pierre dure, la marqueterie de nacre, l’incrustation de cristal de roche, l’émail grand feu, le guillochage, la gravure en haut relief, la sculpture en bronze coulé, la peinture miniature sur verre…
Une œuvre totale, donc, ardemment collective et hautement culturelle, qui puise ses profondes racines dans l’immémoriale quête astronomique à la source de la mesure humaine du temps, remonte à la grande période des Lumières – époque à laquelle Vacheron Constantin est né en 1755 – s’inspire de ses réalisations scientifiques et techniques mais remonte jusqu’à nous, et renouvelle la mécanique d’art. De quoi justifier parfaitement son nom de baptême de La Quête du Temps.
Rien d’étonnant donc d’apprendre que cette pièce muséale, qui témoigne de l’ambition déclarée de Vacheron Constantin d’aller «au-delà de la seule mesure du temps», est montrée pour la première fois publiquement au centre d’une exposition au Musée du Louvre de Paris (du 17 septembre au 18 novembre 2025), entourée de garde-temps historiques provenant des collections du célèbre musée, dont la pendule astronomique La Création du Monde, présentée à Louis XV en 1754 et restaurée en 2016 avec déjà le soutien de Vacheron Constantin.
L’humain danse au centre du temps
Au sommet de La Quête du Temps se tient une élégante figure humaine, l’Astronome, volontairement androgyne, debout dans une position de danseur prêt à s’élancer. Comme si elle se tenait au centre de l’univers, cette figure (de près de 30 cm de haut) est surmontée d’un dôme de verre reproduisant en peinture miniature les constellations de la voûte céleste telles qu’elles se présentaient avec précision dans le ciel de Genève le 17 septembre 1755 à 10 heures du matin, date à laquelle Jean-Marc Vacheron signa le contrat d’engagement de son premier apprenti. Le calcul de cette configuration précise a été réalisé par les astronomes de l’Observatoire de Genève (notamment reconnu pour avoir participé activement à la découverte de la première exoplanète).
Un Soleil brille au-dessus de sa tête, en face de lui circule une Lune tridimensionnelle dont la course rétrograde s’effectue sur un rail semi-circulaire et sur ses deux flancs, comme suspendues dans le vide, s’élancent l’échelle des heures – en chiffres romains – et celle des minutes – en chiffres arabes. Le corps de l’Astronome, réalisé en bronze puis doré à l’or jaune 3N, est gravé de motifs de constellations et serti de diamants qui indiquent les principales étoiles.
Mais, fait remarquable – et première horlogère absolue – l’Astronome n’est en rien statique. C’est un automate d’une complexité extrême, capable d’effectuer en toute fluidité 144 mouvements différents, afin d’indiquer avec ses bras les 12 heures et les 12 intervalles de 5 minutes de chaque heure. Pour y parvenir avec l’exactitude requise, l’Astronome est relié à l’horloge-mère par le jeu de 158 cames qui constituent une véritable mémoire mécanique.
Jamais, dans toute l’histoire de l’horlogerie, un automate n’avait ainsi été employé pour indiquer le temps dans l’espace. De l’aveu même de l’automatier qui l’a réalisé, François Junod, le plus reconnu de sa génération, c’est là l’objet le plus complexe qu’il lui ait jamais été donné de concevoir.
Et ce d’autant plus que notre danseur ou notre danseuse astronomique est capable de réaliser, sur demande, trois séquences chorégraphiques supplémentaires. Et ce en musique grâce à une véritable double «machine musicale» incorporée au mécanisme de l’automate inventé par François Junod.
Première séquence, une musique «réveille» l’Astronome qui regarde autour de lui, désigne ensuite de ses bras les symboles du jour et de la nuit qui se trouvent à ses pieds, puis bouge ses mains pour indiquer la Lune et son déplacement sur l’arc face à lui, avant de revenir à sa position d’origine.
