ans les années 1920, la maison de joaillerie Gengenbach est fondée à Pforzheim, au cœur du terroir horloger du sud de l’Allemagne. Cette société a toujours eu en tête de créer également ses propres montres. Pour cela, elle se tourne vers un créateur de bijoux suisse, Jean Marcel, et lui demande s’il est prêt à donner son nom à une nouvelle collection de montres.
La première collection sous le nom de Jean Marcel, principalement en or, voit le jour en 1981. C’est à cette époque que Jürgen Kuhn, fort de son expérience avec plusieurs marques horlogères, rejoint la société Gengenbach pour cofonder cette nouvelle marque de montres.
Marcel Kuhn, son fils, qui a récemment été nommé CEO de la marque, revient sur cette époque: «Mon père a été engagé pour être responsable du développement de la marque Jean Marcel. Sa première action a été de faire venir son père, Horst Kuhn, qui était maître horloger, pour superviser la production et le service après-vente. Cela perpétuait la tradition horlogère familiale, puisque mon arrière-grand-père était également horloger. Mais désormais, nous avions notre propre marque.»
- Le modèle calendrier ultra-fin et ultra-précis Optimum
On était alors, dans les années 1980, en pleine crise du quartz, Mais Jean Marcel ne se repose pas uniquement sur cette technologie. «Nous avons utilisé beaucoup de mouvements différents, principalement des calibres mécaniques ETA, certains Soprod et également Jaquet de La Chaux-de-Fonds, poursuit Marcel Kuhn. Nous avons utilisé des boîtiers en or, mais aussi en laiton. Nous nous sommes vraiment concentrés sur le design des montres, qui étaient très proches de la joaillerie et toujours très fines. Cette caractéristique est rapidement devenue notre marque de fabrique.»
- Présentation de Jean Marcel dans Europa Star en 1993. La société vient de connaître une transmission générationnelle.
- ©Archives Europa Star
La rencontre avec Vincent Calabrese, un moment-clé
La vision de la famille Kuhn était claire, nette et sans détours, dans une période de grande incertitude pour l’industrie horlogère: produire des montres au design intemporel, dotées de mouvements suisses de qualité, à des prix abordables. «Mais le quartz n’était pas notre priorité. Au contraire, comme nous voulions mettre l’accent sur la qualité, nous avons abandonné les boîtiers de moindre qualité, comme le laiton, et commencé à utiliser des matériaux plus raffinés. En 2000, nous produisions 80% de montres mécaniques», explique Marcel Kuhn.
«L’un des moments-clés pour la marque a été notre collaboration avec Vincent Calabrese, précise-t-il. Mon père l’avait rencontré au milieu des années 1990 et ils se sont bien entendus. Nous avons lancé la collection Mystery, une ligne automatique sans aiguilles, en 1997. A cette époque, la montre a été présentée au Musée de l’horlogerie de La Chaux-de-Fonds.»
- Le modèle Mystery conçu en partenariat avec le maître horloger Vincent Calabrese a été clé dans l’histoire de la marque.
- ©Archives Europa Star
C’est le début du développement international de la marque: «Jean Marcel a alors gagné en visibilité et en reconnaissance avec cette collection. Notre marque a pu s’ouvrir sur des marchés internationaux comme les Etats-Unis, l’Asie et le Moyen-Orient. Nous avons bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle qui a placé Jean Marcel sur la carte horlogère.»
Adoption précoce du e-commerce
Une autre étape importante a été franchie lorsque Marcel Kuhn a rejoint l’entreprise de son père en 2005. À cette époque, la décision est prise de modifier la distribution de Jean Marcel en Allemagne. Il se souvient: «Nous avons décidé d’abandonner le modèle de partenariats traditionnels que nous avions adopté auparavant pour commencer à livrer directement et à utiliser le e-commerce. C’était très innovant pour l’époque, car la vente en ligne commençait tout juste à se développer.»
- Le style intemporel de Jean Marcel (archive Europa Star de 1995)
- ©Archives Europa Star
Outre la création de ses propres collections, qu’est-ce qui permet à Jean Marcel de se démarquer sur le marché allemand, qui représente 60% de ses ventes? «Nous avons investi dès le départ dans nos processus de qualité et dans la précision de nos montres. Le fait que nous n’utilisions que des mouvements ETA est également très important pour nos clients. La fiabilité et la précision sont fortement reconnues.» Pourtant, ETA avait annoncé ne plus livrer de mouvements à des tiers... «Nous avons de très bonnes relations avec eux depuis nos débuts,» glisse le CEO. Mais nous n’en saurons pas plus!
- Marcel Kuhn
Selon lui, il existe d’autres facteurs-clés bénéficiant à la marque, qui vend environ 3’000 montres par an: «Parmi ceux-ci, il faut mentionner nos designs intemporels, notre finesse, notre excellent rapport qualité/prix et notre esprit d’innovation. Nous avons déposé 6 brevets pour nos calendriers et travaillons actuellement sur un septème brevet. Nos clients sont très attachés à nos calendriers.»
- Jürgen Kuhn
Les prochains objectifs de Jean Marcel sont quant à eux bien identifiés: «Nous allons développer notre distribution en Asie. Notre présence à Time to Watches à Genève cette année a généré des pistes et une visibilité très intéressantes. Nous lancerons en fin d’année une nouvelle collection automatique ultra-fine, basée sur des mouvements ETA 2892 TOP. Nous poursuivrons notre quête de précision avec une nouvelle collection qui sera plus stricte que les critères COSC. Nos prix seront légèrement plus élevés mais resteront très compétitifs entre 1’000 et 3’000 euros.»
La nouvelle génération à la tête de la société n’entend ainsi pas dévier d’un iota de la vision initiale, déconcertante de simplicité: offrir des montres intemporelles, fines et innovantes au meilleur prix. Le plus difficile reste souvent de s’en tenir aux recettes les plus simples, surtout dans une ère obsédée par le changement!