l y a 126 ans, en 1918, un certain Kamekichi Yamazaki, alors à la tête d’une entreprise de négoce de matériaux métalliques destinés à l’horlogerie et Secrétaire général de la Tokyo Commercial and Industrial Timepiece Cooperative, fonda le Shokosha Watch Research Institute. Au retour d’un long voyage en Suisse et aux Etats-Unis, il est habité d’un fort désir: développer au Japon une industrie horlogère nationale autonome capable de manufacturer intégralement des montres Made in Japan.
L’Institut commença par assembler des composants d’origine suisse puis parvint à importer des machines-outils afin de produire ses propres composants. Une école d’horlogerie fut même créée pour parfaire l’éducation technique de ses propres ingénieurs, tant et si bien que six ans plus tard, en 1924, l’Institut Shokosha sortit sa première montre de poche réalisée en interne. Quel nom allait-on lui donner? Un ami de Kamakichi Yamazaki, le comte Shinpei Goto, par ailleurs maire de la ville de Tokyo, proposa qu’on la nommât tout simplement «Citizen». Et six ans encore plus tard, la montre de poche Citizen, forte de son succès, donna son nom à la nouvelle Citizen Watch Co., Ltd.
- 100e anniversaire de la première montre Citizen Édition spéciale limitée Montre de poche Boîtier de 43,5 mm / 13,4 mm en alliage de titane. Résistant à l’eau. Fond transparent (double verre saphir sphérique).
Aujourd’hui, pour célébrer ses 100 ans d’existence, Citizen réédite sa montre inaugurale. Mais plutôt que de simplement répliquer le passé, Citizen a choisi de «réinventer» sa première montre de poche. Better Starts Now, comme le dit son slogan.
Produite en une série limitée de 100 pièces, la «100th Anniversary of the first Citizen Watch» se veut exemplaire des acquis obtenus par la marque au cours de son siècle d’existence. Tant du point de vue esthétique – avec son subtil cadran évocateur d’un tapis de flocons de neige, réalisé par électroformage, vernis transparent et polissage – que du point de vue de l’architecture de son mouvement à remontage manuel, magnifiquement terminé, poli, anglé, et de sa précision chronométrique de -3/+5 secondes par jour, avec un échappement réalisé en LIGA. Son boîtier, poli miroir, est en titane, un matériau que Citizen fut une des premières manufactures à employer.
Expansion
Aujourd’hui, 100 ans après ses débuts, Citizen est devenue un vaste groupe fortement intégré qui emploie plus de 15’000 collaborateurs, dont les actifs pèsent plus de 2,5 milliards de francs suisses (389 milliards de yens, chiffre de 2023) et qui produit montres, mouvements, machines-outils, appareils et produits électroniques tels imprimantes, équipements de soins de santé, calculatrices – fabriqués dans des usines installées au Japon, en Chine, en Thaïlande… voire en Suisse.
Dans cet ensemble, l’horlogerie représente en gros la moitié du chiffre d’affaires du groupe. Et, à l’intérieur de ce secteur, la ligne solaire désormais nommée Eco-Drive, née en 1976 avec la première montre quartz analogue «solaire» au monde, représente environ 80% du chiffre d’affaires.
Yoshitaka Oji, managing director of Citizen Watches Division, détaille pour Europa Star les dernières avancées dans cette technologie dont Citizen est un leader incontestable:
«En tant que pionnier, la force de Citizen réside dans la faible consommation d’énergie et les technologies d’usinage de précision qu’elle a améliorées au fil des ans. Cela a permis à l’entreprise d’atteindre une précision et une fonctionnalité élevées dans les montres Eco-Drive. Au fil des ans, les modèles Eco-Drive équipés de fonctions avancées telles que l’altimètre, le profondimètre, la radiocommande et les montres GPS Satellite Wave ont été créés. En 2019, Citizen a lancé une montre avec la plus grande précision au monde de ±1 seconde par an, et en 2023, un produit équipé du calibre E365, qui fonctionne 365 jours par an, même dans l’obscurité, une fois qu’il est complètement chargé.»