Deuxième séquence, sur une musique composée par Woodkid et exécutée sur métallophone et tubes Wah-Wah, l’automate pointe les étoiles au-dessus de lui, avec son bras gauche puis son bras droit tout en suivant ses gestes de la tête.
Troisième séquence, toujours sur demande ou programmable 24h à l’avance, l’Astronome indique avec ses bras l’heure qu’il est sur les échelles suspendues à ses côtés. Petit détail qui complexifie cette chorégraphie, les heures et les 5 minutes sont inscrites dans un ordre aléatoire. Donc, même si un court espace de temps sépare une activation de l’autre, le geste accompli sera totalement différent.
Tout le savoir de l’horlogerie astronomique de la manufacture
Logé juste en-dessous de l’automate, le calibre spécialement développé pour La Quête du Temps représente le résumé complet – voire le summum – du savoir-faire en haute horlogerie astronomique de la manufacture genevoise. Il incorpore, outre les heures et minutes, un calendrier perpétuel complet, les indications du lever et du coucher du soleil, une réserve de marche (15 jours) et le temps sidéral, visible au dos. Il pilote également la Lune sphérique en 3D qui court en face de l’automate de manière rétrograde sur son cycle de précision de 29.5 jours.
L’ensemble est réglé par un tourbillon de dimension exceptionnelle, plus du double du plus grand tourbillon jamais construit pour une montre de la manufacture, doté d’un balancier d’un diamètre de 16,8 mm, à l’intérieur d’une cage en forme de Croix de Malte – l’emblème de Vacheron Constantin – de 28 mm, maintenue par un pont de 43,3 mm de long. Un tourbillon d’autant plus efficace pour compenser l’attraction terrestre que, par définition, La Quête du Temps, contrairement à une montre, se tient toujours en position verticale.
Pleinement visible sous un verre grossissant, inscrit à 12h dans un cercle serti de diamants baquette, ce tourbillon domine l’indication des 24 heures – avec division jour et nuit – positionnée à 6h dans un cercle de semblable dimension et également serti de diamants baguette.
Heures rétrogrades en chiffres romains à gauche et minutes rétrogrades en chiffres arabes à droite s’inscrivent dans deux demi-cercles de cristal de roche qui flanquent le cadran. Constitué de quatre couches transparentes dessinant une série d’arcs, de courbes et de jeux de cercles, cet exceptionnel cadran affiche en toute transparence les indications du calendrier perpétuel qui apparaissent en guichets, le jour de la semaine à 10h, le mois à 2h, ainsi que la date rétrograde qui s’affiche quant à elle sur un demi-cercle parcouru par un indicateur Soleil/Lune en-dessous du cadran des 24h.
Ces indications sont complétées par celle de l’année bissextile dans une petite ouverture à droite du tourbillon, ainsi que par celle de la réserve de marche, dans deux demi-cercles de 71/2 jours chacun, totalisant donc 15 jours de marche continue.
Au dos, un cadran représente la voûte céleste de l’hémisphère nord qui suit en temps réel le mouvement des constellations, offrant ainsi la mesure du temps sidéral – plus court d’environ 4 minutes que le temps solaire des 24 heures qui définit notre temps civil. Outre une indication de marche supplémentaire inscrite dans un demi-cercle à 12h, ce cadran est entouré de deux anneaux concentriques dont l’un indique les mois par chiffres, les saisons et les équinoxes, tandis que sur le cercle extérieur sont gravés les signes du zodiaque astrologique.
Ce sont donc au total 22 complications qui s’accumulent, sans compter celle, inédite, de l’automate. Au pic des innovations horlogères figurent l’animation si fluide de l’Astronome, via ses 158 cames, ainsi que celle d’un second automate de fait, la Lune rétrograde qui court sur un arc de cercle au rythme cyclique de 29,5 jours. Construite en deux couches, avec son propre mécanisme et son propre barillet, cette complication est liée à la fois à l’automate et au mouvement. Ce qui en soi constitue également une première horlogère, pour laquelle une des 7 demandes de patente horlogère a été déposée (sur les 15 patentes en demande).
