es cliquetis stridents, un grincement de suspension, des vrombissements métalliques, un parfum de benzine de vieux rafiot, une empreinte d’huile de ricin sur un chemin de terre ou une boîte de vitesse capricieuse mais gratifiante. La Mille Miglia, c’est tout ça mais c’est surtout un événement suspendu dans le temps qui, année après année, ne fait qu’une chose: rassembler.
Oui, la Mille Miglia ne sait faire qu’une chose mais, en l’occurrence, elle excelle dans la discipline. A l’heure où les fossés générationnels semblent se creuser, les causes se futiliser et les combats se disperser, «rassembler» n’est finalement pas une mince affaire. Pourtant, la Mille Miglia le fait à merveille depuis son apparition en 1927.
- La Mille Miglia en 1950: dès ses débuts dans les années 1920, la course, très risquée, fut populaire auprès des Italiens. Après une interruption de plus de vingt ans, elle a connu une renaissance depuis 1977 en tant que course de régularité et non plus de vitesse.
De prime abord, certains pourraient se dire qu’après tout, ce ne sont que des gens fortunés qui traversent l’Italie pied au plancher dans des bolides de collection inestimables en crachant autant de CO2 que d’arrogance. Mais s’arrêter à ces stéréotypes sur les courses historiques, c’est se tromper autant que de croire que la voiture électrique va sauver la planète. La Mille Miglia, c’est tout sauf cela – et pour pouvoir l’affirmer il faut l’avoir vécue.
- Le baiser de la mort, célèbre photographie datant de 1957 dans laquelle l’actrice mexicaine Linda Christian embrasse pour la dernière fois son compagnon, le marquis de Portago. Celui-ci trouve la mort peu après quand son pneu éclate alors qu’il roule à 150 km/h.
Grâce à Chopard, partenaire historique depuis 36 ans de la course, j’ai eu l’immense opportunité de participer à cette cavalcade historique qui m’a fait glisser, à intervalle régulier, du siège de copilote au volant bakélite d’une délicieuse sportive pétaradant sur les sentiers perdus d’une Italie éternelle.
Une course témoin d’une Italie d’antan
Depuis 1927, la mythique Mille Miglia s’est imposée comme la course fédératrice pour toute l’Italie. Organisée sur route ouverte, la compétition traverse le pays sur plus de 1’600 kilomètres. Dès son départ, depuis le centre de Brescia, les 443 équipages se pressent derrière les téméraires carabinieri à moto qui, en ouvrant la voie sur des routes tortueuses, nous font comprendre que les feux rouges et le code de la route n’ont plus vraiment d’importance.
Mais cette compétition, c’est surtout la course des Italiens, celle de familles entières qui, tout au long du parcours, ont installé les chaises et la table de camping, planté le drapeau national, et bien souvent, ouvert la bouteille de limoncello du grand-père pour célébrer cette tradition quasiment séculaire.
- Notre véhicule, une Fiat 1100 Coupe carrossée par Pininfarina datant de 1950
Parfois, les enfants ont même congé pour l’occasion et c’est en voyant ces petits villages, oubliés des guides touristiques, s’animer avec une ferveur et un enthousiasme profondément touchants que l’on se rend compte que cette Mille Miglia n’est peut-être pas qu’une banale course automobile… Les restaurants sortent les tables sur les trottoirs, les maires offrent des produits locaux aux équipages et les paysans arrêtent leurs machines sur le bas-côté pour voir cette déferlante de bolides d’un autre temps défiler jusque très tard dans la nuit.
- Les élégants carabineri ouvrent la voie pour les coureurs... et se prêtent volontiers au jeu des photographies.
Si la course a vu les plus grands pilotes de l’histoire batailler pour décrocher la première place, les nombreux décès et les risques pris par les équipes ont conduit à la disparition de la Mille Miglia en 1957. Mais vingt ans plus tard, en 1977, elle fait son grand retour en tant que course historique de régularité et non plus de vitesse. Pour autant, les modèles des voitures participantes doivent tous dater ou avoir couru entre 1927 et 1957. En bref, on parle bien ici de véhicules de passionnés et c’est aussi cela qui rend cette épreuve fédératrice, car une voiture ancienne sait raviver des souvenirs enfouis chez les plus âgés, tout en intriguant les bambins d’aujourd’hui aux yeux écarquillés.
À l’image de notre belle italienne, la voiture agit comme un marqueur de passion et de partage qui, grâce à ses multiples attributs sensoriels, nous projette romantiquement dans une Italie presque cliché des années cinquante, caractérisée par un parfum d’innocence et une élégance comme figée dans le temps.
Une grand-mère téméraire
Cette italienne, parlons-en, car oui, après tout, cette course c’est avant tout une célébration de la culture automobile italienne. Chopard nous a généreusement mis entre les mains – celles d’Andrea Machalova, journaliste de renom et copilote de talent, et les miennes – une Fiat 1100 Coupe carrossée par Pininfarina datant de 1950. Avec une silhouette rappelant la mythique Lancia Aurelia B20 GT, cette italienne se voulait être à l’époque une petite sportive élégante et relativement abordable dans un pays qui sortait douloureusement de la Deuxième Guerre mondiale.
