lancpain est une marque à deux visages: d’un côté une facette très sportive avec la relance depuis le début du millénaire, sous l’impulsion de son Président & CEO Marc A. Hayek, de la montre de plongée moderne, la Fifty Fathoms de 1953. De l’autre, un visage qui s’inscrit dans la lignée classique de la belle horlogerie de la Vallée de Joux, le haut lieu mondial de la complication horlogère.
La marque innove sur la Fifty Fathoms, par exemple avec le lancement de la version Fifty Fathoms 70th Anniversary Act 2 – Tech Gombessa conçue avec le plongeur et biologiste français Laurent Ballesta et adaptée à la plongée moderne sous recycleur d’une plus longue durée, permettant pour la première fois de mesurer des temps d’immersion allant jusqu’à 3 heures.
Mais l’innovation concerne aussi la facette la plus classique de Blancpain. Il y a huit ans, c’est à nouveau Marc A. Hayek qui a émis la volonté de créer une grande sonnerie pour Blancpain, une première pour la marque. Mais il ne s’agissait pas seulement de rejoindre le cercle restreint des maisons capables de maîtriser cette complication suprême. Il s’agissait de redéfinir ce qu’elle pouvait être.
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- Marc A. Hayek, Président & CEO de Blancpain
Près d’une décennie plus tard, depuis sa ferme historique du Brassus, Blancpain dévoile le fruit d’un très long travail de R&D: la Grande Double Sonnerie, première montre-bracelet capable de jouer deux mélodies distinctes, dont la célèbre sonnerie Westminster et une composition originale baptisée… Blancpain, signée par le batteur du groupe KISS, Eric Singer.
«Une Grande Sonnerie est l’une des complications les plus difficiles à créer. C’est la reine des complications horlogères. Je voulais une montre que son propriétaire puisse porter confortablement, pas un exercice de style destiné à rester enfermé dans un coffre. Et surtout amener une nouvelle manière de concevoir la sonnerie. C’est pourquoi nous n’avons pas fixé une limite temporelle à son développement. Et cela a naturellement pris du temps! C’est une réussite d’équipe», explique Marc A. Hayek.
Approche repensée
Le projet, amorcé il y a près de dix ans, paraissait au départ irréalisable. Non seulement Blancpain voulait faire sonner les heures et quarts selon quatre notes distinctes – Mi, Sol, Fa et Si – mais encore fallait-il qu’elles composent une mélodie complète, et non la simple alternance binaire habituelle des répétitions minutes. À cela s’ajoutait l’ambition inédite d’intégrer deux mélodies sélectionnables par poussoir, la Westminster historique et la mélodie «Blancpain», exclusive à la maison.
Cette idée a mené les horlogers du Brassus dans un territoire inexploré. Comme nous l’ont expliqué les architectes de ce projet lors de notre visite, trois prototypes du calibre 15GSQ ont jalonné ce développement: l’un dédié au finissage et à la remise à l’heure, puis un autre au mécanisme de sonnerie, et enfin un mouvement complet intégrant tourbillon volant et calendrier perpétuel rétrograde. Huit ans de recherche, 21 brevets, 1’053 composants et une intégration totale du mouvement ont conduit à ce chef-d’œuvre mécanique, la montre la plus complexe de l’histoire de Blancpain.
La mélodie Westminster, que l’on associe à Big Ben, est jouée sur quatre notes distinctes, les «quatre quarts» de chaque heure composant une séquence complète rarement réalisée en horlogerie. A chaque heure, la Grande Double Sonnerie déroule ainsi la totalité du motif musical, offrant au porteur l’expérience d’un concert miniature.
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- Pourquoi ne pas sonner l’heure avec deux mélodies différentes jouées avec quatre notes: le carillon classique de Westminster et une composition originale écrite par la rock star Eric Singer de KISS? Et puis permettre la sélection de l’une ou l’autre par un poussoir. Cela semblait impossible lorsque l’idée a germé, mais la Grande Double Sonnerie est devenue une réalité et une première en horlogerie.
L’autre mélodie, baptisée Blancpain, est née d’une amitié et d’un pari audacieux. Passionné de montres et collectionneur averti, Eric Singer, batteur du groupe KISS, a accepté le défi de composer une pièce originale à partir de seulement quatre notes – ce qui n’était pas évident au vu des restrictions techniques forcément imposées sur un tel projet.
Lorsque l’équipe Blancpain lui a communiqué les spécifications techniques de la montre, il avoue ainsi en plaisantant «n’avoir pas compris un seul mot de ce qui était écrit».
«Le véritable défi a été de réaliser qu’il n’y avait que quatre notes disponibles, poursuit-il. Cela peut sembler beaucoup pour une montre, mais pour un musicien, c’est une limitation considérable. Transformer cette contrainte en musique a été un véritable casse-tête, mais c’est aussi ce qui a rendu cette collaboration si fascinante pour Derek et moi-même.»
Un mécanisme à roue à colonnes permet au porteur de passer de l’une à l’autre des mélodies d’une simple pression – une première mondiale.
L’art délicat de l’accord parfait
Pour passer du concept à la perfection sonore, Blancpain a dû repenser chaque paramètre acoustique. Le défi était double: obtenir des notes parfaitement justes et assurer un tempo d’une régularité absolue. Dans une sonnerie binaire, quelques écarts passent inaperçus; dans une mélodie, la moindre irrégularité devient dissonance.
