a source de cette inclination artistique et culturelle essentielle est à chercher aux origines, dans la double trajectoire personnelle de Jean-Marc Vacheron et de François Constantin. A l’âge de 24 ans, en 1755, Jean-Marc Vacheron, jeune horloger genevois, ouvre son propre atelier indépendant. Fils «d’émigré» du canton de Fribourg (à cette date, Genève est indépendante de la Suisse), ne jouissant donc pas des mêmes droits que les autres citoyens genevois, il se sent proche de Rousseau, natif lui aussi de Genève, et de Voltaire, qui y réside, est sensible aux idées des Lumières qui ouvrent les consciences à la connaissance, à la science, aux arts, aux civilisations et aux cultures du monde.
En 1819, François Constantin s’associe à la maison Vacheron, désormais dirigée par Jacques-Barthélémi Vacheron, fils du fondateur. Né lui aussi à Genève, fils de négociant, François Constantin est un homme d’affaires entreprenant qui parcourt l’Europe et le monde. Et quel meilleur ambassadeur que la montre genevoise raffinée, qui ouvre toutes les portes, notablement celles de la Chine (à partir de 1820 déjà, Vacheron Constantin fournira à la Cour de l’Empereur de Chine des pièces exceptionnelles), du Moyen-Orient, des Amériques!
Son propre frère, Abraham Constantin, «habile dans les portraits et les copies de tableaux célèbres», est expert en peinture sur émail et contribue aux décorations. Admis à la prestigieuse manufacture de Sèvres, en France, il est en contact avec la maison royale et recevra en 1826 le titre officiel de «Peintre sur porcelaine du Roi». A quatre mains avec le grand écrivain Stendhal, il publiera à Florence ses Idées italiennes sur quelques tableaux célèbres, après, notamment, avoir reproduit sur porcelaine des fresques de Raphaël, commande du Vicomte de La Rochefoucauld.
On le voit, l’esprit des Lumières, les arts, les cultures du monde, les artisanats d’art, tout comme l’ouverture aux civilisations sont inscrits dans les fondations même de la maison.
Partenariats muséaux
Le rapprochement entre Vacheron Constantin et les grands musées à vocation «universaliste» était donc chose toute naturelle. Certaines des pièces de la manufacture figurent d’ailleurs depuis longtemps dans les grandes collections muséales. De quoi pouvoir inscrire la manufacture dans un véritable partenariat avec les institutions muséales, qui excède de loin le statut de mécénat. Avec chacun des musées, une collaboration s’installe qui peut prendre de nombreuses formes et qui a pour objet central la transmission: transmission esthétique, certes, mais aussi partage de connaissances, échanges de pratiques, de savoir-faire en termes de métiers d’art.
- Détail de Les Cabinotiers minute repeater ultra-thin God of Wind, une pièce unique qui rend hommage à la culture japonaise, créée en 2022 à l’occasion de l’exposition Homo Faber de Venise.
Ces partenariats se sont noués d’abord avec le Musée Barbier-Mueller de Genève, qui accueille une remarquable collection d’arts premiers, puis avec Le Louvre, musée le plus visité au monde, et enfin, tout récemment, avec le fameux Metropolitan Museum of Art de New York (le MET), dont les collections, d’ordre encyclopédique, contiennent plus de deux millions d’œuvres en provenance du monde entier.
Le Musée Barbier-Mueller: les civilisations du monde
La collaboration initiale avec le Musée Barbier-Muller a donné naissance à une série de montres exceptionnelles, Les Masques. Un échange qui s’est étendu sur trois ans, de 2007 à 2009, à raison chaque année d’un nouveau coffret de quatre Masques édité en série limitée de 25 pièces, soit en tout douze montres différentes reproduisant douze Masques de toutes civilisations.
A noter que déjà en 2009, le MET de New York présentait l’ensemble de ces montres Masques dans le cadre d’une exposition spéciale en hommage à Jean Paul Barbier-Mueller, fondateur du musée éponyme.
Toujours est-il que cet ensemble de montres fascinantes, poétiques et saisissantes de réalisme, évoquant avec force et beauté toutes les cultures du monde, a frappé les esprits non seulement par son message mais aussi par la qualité de sa réalisation artisanale de haut vol. Chaque masque, sculpté à la main en trois dimensions, travaillé et décoré de façon à se rapprocher le plus possible de l’original – prêté aux artisans par le Musée Barbier-Mueller – se détache sur un précieux cadran sur lequel est gravé un poème concentrique dédié précisément au masque par le fameux écrivain français Michel Butor.
Arts sacrés premiers, artisanat et poésie se conjuguent pour créer – avec l’art mécanique – des garde-temps en hommage à la richesse et la pluralité de l’aventure humaine.
Le Louvre de Paris: préserver et transmettre l’artisanat d’art
En 2016, Vacheron Constantin soutient auprès du musée du Louvre la restauration de la pendule La création du monde, «une œuvre majeure de l’horlogerie de précision du 18ème siècle présentée au roi Louis XV en 1754», soit un an seulement avant l’acte fondateur de Jean-Marc Vacheron (qui en avait forcément connaissance).
Suite à cette première collaboration, Vacheron Constantin signe en 2019 un partenariat à long terme avec le prestigieux musée parisien fondé en 1793 (soit 38 ans plus tard que sa propre naissance). «Nos deux institutions, nées au siècle des Lumières, partagent la mission de transmettre la passion pour l’art, le patrimoine et l’excellence de savoir-faire artisanaux ancestraux, déclare Laurence des Cars, Présidente-Directrice du musée du Louvre. Ancrées dans l’histoire, elles sont résolument ouvertes sur le monde contemporain.»