«L’entreprise répond également aux besoins diversifiés des clients à la recherche d’une technologie respectueuse de l’environnement.»
- La Citizen Iconic Nature Collection, ref AQ4100-22W, avec mouvement Eco-Drive, 300 pièces dans le monde. Le papier Tosa Washi du cadran est un type de papier washi ultrafin dont la texture distinctive permet à la lumière de passer à travers. Mouvement Eco-Drive avec une précision annuelle de ± 5 secondes, éliminant la nécessité de changer régulièrement les piles. Tous les modèles The Citizen à haute précision annuelle sont également dotés d’un calendrier perpétuel qui ajuste automatiquement la fin de chaque mois, y compris lors des années bissextiles, jusqu’au 28 février 2100.
«Outre les améliorations apportées à la technologie d’économie d’énergie, le design des montres Eco-Drive a également été amélioré : par l’utilisation de matériaux pour les cadrans à faible transmission lumineuse, tels que la nacre blanche ou la céramique, et par la réalisation de cadrans à l’aspect brillant similaire à celui des cadrans métalliques. Ces dernières années, les modèles dont les cadrans structurés s’inspirent du «Tosa Washi» (papier japonais), un artisanat japonais traditionnel, sont également devenus populaires. L’entreprise peut se targuer d’offrir un large éventail de variations en termes de fonctionnalité et de design.»
Les Promaster
Une autre ligne très importante de Citizen est la collection Promaster, née sous ce nom en 1989, et qui fête donc ses 35 ans cette année. Cette lignée de montres de sport de niveau professionnel représente l’aboutissement des recherches en tous genres menées par Citizen au fil de ses décennies précédentes de développement.
Recherches sur les chocs, avec l’introduction en 1956 du Parashok, venu équiper la première montre japonaise anti-chocs (protection confirmée par un célèbre lâcher de montres par hélicoptère, d’une hauteur de 30 mètres). Recherches sur l’étanchéité qui aboutirent, en 1959, à la présentation de la Parawater, «Japan’s first fully waterproof watch». Recherches en matériaux avec en 1970, la sortie de la première montre au monde avec boîtier titane à 99,6%, la X8 Chronometer.
- Citizen Promaster Mechanical GMT 35th anniversary
La série des Promaster Land, Sea, Air va ensuite décliner toutes sortes de fonctions particulières, adaptées à l’eau, à l’altitude, avec profondimètre, altimètre, compteur de régates, pression atmosphérique avec senseur électronique, world time analogue et digital… la liste est longue comme le bras.
En 2003, Citizen sort la Promaster Eco-Drive radio controlled. Un exemple qui montre comment Citizen entend utiliser et croiser ses avancées dans des domaines différents, comme associer la technologie Eco-Drive à une montre sportive ultra robuste. Car Citizen ne fractionne pas ses collections, que ce soit la classique The Citizen, les Series 8, la Promaster ou encore la Tsuyosa collection, en termes de types de mouvements – Eco-Drive ou mécanique – mais ceux-ci coexistent à l’intérieur de chaque ligne, comme le démontre l’exemple des deux Promaster sorties simultanément ce printemps 2024, à l’occasion des 35 ans de la ligne.
- Citizen Promaster Eco-Drive combination watch
L’une, dans la série des Promaster Sky, est la première de sa famille à être équipée d’un mouvement mécanique propriétaire à fonction GMT, tandis que l’autre, à énergie solaire Eco-Drive, équipée du nouveau mouvement Cal. 0822, est ce que Citizen appelle une «combination watch» qui inclut haute résolution des displays, alarmes multiples pour différentes heures et différents jours, niveau d’énergie.
Une stratégie qui permet de toucher, à l’intérieur de chaque catégorie de montres, une clientèle diverse, aux goûts, aspirations et moyens variés.
