Combien de lunes…
Que dire sur la Lune qui n’ait été déjà dit cent fois, mille fois, depuis l’aube des temps. La Lune est une horloge nocturne. La Lune est un calendrier. Mais la Lune est aussi – surtout – l’objet céleste le plus proche de nous, le plus facilement observable mais aussi le plus mystérieux. Que de fantasmes, que d’histoires, de contes, de légendes, de sagas, de voyages imaginaires, de rêveries, de représentations, de poèmes a-t-elle suscité!
L’horlogerie n’est pas en reste, loin s’en faut. Dès ses débuts, elle a cherché à transcrire son rythme, son cycle, ses saisons, sa régulière croissance et décroissance. Si le Soleil est l’horloge première, la Lune en est une autre qui ne nous dit point la flèche des heures, minutes et secondes, mais nous rattache à des cycles plus amples. Durant combien de lunes Ulysse a-t-il voyagé…?
Et au-delà des prouesses mathématiques qui permirent à l’horlogerie de décompter le cycle lunaire, la Lune exerce sur elle sa magie poétique. La Lune est belle, mystérieuse, fascinante. Sa surface se transcrit en or, en pierre, en nacre, en laque, sa pâleur en diamants. Sur le rigoureux cadran de la montre, elle apporte une touche de poésie. La Lune: un supplément d’âme donné à l’horlogerie.
Phases de lunes
Un des attraits majeur de la représentation de la Lune en horlogerie tient à la beauté et à la régularité cosmique de ses phases cycliques. Lune nouvelle, premier croissant, premier quartier, lune gibbeuse croissante, pleine lune, lune gibbeuse décroissante, dernier quartier, dernier croissant.
Cette lunaison offre à l’horloger une succession de formes croissantes puis décroissantes qui, comme des index d’ombre, permettent de lire le «temps lunaire» tout au long de son cycle. Ou tout au moins de l’estimer en contemplant son parcours. Depuis son apparition jusqu’à sa disparition. Avec la Lune, le temps se fait véritablement espace.
Sur Terre nous pouvons lire la progression du temps – de la journée - au déplacement de l’ombre sur le sol. En levant le nez vers le ciel nocturne et en observant la portion de Lune illuminée par le Soleil, c’est exactement la même chose qui se passe. Mais sur la plus longue durée d’un cycle qui dure environ 29.5 jours.
Lunes de haute précision
Ce cycle, la «période synodique» de la Lune, est le temps mis par celle-ci pour revenir à la même configuration, c’est-à-dire à la même place dans le ciel par rapport au Soleil, vu de la Terre. La période synodique de la Lune, autrement nommée «mois lunaire synodique», soit la durée séparant deux pleines lunes ou deux nouvelles lunes, vaut très exactement 29,530588853 jours terrestres.
Un vrai casse-tête mathématique pour l’horloger qui cherche à transcrire ce cycle en mécanique avec exactitude.
Laissons la parole à un grand spécialiste de la Lune, l’horloger Andreas Strehler, récemment nominé au Grand Prix d’Horlogerie de Genève pour sa dernière pièce Lune Exacte. Auparavant, il avait déjà obtenu son entrée dans le Guiness Book of World Records avec sa Sauterelle à lune perpétuelle, dérivant d’un seul jour qu’après «approximativement» 2.045 millions d’années! C’est dire si l’homme connaît son sujet:
«Une indication des phases de lune dite de précision ou lune astronomique, dévie par rapport à sa période synodique d’un jour après 122 ans. Avec la Sauterelle à lune perpétuelle, cette déviation a été portée à un peu plus de 2 millions d’années. Mais toutes les indications de phases de lune ont le même problème: aussi précises soient-elles, on ne peut pas les lire avec précision. A part la nouvelle lune et la pleine lune, le porteur de la montre doit plus ou moins deviner quelle est la phase exacte ou l’âge de la Lune. De même, il doit attendre la nouvelle lune ou la pleine lune pour la régler correctement.»
