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«Au fond, l’horlogerie est un prétexte…»

BILLET

mars 2020


«Au fond, l'horlogerie est un prétexte…»

Ce qui nous définit, en tant que journalistes de l’«industrie du temps», peut-il se réduire à l’analyse des nouveautés horlogères? Derrière cette activité se cache un horizon insoupçonné, à la mesure de la volonté illusoire de vouloir capturer le temps qui passe...

A

u fond, l’horlogerie, pour nous, est un prétexte. La montre pour parler de l’Homme, du Temps, du Génie, de la Vie, de la Mort: c’est cela, notre vrai sujet. C’est cela, le sujet de l’horlogerie mécanique au 21ème siècle!

La conquête du temps est une épopée formidable, illusoire, propre à la condition humaine. Les animaux, de leur côté, vivent en interaction perpétuelle avec l’instant présent, en symbiose totale avec leur environnement. L’être humain, lui, planifie, égrène, organise inlassablement toutes les secondes qui passent, dans un souci de maîtrise totale des contingences de l’espace-temps. Mais sous couvert de contrôle du temps qui passe, n’en est-il pas, au final, le plus grand des esclaves?

Comme l’écrit si bien Lakshmi Sandhana, le décompte du temps est «l’huile qui permet à la société contemporaine de fonctionner». Depuis l’époque des Lumières, fondatrice des idées dominantes de l’ère moderne, le «Grand Horloger» de Voltaire, maître du temps et organisateur des activités humaines, a supplanté les divinités éternelles dans bien des âmes. Le temps fini d’une Vie pouvait donc être découpé en tranches pour repousser le plus loin possible, le plus «scientifiquement» possible, l’effroi de la Mort éternelle.

Dans des civilisations plus traditionnelles, on se moque bien des exploits technologiques qui osent affronter le temps divin: la vie est un cycle, dont la mort fait partie, au même titre que la naissance.

En tant que journalistes spécialisés dans l’«industrie du temps», nous faisons notre pain quotidien de ces perceptions, inclinations, servitudes et libérations liées au passage d’une denrée omniprésente et imperceptible. En se plongeant à la loupe dans le monde miniature des oscillations d’une montre suisse, on s’ouvre à la précision méticuleuse d’un art «montagnard» et protestant par excellence. Dans les couloirs d’un palace, on s’émerveille des attributs d’un modèle crépitant comme un flash aux yeux des riches et puissants. Dans une rame de métro, les yeux sont rivés sur l’écran, dont la montre connectée est devenue l’appendice quotidien…

C’est tout cela, ce que nous scrutons, évaluons, mesurons, jaugeons, pour mieux en comprendre les rouages. Souvent, on nous réduit à ce que nous paraissons être, des écrivains de l’instantané. Mais réduit-on une montre à la somme de ses composants? Assemblés, ils forment la magie du temps capturé, une illusion certes, mais qu’elle est belle…

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