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ACROTEC, UNE TAILLE CRITIQUE FACE AUX PRESSIONS



ACROTEC, UNE TAILLE CRITIQUE FACE AUX PRESSIONS

Après la série de rachats de l’an passé, le groupe Acrotec continue cette année, acquérant coup sur coup trois nouveaux sous-traitants: Gasser-Ravussin, H2i et Mimotec. Et ce n’est pas fini. Employant plus de 600 personnes au sein de 11 entreprises, il s’est profilé comme un catalyseur en période de crise. Alors, en sous-traitance, faut-il désormais se concentrer pour résister aux crises? Entretien avec François Billig, président du groupe Acrotec.

ACROTEC, UNE TAILLE CRITIQUE FACE AUX PRESSIONS
François Billig, président du groupe Acrotec

Si une marque horlogère vient vous consulter, que pouvez-vous lui proposer?

Nous pouvons lui fournir quasiment toutes les pièces qui composent le mouvement. Si l’on prend l’image éclatée d’un calibre horloger, la seule pièce importante qui nous échappe est... l’échappement. Mais il y a de l’offre en la matière, notamment sur le marché du spiral en silicium.

Pourquoi, dans ce cas, ne pas proposer vos propres mouvements?

Ce que nous ne voulons jamais faire serait de devenir concurrents de nos clients! Et il s’agit tant de manufactures que de fabricants de calibres. Il nous arrive cependant de livrer jusqu’à la moitié du mouvement assemblé. Il y a un avantage à l’intégration de plus en plus de compétences et de pièces, c’est que nous livrons de plus en plus de kits. Cela a été tout un parcours: au début nous fournissions des pièces unitaires brutes, puis revêtues, puis des sous-ensembles et aujourd’hui ce sont les kits qui ont la cote. C’est ce qui s’est produit également dans l’industrie automobile, où les sous-traitants ne livraient que des pièces unitaires au départ, avant de se développer.

Quels sont les avantages des kits?

Aujourd’hui, nous économisons notamment sur la logistique en fournissant directement des kits, car travailler à la pièce unitaire nécessitait davantage d’allers et retours. Notre coût de production est réduit, et nous pouvons également proposer des produits moins chers. Nous faisons appel à toutes nos ressources: par exemple, nous mobilisons quatre de nos entreprises pour la conception d’un barillet complet. Certaines fournissent le ressort, d’autres l’arbre et d’autres encore le tambour. A la fin, l’horloger a un produit complet et fonctionnel qui facilite le montage. Et nous prenons la responsabilité du produit. Il n’y aura donc pas de «faute» à attribuer à l’interne de la manufacture...

Est-ce que vos récents rachats d’autres sous-traitants compensent les effets du ralentissement horloger?

Disons qu’il est clair qu’à une époque où l’état du marché est insatisfaisant – notamment les niveaux de stocks – les clients ont tendance à conserver leurs sous-traitants stratégiques. Nous augmentons nos chances de figurer parmi ceux-ci en proposant différentes pièces, d’autant plus si elles sont relativement exclusives. Il y a peut-être 200 fabricants de vis en Suisse, mais que trois fabricants de pare-chocs. Les sous-traitants qui ne se concentrent que sur une opération ont moins de chances de subsister. D’autant que, du fait des investissements qui ont été consentis lorsque les volumes horlogers étaient plus élevés, le parc de machines en Suisse est aujourd’hui beaucoup trop important, par rapport à la production effective. Nous voulons nous profiler sur l’exclusivité. Notre taille critique assure, d’autre part, que nous ne serons pas rachetés par un concurrent. Par ailleurs, nous n’investissons pas que dans l’horlogerie: aujourd’hui, l’électronique se porte beaucoup mieux et nous comptons miser davantage sur le médical. Les activités non horlogères (automobile, médical, aéronautique...) viennent d’ailleurs de dépasser les activités horlogères dans notre chiffre d’affaires, qui s’élève à plus de 150 millions de francs.

Comment comptez-vous vous «profiler sur l’exclusivité»?

Par l’innovation. C’est tout le sens du rachat récent de H2i. Nous intégrons leurs nouveautés à nos compétences en micromécanique. Au salon EPHJ, nous présentons non seulement un appareil de mesure chronométrique qui s’adresse aux particuliers, mais également un second appareil qui permet en plus de démagnétiser la montre. Alors que les problèmes de magnétisme ne cessent de croître et que tous les horlogers veulent des produits amagnétiques, nous nous adressons autant aux collectionneurs qu’aux marques et aux détaillants avec cette innovation.

Avez-vous d’autres rachats en tête?

Ils sont déjà en cours! Le dénominateur commun entre ces rachats est que la micromécanique doit rester notre cœur de métier. Aujourd’hui, on nous connaît davantage et on sait que notre modèle fonctionne: nous sommes donc de plus en plus sollicités, nous ne devons plus engager nous-même le premier pas, notamment dans un contexte de sous-traitance où les successions sont souvent délicates. Nous avons mis en place une structure fédéraliste qui ne dénature pas les entreprises qui la rejoignent, alors que d’autres groupes sont beaucoup plus directifs. Personne n’est «embrigadé», et en même temps nous utilisons la force du nombre. En Suisse et à l’étranger, nos vendeurs font la promotion de toutes les entreprises du groupe.

Il faut bien se rendre compte que le marché horloger reste limité et que l’une des pistes d’avenir est l’application de technologies issues de l’horlogerie à d’autres domaines. Déjà, les pierres d’horlogerie peuvent être utilisées dans les buses hydrauliques à haute précision ou dans l’industrie aérospatiale. Mais cela prend du temps si l’on veut le faire sérieusement.