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Watches of Switzerland passe à l’offensive en Europe

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août 2022


Watches of Switzerland passe à l'offensive en Europe

Maître incontesté en son marché originel au Royaume-Uni, en très forte expansion aux Etats-Unis, le géant du détail horloger Watches of Switzerland s’attaque maintenant à une troisième zone géographique: l’Europe continentale. Il vient d’ouvrir une boutique Breitling à Stockholm, prémices d’une offensive majeure. «L’offre horlogère sur les marchés européens reste notoirement sous-développée», souligne son CEO Brian Duffy. Le groupe peut s’appuyer sur des résultats annuels en très forte hausse. Rencontre.

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ans notre récent dossier «Super Retail» (à retrouver ici), nous mettions en avant l’émergence de détaillants de grande taille capables de parler d’égal à égal à des marques devenues toutes puissantes et qui entendent contrôler davantage leur distribution. Le meilleur exemple de cette consolidation du secteur est certainement le groupe britannique Watches of Switzerland, qui opère désormais plus de 170 boutiques au Royaume-Uni et aux Etats-Unis et qui vient d’ouvrir son premier point de vente en Europe continentale.

Ses résultats récents reflètent l’état d’euphorie qui s’est emparé de l’industrie horlogère depuis plus d’un an. Pour son exercice fiscal qui s’est achevé le 1er mai, le géant du commerce de détail a enregistré un revenu total de 1,24 milliard de livres sterling (1,48 milliard de dollars), soit une croissance annuelle de 37% (découvrir le rapport annuel complet ici).

Brian Duffy, CEO, Watches of Switzerland
Brian Duffy, CEO, Watches of Switzerland

Une année tout simplement «extraordinaire», portée par une demande dépassant largement l’offre disponible, a commenté le CEO Brian Duffy. Employant plus de 2’400 collaborateurs, le groupe possède un portfolio particulièrement large, représentant la plupart des marques les plus recherchées sur le marché: Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Tudor, Omega, Breitling, Cartier ou encore TAG Heuer. Les activités aux Etats-Unis, qui représentent 35% de son chiffre d’affaires, ont connu une croissance particulièrement élevée, avec des ventes en hausse de 44% (+34% au Royaume-Uni, qui constitue 65% des ventes totales).

Le groupe britannique a accéléré sa présence sur de nouveaux marchés, à commencer justement par les Etats-Unis où il opère aujourd’hui 24 boutiques multimarques et 18 boutiques monomarques et a poursuivi sa politique d’acquisitions en reprenant entre autres le détaillant Betteridge.

En Europe, Watches of Switzerland devrait poursuivre une stratégie similaire avec un mélange d’acquisitions et de boutiques monomarques: ayant ouvert une première boutique Breitling en Suède en juin, il compte initier son développement continental par l’Europe du Nord. En septembre, d’autres boutiques Breitling seront inaugurées par le groupe à Stockholm et Copenhague, suivis par une boutique Omega dans la capitale danoise.

En septembre, d’autres boutiques Breitling seront inaugurées par le groupe à Stockholm et Copenhague, suivis par une boutique Omega dans la capitale danoise.

Malgré les nuages qui s’amoncellent sur l’économie mondiale (on a d’ailleurs commencé à observer la correction de cote de certains modèles prisés sur le marché secondaire), Brian Duffy se veut optimiste pour l’année à venir, tablant sur des ventes totales en 2023 situées entre 1,45 et 1,5 milliard de livres sterling, en hausse de 20%. Pour cela, il compte notamment sur l’atténuation des effets de la pandémie et la résilience de de la demande pour l’horlogerie de luxe dans un environnement complexe. Entretien.

Watches of Switzerland passe à l'offensive en Europe

Europa Star: Suite à la publication de vos résultats 2022, quels commentaires pouvez-vous nous partager sur la marche de vos affaires?

Brian Duffy: Sur l’année écoulée, le marché a continué d’être en très forte hausse, avec une demande largement supérieure à l’offre. Le chiffre d’affaires de notre groupe a augmenté de près de 40% pour atteindre 1,238 milliard de livres sterling au cours de l’exercice clos le 1er mai 2022. Cela veut aussi dire des listes d’attente toujours plus longues pour certains modèles...

Lors de notre dernier entretien en janvier justement, vous me disiez que la pénurie de modèles disponibles chez Rolex, Patek Philippe ou Audemars Piguet bénéficiait à des marques alternatives. Cet effet se poursuit-il et qui en profite le plus?

