omme un fameux personnage de bande dessinée, Nathalie Marielloni, née à La Chaux-de-Fonds en 1985, est tombée toute petite dans la marmite de l’horlogerie. Son grand-père maternel était à la tête de l’entreprise Seitz, l’une des premières à produire du saphir industriel (devenue Comadur par la suite, ndlr). Son père avait aussi une entreprise de sous-traitance de composants et de polissage pour l’horlogerie.

«Petite, je traînais souvent dans les ateliers. J’ai de nombreux souvenirs d’enfance avec mon grand-père et mon père dans ces lieux, avec cette odeur caractéristique de bois et d’huile mêlées. J’ai effectué mon premier job dans ce milieu, à polir des pièces», nous raconte-t-elle. Et d’évoquer aussi son premier «choc» horloger: «Nous habitions tout près du Musée de l’horlogerie du Locle, le Château des Monts. Je garde toujours en mémoire les oiseaux chanteurs et l’automate du 18ème siècle de la Fée Carabosse qui m’impressionnait énormément.»

Nathalie Marielloni a bien essayé de se détacher du sérail en ne faisant pas d’études techniques, en s’orientant plutôt vers l’histoire de l’art à l’université… mais l’appel de l’horlogerie l’a vite rattrapée. Pendant ses études, elle travaillait tout naturellement des thèmes liés à cette industrie, comme l’émaillage. Après sa licence, elle poursuit son cursus en conservation et restauration d’objets techniques, scientifiques et horlogers. Et finit par un travail de diplôme au Patek Philippe Museum. Elle se souvient: «Mon premier travail était un CDD après le diplôme chez Patek Philippe, comme collaboratrice scientifique. J’étais si fière.» Elle enchaîne ensuite par le Wostep.

Nathalie Marielloni, conservatrice adjointe au Musée International d’Horlogerie (MIH) à La Chaux-de-Fonds. Le musée expose plus de 4’000 pièces issues d’une impressionnante collection de 10’000 objets qui retrace l’histoire de la mesure du temps du 16ème siècle à nos jours.

Puis survient une rencontre, déterminante, avec Estelle Fallet, conservatrice du Musée d’Art et d’Histoire de Genève. C’est là que Nathalie Marielloni débute sa carrière. La conservatrice la pousse à compléter ses études par un diplôme de gemmologue délivré par le GIA (Gemological Institute of America). La vie l’emmène ensuite à Londres chez Sotheby’s, où elle reste sept ans au sein du département d’horlogerie. Elle y passe son diplôme de commissaire-priseur et prend la tête ad interim du département, au moment où la montre de poche mythique Patek Philippe Henry Graves Jr. Supercomplication passe sous le marteau.

Mais l’appel des terres natales résonne toujours fort. Elle revient en 2015 en Suisse pour travailler un an avec Stephen Forsey. Elle se met ensuite à son compte comme experte indépendante pour trouver des pièces rares pour quelques clients personnels. Puis, en 2017, le poste de conservateur du Musée International d’Horlogerie s’ouvre suite au départ de Jean-Michel Piguet. Nathalie Marielloni nous partage ce moment: «Mon ami Olivier Poncioni, ainsi que mon mari Raul Pagès, me poussaient à postuler, mais je n’y pensais même pas, tant les souliers à remplir me semblaient immenses. J’ai envoyé ma candidature le dernier jour… et m’y voici depuis sept ans.»

La Patek Philippe Henry Graves Jr. Supercomplication, la montre de poche la plus compliquée au monde à l’époque de sa fabrication, a été vendue chez Sotheby’s à Genève le 11 novembre 2014 pour 23,2 millions de francs suisses (24 millions de dollars américains).

Ses yeux se mettent à briller et elle ajoute: «J’étais comme une enfant dans un magasin de bonbons. Les collections sont tellement riches. Je n’ai pas l’impression de travailler tellement c’est beau.» Quel est son rôle aujourd’hui? «Il y a plusieurs volets: sélection des pièces, création des contenus, mise en scène, mais il faut aussi déterminer ce qu’il fait sens d’acquérir. Il faut également gérer la structure brutaliste troglodyte du musée, qui date de 1974.»

Dans un monde toujours plus technologique, où tout va de plus en plus vite, comment le musée reste-t-il pertinent ? La conservatrice adjointe offre une vision empreinte d’émotions et de sens, à son image: «L’être humain est un être sensible qui a besoin de s’émerveiller. C’est le rôle social du musée, selon moi. L’horlogerie a cette capacité à éveiller des émotions et je le vois dans cette véritable caverne d’Ali Baba qu’est le MIH. Il y a les émotions sur la technique, mais aussi sur la beauté pure des rouages, des finitions, des cadrans, des boîtiers, des émaux. Je crois sincèrement que c’est la culture et le besoin de stimulation intellectuelle et émotionnelle dont l’humanité a besoin. Je pense donc qu’il y aura toujours une reconnaissance pour une industrie qui fait la part belle au patrimoine, à l’artisanat et à la culture.»

À propos de l’Académie du GPHG

Créée en 2020, l’Académie du Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG) compte aujourd’hui plus de 1’000 membres, des hommes et des femmes accomplis qui croient en la destinée commune de la communauté horlogère. Acteurs expérimentés et importants des principaux secteurs liés à l’industrie horlogère, les membres de l’Académie participent aux différentes étapes du GPHG en proposant des candidats, puis en sélectionnant les lauréats aux côtés du Jury.