amilton démarre l’année en haut de l’affiche, avec la sortie du blockbuster Dune: Part Two. La marque biennoise, qui fait partie de Swatch Group, a conçu la «Desert Watch» qui orne le poignet de Timothée Chalamet, nouvelle coqueluche des GenZ, à l’écran.

Une prolongation du rôle historique que la marque suisse aux origines américaines joue dans l’industrie du cinéma. Le film a inspiré deux nouvelles Ventura en édition limitée. Mais au-delà du produit, c’est tout l’écosystème dans lequel évolue Hamilton qui se trouve modifié avec la concentration progressive de l’industrie suisse sur le haut de gamme.

Nous avons rencontré son CEO Vivan Stauffer.

Europa Star: Les défis logistiques sont plus nombreux que jamais dans l’industrie horlogère suisse, notamment pour des marques qui font du volume comme Hamilton, avec plusieurs centaines de milliers de pièces produites par an. Comment vous organisez-vous pour assurer les délais?

Vivian Stauffer: C’est une bataille constante! Avant il fallait quatre mois pour être livré sur certains composants, aujourd’hui les délais sont souvent passés à neuf mois. Or, notre politique est: zéro «back order». Car les gens ne sont pas prêts à attendre aussi longtemps pour un modèle à 1’000 francs que dans le segment du luxe. Il faut donc tout commander bien plus à l’avance, au moins une année avant la sortie des montres. Et surtout bien évaluer le potentiel commercial de chaque modèle: s’il est sous-évalué, nous ne pouvons réagir et en faisons les frais.

La «Desert Watch» conçue par Hamilton comme accessoire du film Dune: Part Two de Denis Villeneuve

Cela vous êtes-il arrivé?

Oui, sur la Khaki Field Bronze sortie en 2022. Nous étions un peu frileux sur les quantités, car il s’agissait de l’introduction d’un nouveau matériau chez Hamilton. Vu les blocages dans la chaîne de sous-traitance, cela nous a pris 18 mois pour réagir et ajuster l’offre à la forte demande. Aujourd’hui, par conséquent, je préfère avoir du stock pour être en mesure de réagir. Cela représente de l’argent à la banque…

Hamilton présente sept nouvelles références dans sa collection Khaki Aviation Pilot. En 1918 déjà, les montres Hamilton chronométraient le premier vol de la Poste aérienne américaine entre New York et Washington, D.C.

Vos fournisseurs sont-ils majoritairement membres du groupe?

Oui. C’est aussi le cas de l’assemblage, à 80%. Mais comme nous sommes demandeurs de davantage de capacités, nous avons repris des externes. Cela amène aussi de nouveau défis, car il faut tout homologuer à nouveau et cela peut prendre six mois pour un seul cadran.

Swatch Group est ultra-dominant sur le segment de la montre suisse à moins de 3’000 CHF. Un «boulevard» pour vous?

Détrompez-vous: l’affaiblissement de la concurrence est un gros problème pour nous, même si on pourrait bien sûr imaginer le contraire. Car la compétition amène aussi de l’intérêt sur notre segment. Pour le détaillant, il faut un écosystème de marques actives sur un même créneau pour qu’il s’y investisse. Or, nous sommes une marque «wholesale», travaillant avec de nombreux partenaires: nous devons évoluer dans un tel écosystème et nous ne pouvons pas leur proposer de faire une boutique en propre comme les marques du luxe. Certains détaillants peuvent décider d’abandonner le segment dans son ensemble et se recentrer sur le luxe. Tout le marché a été aspiré vers le haut, d’autant plus avec un taux de change qui nous rend tous plus chers. C’est donc un défi structurel pour nous, comme pour l’industrie horlogère suisse.

C’est en 1957 qu’Hamilton présente la première montre électrique au monde: la Ventura. Celle-ci est désormais disponible en six modèles inspirés par le hit Blue Suede Shoes d’Elvis Presley.

La vente en ligne est-elle une solution?

Oui, nous enregistrons 40% de nos ventes en ligne et nos cinq plus grandes «boutiques» dans le monde ne sont pas physiques mais numériques. La réalité du e-commerce varie cependant beaucoup d’un pays à l’autre, c’est un mode de consommation beaucoup plus populaire aux Etats-Unis qu’en Italie par exemple. C’est pourquoi nous avons davantage de points de vente physiques en Italie – 600 – que sur un marché pourtant beaucoup plus vaste comme les Etats-Unis, qui en comptent 450! Le numérique nous permet aussi de bien identifier en amont là où nous avons le meilleur potentiel géographiquement. Un marché-clé que nous devons encore explorer est l’Inde.

Quel est votre top 5 en termes de débouchés?

Etats-Unis, Italie, Japon, Corée du Sud et Chine. Nous avons la chance d’avoir un bon équilibre entre Asie, Europe et Amérique du Nord. Et nous dépendons très peu du tourisme d’achat, car nous nous adressons en priorité aux clientèles locales, y compris dans des zones très touristiques. Avec l’inflation que l’on voit dans le monde – et la baisse du pouvoir d’achat qui en résulte – je me dis qu’un certain nombre de nouveaux clients vont découvrir l’horlogerie suisse plus accessible proposée par Hamilton…

La Ventura Bright comprend un bouton qui réplique les lignes bleues lumineuses du cadran de la «Desert Watch» du film Dune: Part Two. La Ventura Edge présente un boîtier angulaire doté d’un revêtement PVD noir mat avec affichage numérique bleu répliquant les éléments en relief visibles sur l’accessoire du film.

A quoi pouvons-nous nous attendre cette année en termes de nouveautés?

Nous continuons entre autres d’explorer nos liens avec le monde du cinéma. 2023 a été très riche de ce point de vue: la Boulton pour Indiana Jones et le Cadran de la Destinée, les modèles du film chinois Wandering Earth 2, la montre d’Oppenheimer dans le film de Christopher Nolan… Celui-ci a d’ailleurs fouillé dans nos archives pour retrouver trace d’une montre Hamilton d’époque qu’il souhaitait utiliser pour le film. Mais nous n’en avions aucun exemplaire: heureusement nous avons pu recourir à notre réseau de collectionneurs pour l’acquérir et la lui mettre à disposition! Depuis Dark Knight, nous avons noué une très bonne relation avec Christopher Nolan.

Pour 2024, nous sortons deux modèles inspirés du nouveau film Dune: Part Two. Le réalisateur Denis Villeneuve nous a sollicités – en tant que «watchmaker of filmmakers» – pour imaginer un objet original et futuriste, une «Desert Watch», au poignet de Timothée Chalamet dans le film. Cela nous a inspirés deux nouvelles Ventura en édition limitée, qui sont dotées d’un cadran bleu lumineux rappelant les yeux bleus caractéristiques des «Fremen» du film. Ce n’est qu’un début: nous présenterons en tout environ 70 nouvelles références cette année.