Je dirais qu’à ce stade, la situation de pénurie s’est développée à l’échelle de l’industrie! Les défis logistiques demeurent conséquents pour les marques. Outre les trois marques que vous mentionnez, nous ne pouvons pas non plus obtenir certains modèles d’Omega, Cartier, Tudor ou encore Breitling en quantité suffisante. Sur toute la gamme de prix, de Doxa avec qui nous avons lancé une édition limitée aux Etats-Unis qui s’est écoulée en quelques heures, jusqu’à MB&F, le constat est le même: la demande dépasse l’offre.

«Je dirais qu’à ce stade, la situation de pénurie s’est développée à l’échelle de l’industrie!»

Watches of Switzerland passe à l'offensive en Europe

Post-Covid, il y a eu une vraie euphorie de la demande, qui semble néanmoins commencer à s’atténuer. L’effet de rattrapage qui a suivi la pandémie et la réouverture des marchés est-il à présent complètement terminé?

Je ne dirais pas que c’est complètement terminé, car le tourisme est seulement en train de revenir - et le tourisme asiatique est loin d’être de retour. Les visiteurs restent aujourd’hui 25% moins nombreux à Londres qu’avant la pandémie, 19% en moins à New York et c’est similaire à Las Vegas. Nous avons une excellente représentation dans les deux principaux aéroports du Royaume-Uni, à à Londres Heathrow et Gatwick, qui ont connu une augmentation très significative du trafic. Mais même si c’est une évolution plus positive que ce à quoi nous nous attendions, ce trafic reste actuellement à la moitié du niveau pré-pandémique…

Pour certains économistes, une récession mondiale n’est pas une question de «si» mais de «quand». Comment vous y préparez-vous?

Le recentrage sur les clients locaux engendré par la pandémie mène à une base de clientèle plus solide, plus fiable, moins volatile. Nous comptons 98% de clients locaux dans nos activités aux Etats-Unis, en incluant certes les déplacements nationaux. D’un autre côté, le e-commerce nous permet de toucher une clientèle aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Watches of Switzerland passe à l'offensive en Europe

Votre groupe continue d’opérer des acquisitions et ouvertures de boutiques. Cette taille critique est-elle justement une stratégie afin d’obtenir de meilleures allocations pour certains modèles très recherchés?

Bien sûr. Nous avons réussi à en obtenir davantage et nous investissons dans les ouvertures et rénovations de boutiques pour notre portfolio de marques que nous souhaitons mettre en avant.

Votre première boutique en Europe continentale a été inaugurée en juin à Stockholm. Quelle est la suite?

Le potentiel est considérable et nous avons plusieurs projets dans le pipeline. Nous analysons chaque marché pour identifier les meilleures opportunités et allons opérer avec un mélange d’ouvertures de boutiques et d’acquisitions. A l’heure actuelle, aucun marché européen ne présente un taux de pénétration aussi élevé qu’au Royaume-Uni, notre marché originel. En matière d’offre horlogère, l’Europe continentale restent notoirement sous-développée. Et aucun acteur n’investit vraiment autant que nous le faisons dans ce mix entre boutiques et marketing.

«A l’heure actuelle, aucun marché européen ne présente un taux de pénétration aussi élevé qu’au Royaume-Uni.»

Watches of Switzerland passe à l'offensive en Europe

Pouvez-vous nous dire quelques mots de votre présence aux Etats-Unis?

Nous y sommes en forte croissance et pourtant, nous ne représentons au mieux que 10% de parts de marché. Comme en Europe continentale, il y a beaucoup à faire. Lorsque le taux de pénétration de l’horlogerie sera le même aux Etats-Unis et en Europe qu’au Royaume-Uni, nous aurons fait une bonne partie du chemin.

Vous êtes également actif en joaillerie. Malgré l’euphorie constatée pour l’horlogerie en 2022, les perspectives de croissance à le long terme restent-elle plus élevées dans ce segment, comme l’affirment de nombreux analystes?

Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons enregistré une croissance de 60% sur ce segment l’an dernier. Nous avons aussi ouvert une première boutique dédiée à la joaillerie sur le marché américain, qui est l’un des meilleurs au monde pour cette activité. Nous mettons à présent davantage l’accent sur la joaillerie que lors des années précédentes, car c’est un domaine à la croissance accélérée.