l faut croire que, conscient ou non, le besoin de communauté, de rassemblement autour d’un objet commun, ne saurait mourir dans l’industrie horlogère. La foire de Bâle avait laissé un vide, sa disparition laissant orpheline la communauté horlogère. Et pourtant, il semble bien que l’«esprit de Bâle» soit petit à petit en train de renaître à Genève, longtemps cité rivalisant pour accueillir les frontispices majestueux des stands des horlogers.
Mais l’horlogerie ne se résume pas aux grandes enseignes. Elles-mêmes dépendent d’une multitude d’intervenants, de relais, de savoirs, de maîtrises, d’éducateurs ainsi que d’intermédiaires, d’influenceurs, de petites mains… mais aussi d’outils, de machines, de technologies, de logistique. Bref, tout un écosystème d’interdépendances. Une «communauté», entre ombre et lumière.
Bâle avait en effet cette qualité de savoir mélanger en un lieu et un moment tous ses représentants, d’où qu’ils viennent. Ils ne faisaient peut-être que se croiser, voire pour certains s’éviter, mais on ne pouvait pas ignorer l’existence d’un tout (même si tous n’en n’avaient pas la même conscience). Sentir sa vibration.
Des bords du Rhin, cette «communauté» est en train de se reconstituer aux bords du Rhône. Autour du noyau de l’ex-SIHH devenu Watches and Wonders s’agrègent chaque année de plus en plus de pèlerins horlogers, qui installent leurs campements par dizaines un peu partout dans la ville et dans ses environs.
Cette année, les marques présentes au rendez-vous, que ce soit dans le in ou dans le off, dépassent déjà largement la centaine... Et plus il y en a, plus il y en aura. C’est un phénomène mécanique partout constaté. Prenez par exemple le festival de cinéma de Cannes: tout le monde veut y être, que ce soit en pleine lumière du Concours ou dans les allées souterraines du Marché.
Bien sûr qu’il y a beaucoup de bruit et que la petite musique de chacun peut se noyer dans le brouhaha. Certains ont naturellement la tentation de faire bande à part mais avant la «fête» personne n’a le temps, et après, tout le monde en a plein les oreilles – et certains plein les poches. Alors autant en être.
Il est donc à parier qu’année après année, le phénomène va s’amplifier. Cependant Genève va certainement rester dispersée au contraire de Bâle qui réunissait tous dans un lieu unique ou presque. L’esprit n’est plus tout à fait le même mais l’irrésistible tropisme qui nous pousse à être ensemble ne saurait quant à lui faiblir.