Renforcement de la part mécanique
En 1959, Citizen a créé une manufacture à Miyota, non loin de Nagano, pour y produire des mouvements destinés au départ à sa propre intention. Mais ce n’est qu’en 1980 que la marque «Miyota» elle-même sera lancée dans l’intention de fournir en mouvements toute l’industrie horlogère, au niveau international et sans exclusivité, y compris auprès de marques directement concurrentes de Citizen.
Au départ, il s’agit essentiellement de fournir des mouvements quartz. La famille des mouvements mécaniques automatiques 8, un increvable et robuste tracteur automatique de 11 1/2’’’, verra le jour au mitan des années 1990, notamment avec l’emblématique calibre de base 8215 qui deviendra un des plus grands standards mécaniques de l’entrée et du moyen de gamme international.
Graduellement, cette famille mécanique est montée en gamme, avec notamment une réserve de marche poussée à 60 heures, avec décoration soignée, vis bleuies (cal. 8315); date et jour de la semaine (cal. 8205); petite seconde (cal. 8217); open heart (la ligne des cal.82S); voire la ligne des cal. 8N intégralement squelettés.
- Mouvement à remontage manuel de haute précision Cal. 0270, développé spécialement pour la montre de poche du 100e anniversaire. Le balancier à suspension libre offre une grande précision de -3 à +5 secondes par jour. Équipé d’une fonction Stop Second.
En 2021, Miyota a lancé un de ses calibres les plus avancés, le calibre 9075, un «Automatic True GMT». 28’800 alt/h, 42 heures de réserve de marche, ses concepteurs le nomment «True GMT» car il permet d’ajuster simplement l’heure locale à l’aide de la couronne de remontoir sans arrêter la montre ou affecter l’aiguille 24 heures. (A propos de Miyota, lire notre article «From movement maker to brand name» dans Europa Star 4/5 2023)
Tout ceci pour démontrer que Citizen a une très solide et longue expérience en montres mécaniques et qu’avec le regain généralisé de l’intérêt envers elles, la marque renforce graduellement la part mécanique de son offre.
- Série 8 / 890. Édition limitée mécanique. Un nouveau modèle en édition limitée avec un cadran rose cuivré inspiré des nuages de fleurs de cerisiers (un phénomène créé par des groupes de cerisiers en fleurs qui semblent se transformer en nuages roses duveteux lorsqu’ils sont en pleine floraison). Cal.9051. Remontage automatique et manuel. 28 800 A/h. Réserve de marche de 42 heures. Etanche à 20 atm.
Cette montée en gamme est particulièrement démontrée avec le Calibre 0200, lancé en 2021, développé en collaboration avec la manufacture suisse de haut de gamme La Joux-Perret, que Citizen a acquise en 2012. Il s’agit d’un mouvement automatique ou manuel à balancier libre et réglage par masselottes, avec échappement en LIGA qui lui assure une très bonne précision chronométrique. L’apport de La Joux-Perret porte aussi sur l’architecture très élégante du mouvement et la finesse des finitions et décorations.
«Un effet de synergie exemplaire émerge des divers échanges technologiques et projets de collaboration avec La Joux-Perret. Cela a permis d’affiner notre expertise et nos compétences dans les aspects esthétiques exigés par les mouvements de haute qualité. Cette expertise et cette technologie ont également été appliquées à notre nouveau mouvement mécanique développé en interne, le Cal.0200 pour le modèle mécanique The Citizen qui a été lancé en 2021, marquant le premier développement en 11 ans depuis 2010», nous explique Yoshitaka Oji.
- Tsuyosa Small Second Series «Fusionnant un style vintage avec des éléments de design modernes, le look de ces nouvelles montres Tsuyosa attirera l’attention avec le cadran de petite seconde inséré tout en créant un intérêt et une variété accrus pour les offres automatiques de Citizen», déclare la marque. Mouvement automatique manufacturé Cal.8322, cadence de 21 600 A/h, mécanisme de stop seconde, réserve de marche de 60 heures.
