omme le démontre la lecture de notre épais dossier «Brick & Click» (à découvrir dans Europa Star Chapter 4/17), le retail horloger est en plein marasme. Ou plus exactement en pleine confusion car il n’est pas à un tournant mais à un croisement d’où partent mille chemins différents. Faut-il poursuivre sur la route traditionnelle au bord de laquelle sont érigés de solides bâtiments de briques, dont certains pourtant flambant neufs sont en train de tomber en ruines comme d’antiques tombeaux? Ou faut-il se dématérialiser, se transformer en ondes et se propager de click en click dans l’immense filet (net) dont on ne voit pas l’horizon, avec l’espoir de tomber sur un banc de poissons? Ou encore faut-il emprunter un de ces petits sentiers qui file en serpentant entre les hautes herbes, suivre les vents, devenir nomade, ouvrir d’éphémères boutiques, inventer de nouvelles façons de faire…?
Les marques qui s’en tirent le mieux sont celles qui ont compris qu’elles ne peuvent pas se passer de briques tout en étant fort actives dans le click.
A ce carrefour des indécis, il y a foule qui s’interroge et se tâte: ici ou là? Mais la bonne réponse à cette question lancinante n’est pas binaire. Elle est sans aucun doute plus à chercher du côté du «et» qu’à celui du «ou»! Il faut prendre ce chemin matériel et cheminer en même temps en pensée dans ces ondes immatérielles.
Dit plus directement, il faut de la brique et du click. La montre est un objet matériel – et objet de désir – qu’il faut toucher, sentir, essayer à son poignet. Il faut donc des lieux en brique pour pouvoir le faire. Et pour pouvoir comparer entre celle-ci et celle-la. Quitte ensuite à passer par des clicks pour l’obtenir. L’un ne va plus sans l’autre. Le détaillant qui se refuserait à offrir ce choix se verra condamné. Et l’opérateur confiné à son seul espace virtuel verra quant à lui bien des clients potentiels s’évaporer.
Toujours est-il que, pour l’instant, l’ensemble click-and-brick ressemble encore à une jungle. Nous sommes bel et bien à ce carrefour des indécis. De nouvelles règles sont à inventer et les marques qui s’en tirent le mieux sont celles qui ont compris qu’elles ne peuvent pas se passer de briques tout en étant fort actives dans le click. Le détaillant physique, qui dans son lieu de briques offre l’expérience matérielle, joue un rôle essentiel de prescripteur, de conseiller, de guide… et de service après-vente! (Nous consacrerons prochainement un dossier à ce «point aveugle» de l’horlogerie). Y renoncer c’est se tirer une balle dans le pied.
Nous pourrions dire la même chose de notre propre activité d’éditeurs. En lieu et place de briques, nous avons du papier. Mais nous avons aussi du «click». Nous avons la ferme conviction que sans présence virtuelle, le papier – qui assure le temps long – ne saurait survivre. Mais que sans papier, le virtuel – ce robinet qui ne cesse de couler et de s’écouler dans les siphons de l’oubli – est immanquablement condamné à la volatilité de l’instantanéité. Nous avons besoin de «breaking news», elles sont utiles à notre réactivité, mais nous avons tout aussi besoin – si nous voulons durer – de la réflexion, de l’analyse, de la mise en perspective. Et pour ces tâches, le papier – la brique – demeure imbattable pour affronter tous les vents.
Paper-and-Click, même défi que le Brick-and-Click: depuis le début de cette année, nous avons révolutionné nos éditions papier pour leur donner un écho encore plus large et pour promouvoir notre mission de lieu «intemporel» de réflexion et d’analyse au service de l’industrie horlogère internationale. Présents par ailleurs sur le web depuis plus de 20 ans (avec près d’un million de visiteurs uniques par mois) nous lançons cet automne des sites en français, anglais, chinois, russe et espagnol totalement renouvelés et consolidons fortement notre présence sur les divers réseaux sociaux.