Une des premières concrétisations de ce partenariat est la vente aux enchères Bid for the Louvre, qui a lieu fin 2020 et dont 100% des gains sont destinés à soutenir Le Studio, un vaste projet d’ateliers éducatifs du Louvre, ouvert à tous. A cette occasion, Vacheron Constantin propose un projet tout à fait inédit: l’acquéreur d’une future montre Les Cabinotiers (la division de Vacheron Constantin dédiée aux pièces uniques) pourra personnaliser son cadran avec la reproduction en émail miniature ou en émail grisaille d’une œuvre qu’il sera libre de choisir à son gré dans les collections du Louvre. Pour ce faire, il aura droit à une visite privée du musée et de son très réservé Cabinet des dessins, ainsi que des ateliers des Cabinotiers de Genève.
Le choix de l’acquéreur s’est porté sur un dessin de la main de Pierre Paul Rubens, La lutte pour l’étendard de la Bataille d’Anghiari.
Le maître-émailleur de Vacheron Constantin est allé puiser dans son expertise de l’émail grisaille, née d’années de pratique à Limoges, pour parvenir à retranscrire la sensibilité de l’œuvre sur un petit cadran avec une multitude de micro-détails enchevêtrés. Il a eu recours à une vingtaine de nuances, brun, brun gris, brun sépia, brun crème… tout en enchaînant vingt cuissons successives au four à 9000.
Le mouvement qui l’anime est le mouvement Manufacture 2460C, dont la masse oscillante est gravée d’une représentation de la façade Est du Louvre. Sur le fond officier à charnière est gravée main la devise Cerca Trova – «Qui (me) cherche (me) trouve», allusion érudite au farouche Côme de Médicis, représenté sur le dessin de Rubens.
A souligner que cette initiative est désormais proposée par Les Cabinotiers à tout connaisseur désireux de transposer une œuvre du Louvre de son choix sur le cadran d’une montre Métiers d’Art.
Hommage aux grandes civilisations de l’Antiquité
En 2022, toujours en étroite collaboration avec les équipes du musée et leurs spécialistes et artisans d’art, est née la série de montres Métiers d’Art Hommage aux grandes civilisations de l’Antiquité, à travers quatre chefs-d’œuvre issus du Louvre et évoquant l’Empire perse de Darius 1er, l’âge d’or de l’Egypte antique, la période hellénistique de la Grèce antique et la prise du pouvoir d’Auguste, premier empereur romain.
L’œuvre centrale est une applique sculptée en or logée sur un verre saphir qui vient se poser sur le cadran entouré d’une frise décorée: mosaïque romaine, cercueil égyptien peint, céramiques et vases grecs, frise briques à glaçure d’inspiration babylonienne. Nombre de métiers d’art interviennent, que ce soit l’émail champlevé, l’émail grisaille, la marqueterie de pierres, la micro-mosaïque de pierres ou la gravure main sculptée à même la masse.
Pour laisser leur pleine expression aux métiers d’art, Vacheron Constantin a choisi son calibre manufacture 2460 G4/2 à remontage automatique, qui se caractérise par des indications heure, minute, jour et date visualisées à travers quatre guichets en périphérie du cadran. Le même mouvement, qui permet de dégager tout l’espace central du garde-temps, animait déjà la série des Masques réalisée en collaboration avec le Musée Barbier-Mueller.
Le Metropolitan Museum of Art de New York: mentorat
L’annonce est tout récente – elle date du mois de septembre 2023: Vacheron Constantin a noué un «partenariat pour la transmission et la préservation des savoirs» avec le Metropolitan Museum of Art de New York, le MET, fondé en 1870. Cette puissante institution organise, outre ses collections permanentes, plus de 29’000 événements et programmes éducatifs tout au long de l’année, à travers son département Education: ateliers, expériences de création artistique, bourses d’études et de recherche, programmes éducatifs auprès des écoles et universités…
C’est dans cette même optique de transmission et d’ouverture que Vacheron Constantin inscrit sa collaboration avec le MET. Celle-ci prendra des formes diverses, dans le registre éducatif, par des résidences d’artistes et à travers l’organisation d’événements spéciaux.
- New York inspire décidément Vacheron Constantin, comme en témoigne cette Minute Repeater Tourbillon Tribute to Art Deco Style qui vient d’être présentée par la manufacture genevoise. Son cadran en marqueterie de bois (110 éléments de poirier teinté noir et tulipier teinté bleu) est inspiré des structures du Chrysler Building, chef-d’œuvre de l’Art Déco, et ses flancs gravés main évoquent les motifs décoratifs géométriques emblématiques de ce style.
On sait aussi d’ores et déjà que des montres inspirées des œuvres des collections du MET verront le jour. Sous quelle forme? Nous l’ignorons encore totalement mais, à tout parier, pourquoi pas une inspiration Art Déco, si vivace à New York, et dont le MET possède une forte collection… Vacheron Constantin s’est déjà fortement inspiré de ce courant artistique dans les années 1920 et 1930, pour nombre de pièces spécialement destinées à l’Amérique. Mais ce n’est là que supposition de journaliste. Supposition qu’une montre Les Cabinotiers minute repeater Tribute to Art Deco à peine présentée – sans lien direct avec le MET – vient renforcer!