La nouvelle Lune Exacte d’Andreas Strehler corrige sérieusement cette approximation. Elle permet une lecture bien plus précise de l’âge de la Lune: en jours et, grâce à une échelle de vernier, en périodes de 3 heures. Partant du principe qu’il est plus facile de constater la coïncidence de deux traits plutôt que de mesurer de très petites valeurs, l’échelle de vernier permet d’améliorer considérablement la précision de la lecture analogique.
Premières lunes
Un peu d’Histoire.
Les premières horloges et sphères astronomiques apparurent en France et en Allemagne dès le XVIème siècle. Mais ce n’est semble-t-il qu’au début du XVIIème siècle que remontent les premières montres « à mouvement de lune », telles qu’on les dénommait alors. Julien Coudray, horloger établi à Blois en 1597, figurerait parmi ces précurseurs tout comme des horlogers lyonnais. Avec l’exil des Protestants français, Genève devint pleinement horlogère et se spécialisa notamment dans des « mouvements de lune ». On retrouve ainsi dans les Archives de la Ville des documents qui attestent de cette spécialisation remarquable. Ainsi un acte notarié de 1671, précise la commande faite à l’horloger Abraham Arlaud de «cinquante pièces de montres à mouvement de lune de la grandeur entre eux convenus (…) Toutes les pièces dudit ouvrage devront être achevées et ajustées dans leur perfection soit coqs ou cliquets d’argent, cercles d’argent, plaque de dessous et dessus polies, piliers façonnés…Et ce pour et moyennant le prix de dix-neuf écus blancs par pièce.» Cinquante pièces, une belle commande haut de gamme pour un horloger capable d’en faire quatre par mois dans son atelier, avec ses compagnons horlogers. Mais la Lune n’a pas de prix.
Une des plus belles de ces réalisations alors d’avant-garde, aujourd’hui conservée au British Museum de Londres, est sans nul doute celle de Jean-Baptiste Duboule (1615 – 1694) qui témoigne de l’excellence artistique et de la maîtrise astronomique dès lors atteinte.
- Jean-Baptiste Duboule, Montre de cocher en argent avec sonnerie des heures, alarme, phases de lune et
indications calendaires datant de 1645 - 1655
Le cadran de droite, en haut donne la révolution synodique de la lune. L’anneau qui marque les divisions est fixe, mais en son centre tourne un disque richement gravé portant un index en forme de trèfle; il montre les jours de la lune.
Dans l’ouverture de ce disque qui fait un tour en 29 jours et demi, paraissent les phases lunaires. L’anneau extérieur du cadran de gauche est divisé en trente parties et non en trente et une. Dans un guichet triangulaire à l’intérieur de ce cadran apparaît le soleil, puis la lune et, à tour de rôle dans l’ordre suivant, les cinq planètes connues dès l’antiquité : Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne, représentant les sept jours de la semaine ; le dimanche étant consacré au Soleil, le lundi à la Lune, le mardi à Mars, etc. Le disque, portant ces noms avec des figurines, tourne au centre de la montre. A la partie supérieure du cadran, un guichet triangulaire permet de lire le mois de l’année, accompagné du signe du zodiaque correspondant. Dans les deux ouvertures inférieures à gauche et à droite, paraissent des figurines allégoriques: celles de gauche représentent l’aurore, le midi, le couchant et la nuit ; ce disque fait donc un tour par jour. Celles de droite indiquent les quatre saisons et le disque opère un tour par an. Quant au cadran inférieur, il sert de réveil. Le cercle extérieur des heures est gravé en chiffres romains dans le sens habituel, c’est-à-dire à droite : mais le disque qui tourne intérieurement est gravé en chiffres arabes dans le sens inverse.
Lunes océanes
Un des effets les plus spectaculaires de la Lune sur notre Terre est le rôle gravitationnel qu’elle joue dans le flux et le reflux des marées. Elle n’est pas la seule responsable de la mise en mouvement de cette «horloge» océane, la force de gravitation du Soleil et la force d’inertie de la révolution de notre planète y concurrent aussi. Mais la Lune, astre nocturne, semble régner sur les eaux et leurs mystérieux allers-retours.
