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LA FAUTE À LA CHINE?

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ous n’allons pas aligner les chiffres concernant la Chine et Hong Kong, souvent accusés d’être au coeur de la crise actuelle. Il est vrai que l’horlogerie suisse étant devenue fortement sino-dépendante, il a suffi de la décision politique d’un homme, Xi Jinping, et du changement de braquet d’un régime pour perturber tout l’écosystème...
Mais le mouvement baissier amorcé au cours de ces deux dernières années (la Chine conjuguée avec les autres tensions internationales) n’est objectivement pas de même nature que la crise issue de la finance qui s’est faite sentir de novembre 2008 à décembre 2009. Après une subite mais relativement brève plongée d’une année atteignant les 25%, les exportations suisses avaient repris d’un coup, grimpant de + 10% dès janvier 2010, et dépassant déjà les + 30% en mars.

Une des clés de la situation actuelle se trouve sans doute là: dès 2010, c’est reparti comme avant. L’horlogerie suisse semble n’avoir retenu aucune leçon de la dite «crise des subprimes». La forte baisse de la demande chinoise (ou plus exactement le subit frein mis à l’offre) a inauguré une crise d’une toute autre nature qui, se conjuguant avec d’autres facteurs, en fait un véritable tournant. Une crise des prix, ou plus exactement une crise alimentée par la question des prix, mais aussi une crise d’identité.

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Alors qu’en 2010 l’horlogerie pensait pouvoir repartir comme avant et viser à nouveau les étoiles, il en va différemment en 2017.

En Chine, tout a commencé pour des raisons essentiellement de politique intérieure et de prise de contrôle de l’appareil par Xi Jinping. Et dans un contexte général de ralentissement de la croissance économique chinoise, il fallait aussi rassurer l’immense classe moyenne émergente en donnant des gages d’intégrité, de fermeté et de lutte contre la corruption si répandue, voire dominante.

La campagne anti-corruption, telle qu’on l’a désignée, est avant tout la mise en scène spectaculaire de cette volonté politique. Et quoi de plus symbolique à viser que la «montre de corruption», si fièrement et ostensiblement portée comme un petit «coffre-fort» ambulant au poignet du puissant, du demi-puissant voire même du moyen fonctionnaire?

Mais outre son rôle politique, face visible de cette campagne, son volet économique s’est matérialisé presque en même temps quand des restrictions d’importation ont été édictées à l’intention des touristes chinois. Fini de revenir d’un tour du monde avec des brassées de cadeaux. Fini de ramener de Hong Kong ces business gifts qu’on distribue en vastes cercles!

Et comme le dit avec malice Jean- Christophe Babin, CEO de Bulgari: «Quand on n’achète pas avec son argent, on est plus généreux. Dès lors que la Business class n’est plus disponible, on est plus attentif.»

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En réponse à la baisse des exportations, l’usine du monde doit se transformer et se concentrer à présent sur sa demande intérieure. Des centaines de millions de Chinois sont sommés de consommer chinois, en Chine. En lançant sa campagne anti-extravagance et anti-corruption et en mettant un frein drastique aux achats à l’étranger, Xi Jinping a poussé du doigt le premier domino. Le deuxième est tombé sur Hong Kong puis, de hub en hub, il en est tombé jusqu’à Paris, Lucerne ou Interlaken.

IN MARCH 2015, JULIE LAULUSA, AN ASTUTE AND KNOWLEDGEABLE EXECUTIVE FROM THE MAZARS CONSULTING GROUP, DETAILED TO EUROPA STAR:

“The anti-extravagance and anti-corruption campaign began to have an impact on sales in mid-2012, although at that point the effects were relatively mild. In 2013 things began to snowball, with the result that sales fell sharply, by around 30-40%. That year, sales of high-end watches were estimated at $653 million, the same figure as 2004! This was no coincidence: the luxury watch, a discreet and yet greatly appreciated gift, had become a symbol of corruption. Bloggers and contributors to internet forums, in publicising the campaign, accentuated the impact even further”. (Europa Star, March 2015)

HAS THE “ANTI-EXTRAVAGANCE” CAMPAIGN PLAYED A ROLE IN THE STYLISTIC EVOLUTION OF SWISS WATCHES?

Julie Laulusa: “The anti-extravagance campaign, the moral prong of the anti-corruption campaign, followed a similar pattern. The watches that came in to replace the old stock were different; stylistically, they had no visible signs of extravagance. To give an example of how anti-extravagance was implemented in practice, in 2013, Louis Vuitton was forced by the Shanghai authorities to withdraw the oversized trunks on display outside its shop.
In the view of the Chinese, a watch, and particularly a Swiss-made watch, should be made to last; you should be able to hand it down to the next generation. Engineering and functionality have increased in importance.
As sales of watches intended as ‘gifts’ have dropped sharply, the customer profile has changed: clients are buying for themselves; they are investing, rather than spending. Little by little, the Chinese market is maturing”. (Europa Star, March 2015)