e très sérieux coup de frein subi par l’industrie horlogère suisse en 2016 a au moins un mérite: celui de mettre à nu le paysage, de révéler au grand jour forces et faiblesses de chacun des acteurs, de pousser à l’introspection, de rebattre les cartes.
Dès les premiers signaux d’un début de retournement de tendance, l’industrie a pointé du doigt la politique du franc fort puis fustigé le pouvoir chinois et ses campagnes anti-corruption. Elle s’est désolée des sanctions contre la Russie, a subi les conséquences du terrorisme, a fait le dos rond en attendant la fin de l’interminable campagne électorale américaine, tout en craignant l’émergence de la montre connectée mais sans y trouver encore de vraie réponse.
Bref, les coupables désignés seraient tous extérieurs au vrai sérail horloger. Mais force est de constater que les raisons et les responsabilités de ce sacré ralentissement sont aussi à trouver à l’intérieur même du vaste complexe «horlo-industriel». Dit plus crûment, industriels, marques et détaillants, chacun à sa façon s’est tiré une balle dans le pied (et les médias, soit-dit en passant, ont tenu le pistolet). Les industriels ont tellement misé sur une inexorable croissance qui, à leurs yeux, ne pouvait que grimper d’année en année, qu’ils se trouvent aujourd’hui en état de grave surcapacité à tous les étages de la chaîne (lire à ce propos notre minutieuse enquête sur les surcapacités dans le domaine des mouvements, Europa Star 4/16).
Les marques, qui ont pour la plupart cédé à une surenchère économique, mécanique et stylistique, se retrouvent aujourd’hui avec d’énormes stocks sur les bras dont on ne sait plus trop que faire – si ce n’est aller récupérer les diamants et fondre les boîtiers d’or, c’est déjà ça de gagné. Quant aux détaillants, qui ne savent plus à quel «réseau» réel ou virtuel se confier, ils se sont lancés dans une guerre du discount qui a alimenté le marché gris et fini par faire fondre les marges.
Bref, l’horlogerie dans son ensemble et dans son système a la gueule de bois et, plus grave encore, cette situation ne va pas se redresser de sitôt. Car tous ces facteurs de crise, extérieurs et intérieurs à l’industrie horlogère, se doublent d’une question plus perturbante encore – et un peu plus taboue: un certain désamour envers l’horlogerie commencerait-il à se faire jour ? La glorieuse horlogerie, à la fois historique et si moderne, serait-elle est en train de perdre son statut de marqueur social et voir son prestige pâlir auprès de larges couches de la population? L’horlogerie court-elle le risque de devenir peu à peu has been? Pour tenter de mieux comprendre ce qui est en train de se passer dans cette horlogerie et d’évoquer des pistes pour l’avenir, il nous a semblé que l’approche la plus révélatrice est celle du prix ! Comme le résume parfaitement un de nos confrères (Yvan Radja dans Le Matin Dimanche du 18.09.2016): «Déconnectée de sa clientèle après des années de prix surfaits, l’horlogerie doit se réinventer.» Mais comment?
Impossible de faire le tour d’un question à nombreux «fuseaux» et moult «complications». Mais pour tenter d’y voir plus clair, nous avons sondé, interrogé, discuté avec un large panel d’acteurs et d’observateurs du milieu: industriels, horlogers, distributeurs, détaillants, déstockeurs, analystes…
Qu’en est-il de la question du prix?
NOTRE DOSSIER SPÉCIAL PRIX DES MONTRES:
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La pléiade des prix
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«Les détaillants doivent se transformer en galeristes»