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Ebel veut profiter de la domination du sport-chic

ENTRETIEN

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décembre 2022


Ebel veut profiter de la domination du sport-chic

S’il y a une marque qui devrait tirer parti d’un segment qui monopolise toute l’attention de l’industrie, c’est bien Ebel – synonyme de sport-chic dans les années 1970 et 1980. La marque a cependant bien changé de profil depuis lors. Avec la relance de la collection 1911, son président Flavio Pellegrini espère percer à nouveau là où Ebel bénéficie d’une forte légitimité historique.

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ien qu’elle ne soit plus aujourd’hui au premier plan sur la scène horlogère, Ebel reste l’un des «secrets» bien gardés et appréciés dans une industrie friande de renaissances de noms du passé. Après avoir connu son âge d’or sous la direction éclairée de Pierre-Alain Blum, petit fils des fondateurs de la marque, en dominant le segment sport-chic et se trouvant même en charge de la production des montres Cartier, elle passe ensuite d’un groupe à l’autre: d’abord Intercorp en 1994, puis LVMH en 1999, enfin Movado Group, qui rachète Ebel en 2004.

La stratégie de la marque est tout aussi variable. Progressivement, elle finit par se recentrer sur l’«élégance féminine» – la clientèle d’Ebel est aujourd’hui à 80% composée de femmes. Elle se concentre aussi sur quelques marchés-clés, comme l’Allemagne ou les pays du Golfe.

Quelque 80% de la clientèle d’Ebel est féminine. La marque produit une majorité de modèles or-acier à mouvement quartz.

Dans les années 1970 et 1980, Ebel investit le domaine du sport. Aujourd'hui, le segment sport-chic domine le paysage créatif de l'industrie horlogère.
Dans les années 1970 et 1980, Ebel investit le domaine du sport. Aujourd’hui, le segment sport-chic domine le paysage créatif de l’industrie horlogère.
©Archives Europa Star

Aujourd’hui, tous les indicateurs se trouvent au vert pour une renaissance du segment masculin sport-chic, ancien terrain de jeu privilégié d’Ebel, qui domine à présent l’horizon de l’industrie. En charge de la marque, Flavio Pellegrini, président d’Ebel et de Concord ainsi que de la région Europe au sein de Movado Group, souhaite justement explorer à nouveau ce segment, avec la relance de la collection 1911 (en référence à l’année de naissance de la marque). Nous l’avons rencontré.

D'un diamètre de 42 mm, la nouvelle Ebel 1911 Marine avec cadran galvanique bleu intense, étanchéité à 200 mètres et lunette rotative unidirectionnelle, est équipée d'un mouvement Sellita SW300-1 automatique.
D’un diamètre de 42 mm, la nouvelle Ebel 1911 Marine avec cadran galvanique bleu intense, étanchéité à 200 mètres et lunette rotative unidirectionnelle, est équipée d’un mouvement Sellita SW300-1 automatique.

Europa Star: Quel est le profil de la marque Ebel aujourd’hui?

Flavio Pellegrini: En 2016, Efraim Grinberg (le propriétaire de Movado Group, ndlr) m’a demandé de reprendre la gestion de la marque, qui est essentiellement centrée sur une clientèle féminine. Nous avons identifié plusieurs fondamentaux pour diversifier nos débouchés, dont l’élément central est le modèle Sport Classic lancé en 1977, que nous avons relancé dès 2017 afin de réinvestir le segment du sport-chic.

Cela a été un succès immédiat, sur une gamme plus élevée que nos collections traditionnelles: si le prix moyen chez Ebel est de CHF 2’500, le best-seller dans cette collection est sans conteste le modèle or-acier à CHF 4’800. Nous avons une vraie légitimité dans le sport-chic et cela nous permet de remonter en gamme: aujourd’hui la Sport Classic représente 60% de nos ventes et nous sommes représentés chez des détaillants prestigieux comme Wempe pour cette ligne.

Un article sur Pierre-Alain Blum et les montres sport d'Ebel paru en 1980 dans Europa Star
Un article sur Pierre-Alain Blum et les montres sport d’Ebel paru en 1980 dans Europa Star
©Archives Europa Star

La relance de la collection 1911 s’inscrit-elle dans cette même logique?

Oui. Nous avons été un peu freinés dans cette relance du fait du Covid mais la 1911 vient parachever ce travail de redéfinition des fondamentaux d’Ebel. Avec la Sport Classic, elle va représenter un deuxième pilier solide pour la marque, avec un positionnement prix similaire, soit entre CHF 3’000 et 6’000. Nous avons commencé à livrer les modèles 1911 en octobre et devons déjà revoir nos processus de livraison car la demande est forte.

«Aux côtés de la Sport Classic, la 1911 vient parachever le travail de redéfinition des fondamentaux d’Ebel.»

La nouvelle Ebel 1911 Grande de 34 mm
La nouvelle Ebel 1911 Grande de 34 mm

Néanmoins, Ebel n’a pas encore retrouvé son éclat d’antan, dans une période pourtant extrêmement favorable au sport-chic. Est-ce que cela passe par une revalorisation de vos modèles vintage sur un marché secondaire en plein boom?

Nous devons surtout accroître notre visibilité. Aujourd’hui, nous sommes présents dans environ 700 points de vente mais avons le potentiel d’une plus forte exposition globale. L’année prochaine, nous envisageons notamment de développer la présence de la marque en Chine. Nous y sommes aujourd’hui surtout présents en ligne mais la filiale de Movado Group ne nous y représente pas encore. Aux Etats-Unis également, nous nous sommes concentrés sur la vente en ligne mais nous devrons à un moment revenir en force dans le réseau physique. C’est l’avantage d’une «belle endormie», on peut la réveiller comme on veut. Et le travail paie: Ebel est aujourd’hui très rentable, nous ne sommes pas sous pression financière.