Mais l’effort de Citizen porte aussi sur une sensibilité encore accrue quant à la qualité et à l’originalité de ses cadrans. Une sensibilité déjà largement démontrée dans les lignes Eco-Drive et qui devient – comme pour bien d’autres marques – une priorité.
«Bien entendu, la beauté du cadran de la montre est un facteur important de différenciation. Citizen s’efforce en permanence d’améliorer l’esthétique des cadrans des montres Eco-Drive, ce qui est l’un de nos points forts. Nous nous mettons constamment au défi d’intégrer des éléments de design et des considérations sociales, comme l’utilisation de cadrans en papier japonais traditionnel washi, de cadrans aux couleurs structurelles et de matériaux respectueux de l’environnement", poursuit le directeur général de la division horlogère.»
Une stratégie d’expansion multi-marques
En janvier 2018, nous analysions dans nos colonnes la stratégie de développement de Citizen, qui visait à faire croître l’image et les ventes de la marque Citizen en participant au segment premium du marché horloger. Toshio Tokura, à l’époque President & CEO de Citizen Holdings Co, avouait en toute franchise que la technologie de Citizen dans la mécanique «était assez en retard car nous avions arrêté de la développer en faveur du quartz. Nous avons un gros travail de rattrapage à mener. Et nous pouvons apprendre beaucoup des Suisses.»
- Arnold & Son. Europa Star 2019
En 2008, Citizen avait racheté Bulova afin de se donner une position dominante sur le moyen de gamme aux Etats-Unis. Bulova proposait une collection de montres mécaniques Swiss made et lorsque ETA, le principal motoriste de Suisse, a annoncé son intention de restreindre ses livraisons de calibres mécaniques aux tiers, Citizen s’est inquiétée de la sécurisation de son approvisionnement en mouvements pour Bulova et a commencé à s’intéresser au rachat d’un motoriste suisse. Le rachat de La Joux-Perret a également donné à Citizen l’opportunité de revitaliser sa propre production mécanique. Avec ce rachat venait aussi une marque de haut de gamme, Arnold & Son.
- Bulova Accutron. Europa Star 2020
Etape suivante, le rachat d’une marque suisse «permettant de s’ancrer réellement sur le marché premium». Frederique Constant s’inscrit dans cette optique. Fondée en 1988, la marque est un leader dans le «luxe accessible», avec un cœur de gamme situé entre 1’000 et 5’000 dollars pour Frederique Constant et Alpina, et quelques modèles dépassant les 10’000 dollars. Frederique Constant dispose par ailleurs de compétences significatives dans la production de montres mécanique et la société développe, manufacture et assemble ses propres calibres.
- Frederique Constant. Europa Star 2023
Le but avoué semble être atteint: profiter de l’expertise mécanique des nouvelles filiales suisses de Citizen pour augmenter les technologies maison du groupe, transformer Citizen en un groupe horloger global et multi-marques, avec une présence sur tous les segments de prix tout en augmentant parallèlement la valeur perçue de Citizen en mettant l’accent tant sur le design que sur des technologies quartz avancées et des performances mécaniques améliorées.
En décembre 2023, après Tokyo et Osaka, Citizen a ouvert le «Citizen Flagship Store New York», premier magasin à présenter une des collections les plus importantes au monde de l’ensemble des produits des marques du groupe.
Il faut dire que le Japon et l’Amérique du Nord représentent à eux seuls plus de la moitié des ventes de la marque. Mais en ligne de mire, outre l’Asie, il y a l’Europe où, selon les mots de Yoshitaka Oji, Citizen entend acquérir de nouvelles parts de marché en «renforçant notre image et notre présence dans des segments qui vont au-delà de notre expertise traditionnelle». Un carnet de route pour les 100 prochaines années.