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Horlogerie Gucci: «Après 50 ans, le meilleur reste à venir»

ENTRETIEN

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décembre 2022


Horlogerie Gucci: «Après 50 ans, le meilleur reste à venir»

En avril dernier, Gucci présentait sa dernière collection de garde-temps au sein d’une maison de maître dans le canton de Genève pendant le salon Watches & Wonders. L’occasion de se rendre compte qu’une page avait été tournée et qu’il fallait désormais compter sur la maison italienne pour créer des montres à la fois compliquées et disruptives. Entretien avec Maurizio Pisanu, Managing Director Watches & Jewelry de Gucci.

C

inquante ans. Cela fait cinquante ans que Gucci a apposé pour la première fois son logo hautement reconnaissable avec ses deux G qui s’embrassent sur un cadran de montre suisse. Les montres signées par la maison italienne ont longtemps été synonyme de «fashion» et n’ont jamais véritablement été prises au sérieux par les amateurs de belle horlogerie. Elles étaient considérées, au mieux, comme des accessoires de mode, certaines ayant d’ailleurs fait fortement parler d’elles comme le fameux modèle G G 3600 L en acier avec le cadran carré en forme de G à la fin des années 1990. Mais un design puissant ne remplacera jamais une belle mécanique dans le cœur des amateurs horlogers.

Gucci Wonderland: une célébration du cinquantième anniversaire de Gucci dans le paysage horloger suisse
Gucci Wonderland: une célébration du cinquantième anniversaire de Gucci dans le paysage horloger suisse

Or depuis 2021 et la nomination de Maurizio Pisanu à la direction générale de l’horlogerie et de la joaillerie de Gucci, les choses ont commencé à changer. On lui a donné carte blanche, ou presque, pour dorer le blason de la marque, propriété du groupe Kering, et la faire entrer dans la sphère très fermée de la haute joaillerie et de la haute horlogerie. Le virage, radical, fut amorcé en 2021 lorsqu’est apparue la nouvelle collection Gucci 25H, dotée du calibre GG727.25 conçu en interne et dont certains modèles étaient animés d’un tourbillon positionné à 6 heures créé par un concepteur horloger basé dans le canton de Neuchâtel.

Mais la montée en gamme de la marque s’est renforcée cette année. Pendant le salon Watches & Wonders, qui s’est tenu à Genève du 30 mars au 5 avril dernier, la maison Gucci avait investi une superbe maison de maître avec vue sur le lac, afin de dévoiler ses dernières collections horlogères dans une mise en scène digne du pays des merveilles. Les visiteurs privilégiés ont pu découvrir quelques pièces totalement inattendues sous la signature de Gucci: la Gucci 25H Skeleton Tourbillon, un tourbillon squelette dessiné de manière extrêmement contemporaine et surtout un modèle à la douce folie: la G-Timeless Planetarium. A la place des heures, ce garde-temps possède douze pierres précieuses qui tournent sur elles-mêmes sur le cadran. Celui-ci possède en son centre un tourbillon géant qui lui aussi anime le cadran.

La G-Timeless Planetarium est dotée de douze pierres précieuses tournant à la place des index et d'un tourbillon géant au centre du cadran.
La G-Timeless Planetarium est dotée de douze pierres précieuses tournant à la place des index et d’un tourbillon géant au centre du cadran.

Une manière très osée de fêter le 50ème anniversaire de Gucci Swiss Timepieces. Cette pièce est à la fois une complication horlogère et un objet de haute joaillerie, une curiosité née dans l’esprit foisonnant d’Alessandro Michele, qui fut pendant sept ans le directeur artistique de la maison et qui a quitté Gucci le 23 novembre. L’homme qui rend possibles toutes ces créations, parfois impossibles, est Maurizio Pisanu, Managing Director Watches & Jewelry and Global Director High End, Decor & Lifestyle. Depuis qu’il dirige les deux départements, il a mis sur pied une stratégie globale qui concerne à la fois le produit, l’identité visuelle, la distribution et les différentes catégories. Nous l’avons rencontré au bord du lac de Neuchâtel.

Horlogerie Gucci: «Après 50 ans, le meilleur reste à venir»

Europa Star: Europa Star: Depuis que vous avez été nommé à la tête de l’horlogerie et de la joaillerie de Gucci, vous avez fortement réduit le nombre de collections horlogères. Cela fait partie de votre nouvelle stratégie?

