Joaillerie et horlogerie


Aso Leon, l’infinie légèreté du titane

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septembre 2023


Aso Leon, l'infinie légèreté du titane

Le joaillier chinois Aso Leon a fait sa première apparition en Europe lors du dernier salon GemGenève, en mars dernier. L’occasion de découvrir ses bijoux de titane qui s’inspirent d’une nature enchanteresse.

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ous avons découvert Aso Leon en mars dernier, lors du salon GemGenève. Il exposait ses bijoux au cœur de l’espace dédié aux talents émergents, bien que le mot «émergent», dans son cas, ne soit pas tout à fait approprié. Il a commencé sa carrière en 1995 et cela fait donc 28 ans qu’Aso Leon crée des bijoux.

Après avoir passé 20 ans dans la manufacture OEM, à Panyu, où il a appris son métier, il est désormais installé comme joaillier indépendant. Il est connu et reconnu en Chine, notamment pour ses bijoux en titane, matière qu’il travaille en expert depuis 2005, mais jusqu’à ce jour, nul n’avait entendu parler de lui hors des frontières de son pays. La raison? Il ne parle que le chinois et jusqu’en mars dernier, il n’avait jamais quitté la Chine.

Découvrir ses bijoux, c’est comme tomber sur un trésor qui aurait été caché pendant des décennies. Il n’a pas fait d’études académiques. Il souhaitait devenir artiste et il s’est vite rendu compte que son langage artistique était les bijoux: il aime communiquer avec les pierres, les matières.

Parce que le titane est une matière difficile à travailler, Aso Leon s’est livré à de multiples expérimentations, utilisant la technique de l’électrolyse pour obtenir ses couleurs et réussissant à obtenir une matière avec des reflets changeants. «Avec le titane, on peut choisir ses couleurs, contrairement à l’or ou l’argent. J’aime observer l’ombre et le reflet des pièces, dit-il. Vous pouvez ressentir l’incroyable puissance de ce design.»

«Lorsque nous décidons de fabriquer quelque chose, le titane ne veut pas prendre la forme que l’on souhaite: on ne peut pas le couler dans un moule comme on le fait avec l’or. Il faut donc le découper et le diviser en plusieurs parties et après les assembler», explique-t-il. Au fil de ses recherches, Aso Leon a développé une méthode de travail unique et ses bijoux sont des mini-sculptures.

Aso Leon, l'infinie légèreté du titane

Le joaillier coupe lui-même les aigue-marines et toutes ses gemmes avec la liberté que lui confère son statut d’indépendant, libre de tous les diktats: ses pierres sont très plates, fines comme de la glace. Il a une technique toute particulière de sertissage: cela ressemble à la fois à un serti clôt et à la technique du plique-à-jour en émail. Il nous apprend qu’il a inventé cette méthode: il sertit la pierre à la main, dans un petit cercle de titane, puis il assemble tous les éléments en leur donnant une forme. C’est un travail qui demande à la fois du savoir-faire et beaucoup de patience: il lui a fallu huit mois pour terminer un papillon. Le résultat, de toute beauté, ressemble à une texture organique.

Aso Leon, l'infinie légèreté du titane

Ses créations sont d’une infinie légèreté. Le joaillier aime s’inspirer de la nature, non pas pour la retranscrire mais pour en faire une interprétation poétique. La peinture traditionnelle chinoise, aussi, l’inspire. «Nous essayons de développer des pièces au-delà des anciens chefs-d’œuvre. Les pierres sont utilisées presque comme de la peinture», explique-t-il. Aso Leon est conscient que la perfection n’est pas de ce monde et a fait sien ce dicton: «La nature a ses voies suprêmes qui dépassent le sens humain.»

Aso Leon, l'infinie légèreté du titane

Sa manière de rendre la beauté des choses qui l’entourent à travers ses bijoux relève de sa propre perception: Il ne décrit pas uniquement ce qu’il voit, mais ce qu’il ressent. Son bijou en forme de papillon est à la fois un papillon et l’idée qu’il s’en fait. La pièce est à mi-chemin entre une créature aux ailes magiques et un nénuphar. Et cette manière d’appréhender les choses rend ses bijoux uniques. «A travers mes bijoux j’aimerais transmettre un peu de la philosophie Zen. De nos jours, on fait les choses de manière très rapide: je souhaite inviter les gens à se poser, à ralentir leur rythme, à ressentir la nature, à laisser les mémoires affleurer. Je veux utiliser mes bijoux pour expliquer la magie de la nature.»

Aso Leon, l'infinie légèreté du titane

Quand on lui demande comment il explique l’extrême vitalité et la créativité des bijoutiers asiatiques aujourd’hui, il répond: «Je pense que depuis 50 ans, les créateurs de bijoux en Asie apprennent à raconter des histoires, qui ont progressivement été découvertes dans le monde entier. C’est pourquoi nous avons assisté ces dernières années à l’émergence de créateurs et de marques asiatiques. Et j’ai l’impression que la Chine est de plus en plus fière des créateurs et des joailliers chinois. En outre, la clientèle s’est également développée. Ma génération a grandi pendant la période de la politique d’ouverture de la Chine. C’est pourquoi j’ai eu la chance d’étudier et de travailler dans l’industrie manufacturière du Guangdong et de Hong Kong, où j’ai acquis toutes les compétences nécessaires. Les gens achetaient des bijoux commerciaux, aujourd’hui, les clients s’intéressent aux pièces de collection uniques de marques de créateurs.»

En effet, lorsque l’on est collectionneur et que l’on possède déjà des pièces importantes portant la signature de grandes marques de la joaillerie, il est fascinant d’avoir le sentiment de découvrir de nouvelles signatures, à l’instar de ce qui se fait dans le domaine de l’art contemporain. Et d’enrichir sa collection de pièces à l’esthétique unique, sorties de l’atelier d’un indépendant qui n’a pas peur de bouleverser les codes de cet art séculaire.

Aso Leon, l'infinie légèreté du titane