«Ebel est aujourd’hui très rentable, nous ne sommes pas sous pression financière.»

Ebel Sport Classic Lady Stardust
Ebel Sport Classic Lady Stardust

Faire partie d’un groupe spécialisé dans la montre fashion et de volume ne constitue-t-il pas un frein à votre retour en grâce souhaité dans la montre classique et patrimoniale?

Nous avons aujourd’hui une autonomie plus grande qu’auparavant. Ainsi nous pouvons avancer de manière sereine. Le propriétaire du groupe reste passionné par la marque qu’il a rachetée il y a près de 20 ans et le marché joue en notre faveur. Ebel est une marque à la personnalité assez unique, qu’il faut en effet savoir bien communiquer et partager. Et pour revenir à votre question précédente, nous voyons une cote qui monte progressivement sur le marché secondaire, notamment sur les modèles équipés du Calibre 137, même si nous ne sommes pas encore au niveau des ventes aux enchères.

Il a déjà fallu faire un travail important de nettoyage du marché et des collections qui n’étaient plus appropriées. C’était la base car beaucoup de liquidateurs jouaient avec la marque… Aujourd’hui, nous n’avons plus d’exercice à mener sur l’inventaire, ce qui est essentiel pour la valorisation sur le marché secondaire. Avant de faire monter la cote, il faut commencer par enrayer la décote.

Quels sont vos marchés principaux aujourd’hui?

Si l’on considère les chiffres par pays, c’est l’Allemagne. Par région, c’est le Moyen-Orient. Nous venons d’ailleurs d’ouvrir une boutique à Koweït qui reprend les codes de la Villa Turque dessinée par Le Corbusier à La Chaux-de-Fonds, qui est le siège de notre marque. La relation avec le Moyen-Orient est ancienne: déjà dans les années 1980 et 1990, beaucoup de familles régnantes portaient des modèles Ebel. Nous y sommes encore aujourd’hui très appréciés comme cadeaux d’affaires ou d’apparat, car la marque y est synonyme de qualité. Le style or-acier avec pierres précieuses y plaît beaucoup, la nacre également.

«Aujourd’hui, nous n’avons plus d’exercice à mener sur l’inventaire, ce qui est essentiel pour la valorisation sur le marché secondaire. Avant de faire monter la cote, il faut commencer par enrayer la décote.»

Ebel Sport Classic Lady Malachite
Ebel Sport Classic Lady Malachite

Quel est le profil de votre clientèle?

Je peux vous donner trois chiffres: 80% de notre clientèle est féminine, nous produisons 80% de modèles quartz et 80% des montres que nous vendons sont en or-acier. La ligne 1911 marque notre volonté de reconquérir un public plus masculin. Ce modèle a été conçu en 1986 par Pierre-Alain Blum pour les 75 ans d’Ebel – l’année du rachat de la Villa Turque. A l’époque, elle était équipée du mouvement El Primero et Don Johnson la portait dans la série Miami Vice! Pour clore notre repositionnement, il nous fallait donc revenir à la 1911.

L'Ebel 1911 Grande bicolore arbore un cadran en nacre ocre et une lunette en or jaune 18 carats.
L’Ebel 1911 Grande bicolore arbore un cadran en nacre ocre et une lunette en or jaune 18 carats.

Comment l’avez-vous retravaillée?

Comme pour la Sport Classic, nous avons respecté le plus possible la pièce d’origine. Ce qui la distingue particulièrement, c’est sa lunette plate. Chacun des modèles est livré avec un bracelet supplémentaire. Nous la positionnons à CHF 2’800 en version automatique et CHF 2’150 en version quartz. Nous déclinons aussi ce modèle en versions féminines, en or-acier et cadran nacre.

De quels avantages logistiques vous fait profiter le groupe?

Toute notre chaîne d’approvisionnement est mutualisée avec les autres marques Swiss made du groupe, Movado et Concord. Mais la partie technique est propre à Ebel. Nous travaillons avec des partenaires externes et assemblons en Suisse.

L'Ebel 1911 Grande arbore un cadran en nacre rehaussé de diamants et une lunette sertie de diamants. Or jaune 18 carats et acier inoxydable.
L’Ebel 1911 Grande arbore un cadran en nacre rehaussé de diamants et une lunette sertie de diamants. Or jaune 18 carats et acier inoxydable.

Quel avenir voyez-vous pour la marque?

Nous allons profiter de la tendance sport-chic et de la cohérence retrouvée de notre offre. De plus, certaines marques sortent de la distribution traditionnelle et les détaillants cherchent des alternatives: nous avons le bon profil pour nouer de nouveaux partenariats. Sans parler des modèles uniquement disponibles sur liste d’attente: là aussi, nous présentons une alternative intéressante. D’ailleurs nous avons vite retrouvé des volumes conséquents après le Covid, de l’ordre de 25’000 pièces par an. Des niveaux qui n’avaient plus été vus depuis dix ans chez Ebel.

Un dernier mot sur le tennis – votre domaine de sponsoring historique, mais aujourd’hui largement occupé par d’autres marques. Envisagez-vous d’y retourner?

C’est déjà le cas! Nous sponsorisons quatre tournois de tennis, essentiellement féminins, ceux de Lausanne, Montreux, Bad Homburg et Hambourg sur le circuit WTA et ATP. Nous allons y poursuivre nos efforts.

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