La transformation numérique de l’horlogerie


Web3: opportunité ou illusion?

ÉDITORIAL

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janvier 2023


Web3: opportunité ou illusion?

Un monde à la fois prometteur et inquiétant de dystopie, selon la personne à laquelle vous vous adressez.

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e Web3, ce nouvel internet que l’on nous annonce immersif et décentralisé, recouvre un nombre de réalités (et/ou «virtualités») si variées qu’il est difficile de leur trouver un point commun, y compris en horlogerie: elles vont du «simple» remplacement de la carte de garantie physique par une identité traçable dans la blockchain (voire la reconnaissance biométrique de la montre elle-même), jusqu’à la création d’avatars et leurs accessoires (y compris des montres), dans un metaverse, un monde virtuel où l’on peut jouer, interagir, commercer – bref s’établir ad vitam eternam, comme en rêve un Mark Zuckerberg qui a rebaptisé sa société Meta. Un monde à la fois prometteur et inquiétant de dystopie, selon la personne à laquelle vous vous adressez.

Si la traçabilité des montres semble bien constituer une valeur ajoutée, notamment devant un marché secondaire en plein essor, une montre virtuelle évoque, aux yeux de beaucoup, la négation même de ce qu’est l’art horloger, qui a connu une formidable renaissance ces trente dernières années grâce justement à la revalorisation de l’artisanat et du fait main. N’est-ce pas se tirer une balle (non virtuelle) dans le pied?

Si la traçabilité des montres semble bien constituer une valeur ajoutée, notamment devant un marché secondaire en plein essor, une montre virtuelle évoque, aux yeux de beaucoup, la négation même de ce qu’est l’art horloger.

Web3: opportunité ou illusion?

Les tenants du metaverse répondront qu’il s’agit d’un moyen d’initier virtuellement à la passion horlogère, en attendant qu’elle se concrétise physiquement. Un discours d’ailleurs similaire à celui entendu lors de l’émergence de la montre connectée, vue comme un marche-pied vers la «belle horlogerie», pour les plus optimistes. Un marche-pied qui semble bien avoir marché sur le pied de l’horlogerie la plus accessible, cependant...

En fait, on peut observer que ces deux univers, le virtuel et le «hard luxury», se nourrissent l’un l’autre par leur contradiction même. L’essor de la montre connectée, peut-être par effet contraste, semble avoir renforcé l’attrait de la montre patrimoniale. Abdiquer du monde physique? Trop de virtuel peut aussi signifier une «contre-révolution»: en ce sens, la véritable overdose virtuelle qu’entraînerait le metaverse pourrait valoriser encore davantage le patient exercice de précision bien tangible qu’est l’horlogerie.

Pour l’instant, l’envolée (puis le crash) des cryptomonnaies et des NFT a surtout été un grand exercice de spéculation, voire d’arnaques en tout genre, qui pourrait faire douter nombre d’horlogers, reposant avant tout pour leur croissance sur leur image de marque. En même temps, le FOMO (Fear of Missing Out) est fort et les «pionniers» se multiplient. Comme souvent, il s’agit de distinguer le vrai potentiel de l’effet hype: «Le rêve des cryptos n’est pas mort. Espérons que les illusions le soient», écrivait récemment l’investisseur Danny Rimer dans Fortune.

A n’en pas douter, pour en revenir au metaverse, cette réalité immergée «totale», visuelle et sonore, brouille les cartes et les sens. Expérience étrange que se barricader les yeux en se casquant pour «mieux» voir. Comme on se couvre les oreilles pour mieux entendre. Il y a quelque chose de frappant dans cet être casqué: est-il isolé ou augmenté? Le metaverse constitue peut-être l’ultime aventure prométhéenne de l’homme pour se détacher de sa pauvre condition terrestre. Attention cependant à ne pas l’enfermer encore plus dans ses névroses...

En fait, on peut observer que ces deux univers, le virtuel et le «hard luxu- ry», se nourrissent l’un l’autre par leur contradiction même.