Le marché horloger chinois


Mode chinoise: briser la malédiction?

ANALYSIS

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novembre 2019


Mode chinoise: briser la malédiction?

De grands noms du luxe ont déjà essayé de lancer des avatars chinois et s’y sont cassé les dents, tant l’obstacle est grand. Assumant le label Made in China, la startup Atelier Wen tente à son tour de promouvoir la culture chinoise à travers l’horlogerie et le lifestyle.

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lusieurs maisons globales du luxe, entendant capitaliser sur l’influence croissante de la culture chinoise, ont lancé des marques dédiées à ce marché géant. L’un des meilleurs exemples est Shanghai Tang, une firme de mode acquise en 1998 par Richemont et qui affichait de grandes ambitions. Mais ses créations se sont révélées être achetées essentiellement par les touristes occidentaux et non par les Chinois eux-mêmes. Las, le groupe de luxe a revendu l’enseigne il y a deux ans.

De son côté, Hermès a lancé sa marque chinoise Shang Xia en 2008, avec des ambitions plus mesurées et un peu plus de succès. Mais chaque fois, c’est le même obstacle: les Chinois eux-mêmes ne sont pas franchement adeptes du Made in China. Et surtout pas lorsque ce sont des marques étrangères qui prétendent «incarner» la culture chinoise…

Robin Tallendier et Wilfried Buiron, les deux jeunes cofondateurs français de la marque Atelier Wen basée à Hong Kong, veulent briser cette «malédiction» sur l’axe de Paris-Shanghai – la capitale de la mode et la capitale de la consommation. «A l’inverse des essais qui ont été réalisés jusqu’à présent, qui visait une clientèle plus aisée et plus âgée, notre cible est celle des millenials, qui a émergé beaucoup plus récemment», plaide Robin Tallendier.

Design chinois moderne

Les deux entrepreneurs se sont rencontrés sur les bancs de la Warwick Business School et se sont vite trouvés des atomes crochus autour de leur passion commune pour la Chine. A la suite d’un échange à l’université de Pékin, Robin Tallendier poursuit une mission au sein de la Horological Association of China, qui lui permet de découvrir le monde des mouvements horlogers chinois et de se constituer un bon carnet d’adresses de fournisseurs, essentiels au lancement d’Atelier Wen. De son côté, Wilfried Buiron repère des designers talentueux à Pékin. Technique et esthétique, les fondements sont posés.

Comme beaucoup de startups horlogères, Atelier Wen commence par la séance devenue presque incontournable de crowdfunding à l’automne 2018. Pour 12’000 francs investis afin de déposer le projet auprès des communautés Kickstarter et Indiegogo, la startup récolte 120’000 francs en dons. «Cela a été le moment déterminant, car cette levée de fonds nous a convaincus de poursuivre l’aventure, alors que nous avions des possibilités d’emplois intéressantes chacun de notre côté», relate Robin Tallendier. Fin 2018, la société prend ses quartiers à Hong Kong.

On retrouve en fait un design très franco-suisse aux origines de l’horlogerie chinoise!

L’objectif de la marque consiste à produire un «design chinois moderne», à l’inverse d’une simple imagerie sinisante apposée sur des objets contemporains. Les deux entrepreneurs se sont posés la question suivante: si l’on revenait à la première montre chinoise moderne, qu’est-ce que cela donnerait? Robin Tallendier précise: «La production en série de montres-bracelets en Chine a démarré 1955 par l’ancêtre de Sea-Gull qui s’est inspiré de la marque… Enicar. Donc on retrouve en fait un design très franco-suisse aux origines de l’horlogerie chinoise!»

Réseau de fournisseurs locaux

A partir de cette première inspiration, la marque a adapté certains éléments: le cadran (blanc ou bleu) est en porcelaine et les motifs qui y sont reproduits s’inspirent de systèmes traditionnels de mesure du temps chinois et de symboles taoïstes. Au dos des montres, on retrouve une gravure du dragon légendaire Kunpenf qui a aussi inspiré le logo de la marque. Le mouvement mécanique de cette première série baptisée «Porcelain Odyssey», comme la plupart des composants, est chinois: il est fourni par Dandong Peacock Watch Factory.

Les modèles d’Atelier Wen sont proposés à moins de 1’000 francs. Soit plus cher que la moyenne des marques Kickstarter et moins cher que les marques qui ont déjà tenté l’aventure de la mode chinoise. Un «entre-deux» pour millenials que les entrepreneurs espèrent bien calibré.

Porcelain Odyssey combine des éléments du design et de l'artisanat chinois, tels que des cadrans en porcelaine dans le style de la céramique traditionnelle chinoise. Il utilise un mouvement produit par la fabrique de montres Dandong Peacock, la SL-3006, ajustée sur cinq positions et avec une variation quotidienne ne dépassant pas +/- 10 secondes.
Porcelain Odyssey combine des éléments du design et de l’artisanat chinois, tels que des cadrans en porcelaine dans le style de la céramique traditionnelle chinoise. Il utilise un mouvement produit par la fabrique de montres Dandong Peacock, la SL-3006, ajustée sur cinq positions et avec une variation quotidienne ne dépassant pas +/- 10 secondes.

La marque se veut du reste plus «lifestyle» que purement horlogère. Atelier Wen a commencé son aventure dans la montre, mais entend s’étendre aux bijoux, aux accessoires et la mode: «Notre ambition à terme est que 50% du revenu soit généré en Chine et 50% dans le reste du monde», souligne le cofondateur. Pour devenir, ni plus ni moins, la première marque lifestyle globale d’inspiration chinoise à succès. Mais les Chinois eux-mêmes seront les premiers à convaincre!