Les Mystères du Temps


L’heure d’été vacille mais ne disparaît pas

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avril 2024


L'heure d'été vacille mais ne disparaît pas

La côte ouest du continent européen vit décalée avec l’heure solaire. Des voix proposent comme solution de recréer les quatre fuseaux horaires d’antan et d’abroger l’heure d’été. Mais est-ce vraiment bénéfique à la santé?

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aut-il enfin abolir l’heure d’été? La question revient dans les médias deux fois par an et continue d’occuper scientifiques autant que politiciens. En Europe, une consultation publique ayant récolté 4,6 millions de réponses en 2018 a plébiscité à 84% l’abandon du changement d’heure. Autre situation en Suisse, où une initiative populaire pour abolir l’heure d’été a échoué en 2020 à récolter suffisamment de signatures, répétant l’échec de sa prédécesseuse de 1984. Si chaque pays membre de l’UE est libre de décider sur quel fuseau horaire s’aligner, Bruxelles souligne l’importance de se coordonner, notamment entre Etats voisins.

Les arguments pour et contre l’heure d’été sont nombreux, entre économie d’énergie, sécurité routière et dans les rues ou encore possibilité d’activités à l’extérieur. Les médias rapportent volontiers que les changements d’heure sont mal vécus par le corps, avec une augmentation des problèmes cardiaques ou des accidents de voiture. Il s’agit toutefois de résultats d’études scientifiques individuelles et les revues systématiques qui tentent d’établir le consensus scientifique n’ont pas pu confirmer ces effets. Une méta-analyse a par exemple relevé une augmentation modeste de 3% de la probabilité d’avoir un infarctus du myocarde. L’impact sur la consommation d’énergie (lumière, chauffage, carburant), sur le tourisme et sur l’économie en général reste aussi débattu.

L'heure d'été vacille mais ne disparaît pas

L’abandon du changement d’heure soulèverait la question du fuseau horaire auquel se rattacher toute l’année. La Barcelona Declaration on Time Policies, un réseau promouvant l’abandon du changement d’heure, a proposé pour l’Europe des zones horaires plus proches de l’heure solaire: tous les Etats garderaient leur heure d’hiver actuelle sauf les Pays-Bas, la Belgique, la France, l’Espagne et la Grèce. Ces Etats la reculeraient d’une heure, avec un changement de deux heures en été par rapport à aujourd’hui. L’Europe passerait ainsi de trois à quatre fuseaux horaires.

La raison est historique: lors de la Seconde Guerre mondiale, l’heure de Berlin fut imposée aux pays occupés, créant dans certains cas un décalage important avec l’heure solaire. Au lieu d’atteindre son apogée vers midi, le soleil le fait à Paris à 13h en hiver et à 14h en été. Il ne se couche qu’à 22h en juin, offrant des belles soirées, mais ne se lève en décembre qu’à 8h30.

Ici aussi, la science ne parle pas d’une seule voix. Les spécialistes du sommeil et de la chronobiologie plaident pour se rapprocher le plus possible de notre cycle circadien naturel, synchronisé avec l’heure solaire avec un soleil atteignant son apogée entre 11h30 et 12h30. Notre sommeil bénéficierait de soirées plus courtes en été et d’une aurore plus précoce en hiver. C’est ce que prévoit la proposition du réseau de Barcelone. Si elle est adoptée, ce ne sera plus à cinq heures que Paris s’éveille en juin, mais à trois heures quarante-cinq. A voir si la population plébiscitera également ce choix-là.

L'heure d'été vacille mais ne disparaît pas