ans Ruedi, un nom étonnamment désuet pour un objet aussi contemporain. C’est justement l’effet recherché par Søren Henrichsen, qui a souhaité dépoussiérer le vieux coucou si kitsch de nos grands-parents. Lignes droites du caisson en bois brut ou coloré de rouge, noir ou blanc; deux aiguilles sans fioritures; un pendule amenant une touche de rondeur à la rigueur scandinave de l’objet; et bien sûr, le petit coucou dans sa niche, qui ne se déploie avec ses sonorités que lorsque la pièce dans laquelle il loge est allumée, grâce à un petit capteur de luminosité fort discret, histoire de ne pas déranger le sommeil de son propriétaire...
Pas besoin de remonter l’objet: la bête carbure à la pile, simplicité d’usage oblige. «J’ai aussi beaucoup travaillé sur le son de l’oiseau, souligne le designer. Actuellement, on entend un bruit d’eau en arrière- plan lorsqu’il chante, mais la prochaine étape est de pouvoir personnaliser son chant.»
Drôle d’objet donc que celui conçu par cet autodidacte genevois d’origine danoise, qui a démissionné de son poste dans le trading pour se consacrer à sa passion du design en bois à plein temps depuis cette année. Une startup qu’il a initiée... réellement dans son garage, ce n’est donc pas juste une image d’Epinal! Sa première création, la Freedom Clock, était une ingénieuse horloge en bois de forme conique, jouant sur le pouvoir d’«arrêter le temps à n’importe quel moment en retournant le cône pour figer le moment». Mais revenons à Hans Ruedi. Dessiné par Søren Henrichsen, celui- ci est assemblé par les membres d’un atelier protégé genevois, la Fondation Sgipa au Lignon, qui emploie des personnes handicapées. «Cela a nécessité une phase d’adaptation, car je suis moi-même autodidacte et j’ai dû les former à ces tâches : aujourd’hui une dizaine d’entre eux travaillent sur mes coucous et chacun a sa spécialité dans la procédure d’assemblage.»
Des coucous sous le sapin
Le défi, surtout, est maintenant pour lui de se faire connaître et d’être en mesure de commander de plus grandes quantités de mouvements à son fournisseur, en Allemagne dans la Forêt-Noire, le lieu de naissance du coucou (lire à ce propos l’article historique de Dominique Fléchon dans notre édition ES Première de juin 2015). Pour cela, une campagne Kickstarter est en phase de lancement, afin d’arriver à la période de Noël – propice à l’acquisition de ce type de produit – avec un carnet de commandes bien rempli.
«J’ai toujours aimé les coucous en tant qu’objets... mais je les ai toujours trouvés très kitsch.»
La première série, d’une centaine de pièces, a déjà été entièrement vendue grâce au seul bouche-à-oreille. Le designer a désormais pignon sur rue, présent à la boutique La Troisième Main en Vieille-Ville de Genève. «Pour la distribution, je regarde aussi du côté de pop-up stores ou de ventes éphémères, souligne le créateur. Et bien sûr également de la vente directe sur internet.» L’objet, proposé à 389 francs, est Swiss made malgré son mécanisme allemand – la valeur principale résidant dans la conception et l’assemblage – et est réalisé en bois de chêne ou de frêne bien helvétique.
«Avec le coucou, je peux combiner mes origines, la précision suisse et la simplicité danoise, résume Søren Henrichsen. J’ai toujours aimé les coucous en tant qu’objets... mais je les ai toujours trouvés très kitsch, et je ne suis sans doute pas le seul!» Europa Star Première s’était d’ailleurs déjà intéressé il y a deux ans à une autre startup suisse réalisant des coucous contemporains, Swiss Koo (lire notre édition ES Première de juin 2015 également).
L’animal, qui semblait en voie d’extinction – du moins auprès des personnes de bon goût –, est-il en train de migrer vers des cieux plus cléments et distingués? Il semble en tout cas de plus en plus prisé des designers branchés!