Les timbres, réalisés en or après des mois d’expérimentations sur onze matériaux, ont été choisis pour leur pureté de résonance et leur richesse harmonique. Leur géométrie est variable, une innovation brevetée qui permet de moduler les fréquences comme un luthier ajuste la caisse de sa guitare. Chaque timbre est ensuite accordé individuellement au laser, en limant de quelques microns son extrémité jusqu’à obtenir la note parfaite.
Pour transmettre le son, les ingénieurs de Blancpain ont conçu une membrane acoustique en or, intégrée dans la lunette. D’une épaisseur de 80 microns, obtenue par croissance galvanique, elle agit comme une caisse de résonance naturelle, améliorant la diffusion du son tout en conservant l’étanchéité et l’intégrité mécanique de la montre. Un anneau souple assure la transmission optimale des basses fréquences. Il s’agit ici d’une approche radicalement nouvelle du rapport entre architecture horlogère et acoustique.
Sécurisation absolue
Une complication de cette ampleur ne tolère aucune erreur de manipulation. Blancpain a donc développé cinq systèmes de sécurité intégrés, empêchant toute activation inappropriée pendant la mise à l’heure ou le remontage. Ces dispositifs — eux aussi brevetés — garantissent la sérénité du porteur.
Deux barillets distincts assurent respectivement l’énergie du mouvement et celle de la sonnerie, offrant 96 heures de réserve de marche et 12 heures de sonnerie continue en mode grande sonnerie. Malgré la complexité du mouvement, la montre conserve des proportions tout à fait portables, pour l’avoir passée au poignet: 47 mm de diamètre pour 14,5 mm d’épaisseur.
En 1989, Blancpain était déjà pionnière en introduisant le tourbillon volant sur une montre-bracelet. Une complication que l’on retrouve évidemment sur la Grande Double Sonnerie, dont la fréquence est portée à 4 Hz, avec un spiral en silicium, l’absence de pont supérieur offrant une visibilité totale sur le ballet du régulateur. Au-delà de la performance chronométrique, le poli miroir des surfaces, la profondeur des angles et la pureté de la cage en or créent un spectacle visuel saisissant.
Calendrier perpétuel intégré
L’ajout d’un calendrier perpétuel rétrograde aurait pu compromettre la lisibilité et la structure du mouvement. Les ingénieurs du Brassus ont donc relevé un défi rarement tenté: intégrer le calendrier au cœur du mouvement, et non comme un module rapporté.
Cette architecture unique permet d’exposer la sonnerie tout en affichant les indications du quantième. Les correcteurs sous cornes brevetés, redessinés pour cette pièce, sont intégrés directement dans le mouvement et se règlent aisément du bout des doigts, sans outil.
Chaque composant de la Grande Double Sonnerie – ponts, platine, marteaux, leviers – est décoré à la main. Le mouvement en or 18 ct compte 26 ponts et présente 135 angles rentrants, un record chez Blancpain. Ces angles vifs sont polis au bois de gentiane sauvage, dans la plus pure tradition de la Vallée de Joux.
Quelque 450 heures de décoration sont nécessaires pour un seul mouvement, mobilisant 270 outils différents pour les 255 composants décorés. Le perlage de la platine, réalisé à un diamètre de 0,7 mm, demande à lui seul quatre jours de travail. Dans les stricts codes de la Haute Horlogerie, les parties invisibles sont aussi décorées, réservées à l’horloger, qui, un jour, pourrait ouvrir cette pièce pour en découvrir les trésors cachés.
Une à deux pièces par an
Malgré sa sophistication extrême, la Grande Double Sonnerie est conçue pour être portée. Testée à 5000 G comme toutes les montres Blancpain, elle répond aux standards de robustesse quotidienne. Son boîtier en or rouge ou gris abrite un calibre de 35,8 mm d’une architecture spectaculaire, dont les marteaux de sonnerie et la cage de tourbillon sont visibles sous saphir.
Chaque exemplaire est assemblé intégralement par un seul horloger qui signe à la main la plaque en or apposée sur le mouvement. Chaque pièce demande près de douze mois de travail: quatre mois de préparation et huit mois d’assemblage et de réglages, y compris les ajustements acoustiques à la lime saphir, effectués à l’oreille. Ainsi, Blancpain produira entre un et deux de ces chefs d’œuvre par an, avec un haut degré de personnalisation possible, en lien direct avec les clients.
Comme un instrument rare, la Grande Double Sonnerie trouve sa place dans un écrin façonné dans le bois des épicéas de résonance de la forêt du Risoud, dans la Vallée de Joux. Ce matériau, utilisé par les luthiers pour ses qualités acoustiques, agit ici comme une caisse de résonance naturelle, prolongeant le lien entre la montre et son territoire d’origine. L’écrin n’est ainsi pas seulement un coffret: il fait partie intégrante de l’expérience sonore.
«C’était la complication que Blancpain n’avait encore jamais réalisée. Le Graal de la haute horlogerie, conclut Marc A. Hayek. Nous ne voulions pas ajouter une complication pour la démonstration, mais créer une émotion. L’harmonie plutôt que la performance. La beauté d’un son juste.»


