hibaud Guittard, le fondateur d’Alto, n’a pas le parcours classique de l’horloger établi. Originaire du sud de la France, il fait ses premières armes dans l’horlogerie chez Audemars Piguet, à Paris, entre 2011 et 2015, dans le département communication pour le marché français. De retour dans le groupe industriel familial, il occupe pendant plusieurs années des fonctions opérationelles et au conseil d’administration. Mais rapidement, il ressent un manque: celui du produit, du contact direct avec la création.
Cette frustration devient une vocation: «J’ai toujours eu un goût pour l’histoire de l’art et l’art contemporain. Ce n’était pas mon milieu d’origine, mais c’est ce qui m’attire. Dans l’horlogerie, je ne retrouvais pas cette approche artistique telle que je l’imaginais. Beaucoup de marques sont allées vers le sport, mais je voulais rester centré sur l’art.»
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- Thibaud Guittard, fondateur d’Alto
La rencontre
Avec conviction, mais sans réseau pré-établi dans le milieu horloger, il commence à démarcher des designers spécialisés. Les premiers contacts restent sans suite, jusqu’à ce qu’un ami lui suggère de rencontrer Barth Nussbaumer. Ce dernier, réputé pour sa rigueur et sa capacité à transformer une vision en réalité, s’enthousiasme pour le projet.
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- Avec une esthétique qui s’inspire du wedge design dont sont issues les concept cars des années 1970, la ART 01, modèle inaugural d’Alto, est sans doute à l’horlogerie ce qu’est le brutalisme à l’architecture. Elle joue avec la lumière à travers ses facettes et représente la quadrature du polyèdre dans sa forme. La montre abrite le calibre A01, un mouvement à remontage automatique micro-rotor pensé et conçu exclusivement pour Alto par le designer Barth Nussbaumer et développé par le Cercle des Horlogers à La Chaux-de-Fonds.
Trois à quatre mois de travail intensif aboutissent à un premier cahier technique: boîtier, saphir, mouvement. Puis s’engage un long processus de concrétisation, entre dessins originaux du fondateur et interprétation en volumes réels. De ce dialogue naît un boîtier inédit, de 40 x 45 mm, marqué par un octogone déconstruit en trois dimensions, où chaque arête devient un pli sculptural.
L’héritage des années 1970: futurisme et design automobile
L’inspiration revendiquée puise dans une époque foisonnante: les années 1970. On y retrouve l’influence du design «wedge» cher à Pininfarina, où la géométrie radicale annonçait une vision futuriste du monde. La Maserati Boomerang, concept car unique de 1971, est l’une des références du fondateur, tout comme les univers visuels plus récents de Daft Punk.
Ce choix n’est pas anodin. Il s’adresse à une communauté spécifique: collectionneurs d’art, amateurs de design automobile, notamment. Alto vise un public qui pense la montre comme une sculpture portable, un marqueur culturel.
Une distribution sélective, une ambition globale
Dès ses débuts, Alto adopte une stratégie internationale. En moins de deux ans, les pièces se retrouvent en Asie, en Amérique du Nord, en Europe et au Moyen-Orient. Un premier point de vente a été ouvert en Arabie saoudite à Riyad avec le détaillant 10Ten Labs, et des discussions sont menées avec des détaillants de premier plan. «L’idée n’est pas d’inonder le marché, mais d’avoir des représentants solides dans chaque grande région du monde», explique le créateur.
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- La réalisation du cadran de l’ART 01 Oeil de Faucon, limitée à 12 exemplaires, requiert une expertise technique unique pour préserver la délicatesse de la pierre du même nom. Le résultat est un cadran architecturé spectaculaire, la pierre venant s’assombrir progressivement vers le centre pour évoquer la pupille et l’iris. Le boîtier conserve les proportions distinctives de l’ART 01 et adopte ici un alliage en or jaune 3N.
Les volumes sont donc restreints. Le Cercle des Horlogers, manufacture jurassienne bien connue, développe et fournit les mouvements in-house, garantissant à Alto une légitimité technique. La pièce acier s’affiche à environ 20’000 CHF, tandis qu’une édition limitée à 12 exemplaires en or et œil de faucon est proposée 51’500 CHF. En 2026, une collaboration artistique majeure marquera une nouvelle étape pour la start-up.
Potentiel iconique
Point de bascule du projet Alto: l’arrivée de Raphaël Abeillon comme directeur de création à l’été 2024. La jeune maison incorpore ainsi un des meilleurs designers de sa génération, qui a passé plus d’une décennie à la création horlogère chez Cartier. L’ambition est claire: se donner les moyens de bâtir une marque de premier plan, autour d’un design immédiatement reconnaissable.
Un bracelet métallique est en développement, étape cruciale pour compléter la silhouette de la montre et renforcer son caractère. «Une montre doit être identifiable de loin, puis intriguer de près. À dix mètres, à dix centimètres, à dix millimètres, il faut qu’on sache qu’il s’agit d’une Alto», insiste Thibaud Guittard.
Cette exigence se traduit par un discours cohérent: refus des compromis, fidélité à une ligne esthétique monochromatique et épurée, collaborations artistiques pensées sur le long terme. Alto entend se construire par strates successives, comme une œuvre architecturale, sans céder aux fluctuations et tendances.
L’art fondateur
L’ambition ultime est claire: faire de la montre un «artistic limited time object» - ou Alto. Une sculpture portable inscrite dans une histoire artistique plus large. En ce sens, Alto se distingue de l’approche souvent décorative des collaborations horlogères avec le monde de l’art. Ici, l’art n’est pas un ornement ajouté à une montre: il en est la substance, le moteur, l’ADN.
La rencontre annoncée avec un artiste de renom, qui sera révélée en 2026, illustre cette ambition. «Convaincre un artiste international majeur de collaborer avec Alto est une immense fierté. Et l’histoire commune que nous bâtissons a un sens profond», conclut le fondateur.
En choisissant le temps long, la rareté et l’art comme boussole, Alto se donne les moyens de bâtir une véritable identité. Une marque qui ne cherche pas à plaire à tout le monde, mais à séduire profondément ceux qui verront dans ses montres bien plus qu’un objet horloger: une pièce d’art contemporain portée au poignet.