Son vaillant petit moteur à 4 cylindres entraîne une carrosserie chic, sans fioriture, tout en rondeur, sublimée par des pneus à flanc blanc et une teinte verte qui rappelle d’ailleurs plus les anglaises que les italiennes. Son châssis étonnement très équilibré la rend relativement confortable et sa boîte 4 vitesses non synchronisée lui offre un attachant caractère.
Cette vaillante grand-mère italienne dévore donc les kilomètres depuis plus de 73 ans sans broncher et cette énième étape que représente la Mille Miglia 2023 dans sa carrière n’est pas parvenue à ébranler ne serait-ce qu’un seul de ses boulons. Parfois malmenée par nos changements de rapports disgracieux, nos freinages un peu courts et nos prises de roulis hasardeuses, la Fiat a brillé par son inlassable entrain, perpétuellement accompagné de son caractéristique bourdonnement autant plaisant que mélancolique.
En bref, une véritable nonna italienne: attachante, pleine de charme et qui semble profondément expérimentée, voire imperturbable dans l’accomplissement de cet itinéraire sinueux et exigeant.
- Karl-Friedrich Scheufele et Jacky Ickx sur la ligne de départ à Brescia
L’humilité touchante d’une amitié à toute épreuve
Loin du partenariat au dessein commercial et opportuniste, le lien fort qu’a tissé la maison Chopard avec cette course historique prend tout son sens lorsqu’on saisit la nature de l’amitié qui lie Karl-Friedrich Scheufele, coprésident de Chopard, à l’illustre champion automobile et gentleman driver Jacky Ickx. J’ai eu la chance de m’entretenir avec eux avant le départ et cette discussion m’a amené à voir, au travers de leur subtile relation, l’essence même de la singularité de cette course: son aptitude à rassembler.
Si tous deux, chacun à sa manière, ont une pratique éprouvée de l’automobile, c’est en 1989 que, presque par hasard, ils se rencontrent et font équipe à bord de la désormais mythique Mercedes-Benz 300 SL à la teinte metallic raspberry. Jacky Ickx s’amuse même à raconter qu’avant d’arriver à Rome, il s’est assoupi sur le siège du copilote, symbolisant la confiance totale qui a régné quasiment instantanément entre les deux hommes.
Après plus de douze participations côte à côte, les deux aiment à dire humblement que désormais ils sont «dans une affaire de famille». Cette affaire de famille, Chopard l’a également concrétisée avec les organisateurs de la course, comme le rappelle Karl-Friedrich Scheufele: «L’idée ne venait pas d’une quelconque opportunité relevée par des équipes marketing, mais uniquement de l’affection personnelle que j’ai instantanément portée à la course et au charme qui la caractérise.»
Une montre intrinsèquement liée à la course et vice versa
Cela fait 36 ans que Chopard, année après année, célèbre le partenariat avec la Mille Miglia, notamment en proposant une collection devenue emblématique portant le nom de la compétition. Si les modèles ont évolué dans le temps, des éléments forts de design ou des fonctionnalités s’inspirant de l’univers automobile sont systématiquement présents: on peut penser au chronographe à échelle tachymétrique, à la finition perlage du cadran rappelant les tableaux de bord ou encore au bracelet en caoutchouc inspiré des motifs des pneus des voitures de course.
À chaque édition, Chopard présente une ou plusieurs nouveautés dans la collection Mille Miglia et, cerise sur le gâteau, offre une montre à chaque équipage participant à la course. Une générosité qui fait notamment le bonheur des pilotes réguliers qui, année après année, ont vu leur collection s’étoffer de garde-temps symbolisant l’esprit de chacune des éditions de la compétition.
Cette année, quatre nouveaux chronographes ont été dévoilés par Chopard. L’inspiration vintage est bien présente et vient renforcer l’aspect historique du partenariat. Le boitier contenu de 40 mm, les poussoirs «champignon», les attaches soudées et surtout des cadrans aux couleurs inspirées des peintures des bolides de la première partie du 20ème siècle sont autant de témoins de cette esthétique vintage et de cette inspiration automobile.
En plus des chronographes Mille Miglia Classic, Chopard a également produit une version très spéciale de sa plus grande Mille Miglia GTS Chrono (44 mm) en édition limitée à 100 exemplaires, la Mille Miglia GTS Chrono Limited Edition Italy.
Finalement, c’est avec cohérence que Chopard continue de célébrer son lien à cette course historique. On imaginerait aujourd’hui difficilement la Mille Miglia sans la présence de Chopard et on aurait de la peine à concevoir Chopard sans sa collection au nom évocateur.
En définitive, le souffle qui anime cet évènement m’a foncièrement surpris et touché: ce sont les relations entre les pilotes et les badauds, celles des grands-mères avec leurs petits-enfants au passage du cortège, l’humilité de l’amitié de messieurs Scheufele et Ickx ou tout simplement les liens des Italiens entre eux qui font l’âme de la course.
Cette âme qui, certes, a fait vibrer les ressorts du siège sur lequel j’étais assis, mais qui m’a surtout permis de réaliser l’importance de cette notion de «rassemblement»: je dois l’avouer, cela n’a fait que valider l’amour profond que je porte à cette Italie où le temps semble s’être figé.