Les horlogers se sont tout naturellement aussi attaqués à transposer mécaniquement ces mouvements océaniques réguliers. Mais pour la première fois, un Christiaan Van Der Klauw, grand spécialiste de pièces astronomiques et lunaires, propose une visualisation – précise – de cette mystérieuse influence de la Lune sur notre planète.
- Christiaan Van Der Klaauw REAL MOON TIDES
Next to a rotating miniature moon the Real Moon Tides carries a complication showing the sea level tides in a way that has never been seen in a mechanical watch before.
Tides are the rise and fall of sea levels caused by the combined effects of gravitational forces exerted by the Moon, Sun, and rotation of the Earth. There are multiple types of sea tides. In most locations you will find the ‘principal lunar semi-diurnal’ sea tide. Its period for one rise and fall of the sea level is about 12 hours, 25 minutes and 14 seconds. Waves move up and down in a special window to make this beautiful phenomenon visible.
At the 6 o’clock position a rotating 3-dimensional real moon - indicating the true moon phase - is shown. The moon rotates around the earth every 29,5305889 days. This hand-made 3D miniature moon indicates the moon phase so accurately that it deviates only one day in 11.000 years. It is the most accurate 3D moon phase in the world ever incorporated in a mechanical watch.
Lunes gibbeuses
Le terme « gibbeuse » vient du latin gibbus qui signifie «bosse». La Lune est dite gibbeuse, croissante ou décroissante, lorsque sa surface éclairée visible occupe plus de la moitié de son disque. C’est alors que l’on perçoit visuellement le mieux qu’il ne s’agit donc pas d’un disque plat mais bien d’une sphère.
L’horloger qui transcrit au mieux et le plus poétiquement cette « lune gibbeuse » est certainement de Bethune, avec ses superbes lunes tridimensionnelles.
Lunes métronomiques
Lunes fabuleuses
Stepan Sarpaneva, émérite horloger finlandais, a créé une des Lunes les plus enchanteresses de l’horlogerie. Un monde proche des contes de l’enfance, des forêts nordiques, des nuits boréales.
- Stepan Sarpaneva KORONA KOSMOS
Lunes de nacre
Issue des profondeurs aquatiques, tirée de coquillages aux formes de lunes, la nacre, par sa pâleur moirée, sa surface inégale et doucement bosselée, la lumière d’une douceur exquise était comme faite pour figurer la Lune sur nos cadrans.
Lunes rousses
Astronomiquement, la Lune rousse est un phénomène optique lié à la diffusion de la lumière. Quand la Lune est basse sur l’horizon, la lumière du soleil qui l’éclaire traverse l’atmosphère terrestre et lui donne cet aspect roux.
Lune rousse, lune magique qui renvoie à autant de légendes. La Lune a aussi ses lunatiques.
- TONDA MÉTROPOLITAINE SÉLÈNE by Parmigiani
In addition to the conventional approach - two discs which appear and disappear behind the wisps of a cloud - a series of elegant details give this moon a dreamlike quality. Bronze in colour rather than the traditional gold, its exceptionally brilliant surface shows traces of the lunar craters known as « maria », formed by a highly complex layering of decals. The complication module has a push-piece at 9 o’clock enabling the moon to be indexed independently of the time and day, in order to match its phases to the geographic location of reference. This correction function has a safety system which protects the gear from accidental movement.
Lunes Grand-Siècle
- ROTONDE DE CARTIER JOUR / NUIT PHASES DE LUNE RÉTROGRADES
De gauche à droite, de l’aurore au crépuscule, l’astre solaire et son satellite se succèdent dans la partie supérieure du cadran. Cette lecture dynamique s’accompagne de la progression rétrograde d’une aiguille indiquant les phases de lune, du premier au dernier croissant, dans le bas du cadran.
Pour sublimer cette double complication, Cartier a imaginé un cadran de laque bleu profond, illuminé de paillons d’or où les phases de lune sont pavées de diamants et de saphirs.
Lunes cosmiques
- Patek Philippe 6104R-001 CELESTIAL GRAND COMPLICATION