Parmi, entre autres, ces patentes déposées, on trouvera un système inédit qui permet au mécanisme de la pendule d’être piloté par deux échappements opérant différemment, ainsi qu’un nouveau mécanisme de réserve de marche qui permet de faire fonctionner de façon consécutive deux secteurs d’affichage différents (pour rappel, 2 x 71/2 jours pour un total de 15 jours).
Monumental mais transparent, aérien… et précieux
Le choix de travailler en toute transparence le design de La Quête du Temps, outre le fait d’atténuer ses larges dimensions et d’alléger son aspect monumental, a aussi permis de mettre pleinement en valeur – à sa base – la vibrante magie du très complexe double mécanisme cinématique et musical inventé par François Junod, qui prend vie chaque fois que l’Astronome est mis en mouvement.
Le dôme transparent de 40 cm de diamètre qui surplombe l’automate a également posé un défi important, devant impérativement être à la fois léger, solide et stable, ainsi qu’être maintenu par un fort support qui ne nuise pas à son esthétique. D’où la solution d’arches croisées qui rappellent les cercles entrecroisés des sphères armillaires.
Tous les moindres détails, du choix des matériaux à la finition des composants, est à l’avenant. La dimension même de ces composants, notamment ceux qui constituent le mécanisme et son cœur, exige une qualité de finition qui ne tolère pas la moindre imperfection, bien plus visible à l’œil nu. Au total, il s’est agi de parfaire les 2’370 composants du mouvement, à l’image notamment du polissage main et de l’anglage de la cage du tourbillon en forme de Croix de Malte.
Sans pouvoir ici être exhaustif quant à tous les matériaux employés et tous les savoir-faire artisanaux mis en œuvre, citons-en quelques-uns. Le piédestal sur lequel repose l’horloge est constitué de plaques de lapis-lazuli décorées en marqueterie de pierres dures qui dessinent les planètes du système solaire: azurite pour la Terre, jaspe rouge pour Mars, jaspe en dentelle pour Jupiter, obsidienne argentée pour Mercure… Leur nom s’inscrit en lettres de nacre.
Le cadran arrière de l’horloge, au centre duquel on voit une carte de la voûte céleste qui accomplit une rotation de 23 heures, 56 minutes et 4 secondes par jour sidéral, est fait de verre minéral gravé des étoiles et des constellations, encrées de couleur or. Il est encadré d’un cercle de marqueterie de pierres de lune et, en son centre, ses douze sections sont de marqueterie de cristal de roche. Un matériau que l’on retrouve dans les panneaux transparents finement gravés qui enveloppent la base octogonale protégeant le mécanisme de l’automate.
L’émail grand feu a été utilisé pour indiquer les mois, les saisons, les solstices et les équinoxes. Différents types de gravure ont été employés selon les éléments, comme les constellations finement gravées sur le corps de l’Astronome ou le guillochage de l’indicateur des 24 heures, semblable à des rayons qui surgissent du Soleil et de la Lune, réalisés en gravure à haut relief.
La voûte intérieure du globe de verre au-dessus de l’automate a été entièrement décorée en peinture miniature. Une tâche effectuée à main libre, sans aucun droit à l’erreur, avec l’aide de binoculaires, et rendue encore plus complexe car, comme la peinture est à l’intérieur du globe, l’artisan d’art a dû opérer à l’envers et de l’arrière vers l’avant, soit trois semaines harassantes de travail après plus de six mois de recherche et d’essais.
Impossible de faire ici le tour complet de cette renversante Quête du Temps.
Laissons le mot final à Christian Selmoni, directeur Style & Héritage de Vacheron Constantin et, à ce titre, chef d’orchestre: «La clé de ce projet était de réunir autant de personnes aussi talentueuses que passionnées, prêtes à créer et à rêver ensemble. A chaque étape, nous avons voulu aller plus loin. Un rigoureux processus créatif continu, mais sans jamais oublier ni la fantaisie ni le jeu. Une belle et grande aventure humaine partagée entre tous.»