Maurizio Pisanu: En effet, plus on a de collections, plus on a de messages et finalement, moins l’on a de message. Aujourd’hui, notre horlogerie s’appuie sur quatre piliers, sur lesquels nous allons construire et investir. Le plus récent est la montre Gucci 25H, qui possède une esthétique spécifique. Il s’agit d’un modèle plat de 8 mm d’épaisseur, un intemporel. Nous avons également introduit cette année dans cette gamme le tourbillon squelette et l’an prochain ce sera le tour de nouvelles complications. Ce modèle va devenir une icône de Gucci.

Ensuite, il y a la G-Timeless que nous ornons de détails très identitaires comme les serpents ou les abeilles, qui la rendent différente. En troisième lieu, il y a la famille des montres sportives, la Gucci Dive, qui existe depuis 20 ans et que nous faisons monter en gamme. Et enfin, nous arrivons au chapitre des montres joaillières. La vision esthétique d’Alessandro Michele n’avait rien à voir avec l’univers horloger mais c’est justement ce qui a fait la différence. D’une part, il y a la technique - tous nos mouvements sont Swiss made - et d’autre part l’esthétique hautement reconnaissable. Nous ne pouvions pas rester dans un segment moyen de gamme et nous avons tout ce qu’il fallait pour en sortir. Le meilleur est encore à venir…

Gucci G-Timeless Dancing Bees Tourbillon
Gucci G-Timeless Dancing Bees Tourbillon

Où souhaitez-vous positionner l’horlogerie Gucci?

En premier lieu, j’aime l’idée d’une horlogerie qui soit accessible, et pas seulement en termes de valeur. Voir de plus en plus de jeunes porter nos montres participe aussi à cette accessibilité. La communication horlogère classique évoque souvent l’idée d’une transmission de père en fils. Ce n’est pas notre propos. On achète un objet parce qu’il nous plaît, pas forcément pour le transmettre. Mais en parallèle à cela, nous souhaitons également monter en gamme, comme nous l’avons fait ces deux dernières années, raison pour laquelle nous mettons sur le marché des garde-temps disruptifs.

Nous sommes une entreprise qui était jusqu’à présent surtout perçue comme une marque de mode, mais nous avons aussi la capacité de créer un produit de haute horlogerie. Cela nous aura pris du temps mais nous y sommes parvenus. Nous avons lancé un tourbillon, mais nous pouvons envisager des répétitions minutes et d’autres complications qui parlent le langage de la marque. On n’attend pas de nous des complications classiques: notre univers est ludique, il est empli de couleur et d’émotion. Le luxe peut être amusant. Surtout après le Covid: on pense tous beaucoup plus à soi car on a pris conscience de la fragilité de l’existence.

Avez-vous eu carte blanche pour repositionner la marque?

Mon travail a consisté jusqu’à présent à mettre la technologie la meilleure possible, le grand savoir-faire des artisans, des horlogers, à la disposition de la vision créative d’Alessandro Michele et d’essayer de faire se rencontrer son univers, sa créativité, son imaginaire, avec le monde horloger qui est plus carré. Nous avons dû convaincre les horlogers de réaliser des choses qui ne se font ordinairement pas. Cela prend du temps mais c’est très intéressant.

Alessandro Michele s’est demandé par exemple si l’on ne pourrait pas lire l’heure d’une autre façon. L’idée de la G-Timeless Planetarium, avec ses douze pierres précieuses qui tournent sur elles-mêmes sur le cadran, est née comme cela. C’est une pièce de haute horlogerie joaillière: une complication dotée d’un tourbillon géant en son centre. Le mécanisme qui permet le fonctionnement de cette montre a nécessité deux ans et demi de développement. La montre donne aussi l’heure mais ce n’est pas la première chose à laquelle on pense quand on la regarde.

Gucci G-Timeless Moonlight
Gucci G-Timeless Moonlight

Vous n’êtes pas une manufacture à proprement parler: vos mouvements sont créés par des cotraitants. Que réalisez-vous finalement dans vos ateliers?

Nous réalisons les boîtes, les bracelets en métal - ceux en cuir sont fabriqués à Florence dans nos ateliers - et 100% de nos cadrans sont faits dans le Tessin chez Fabbrica Quadranti, une entreprise spécialisée dans les cadrans depuis 40 ans et que nous avons rachetée il y a environ 20 ans. Nous fabriquons les index et tous les détails décoratifs. Nous ne faisons pas les mouvements, mais le design et le développement des complications est réalisé chez nous. Ensuite, nous confions la production de nos idées à deux indépendants: l’un est spécialisé dans les complications et l’autre plus particulièrement dans les tourbillons.

Nous souhaitons intégrer de plus en plus la fabrication des mouvements, en tout cas créer des partenariats plus solides. Finalement, nous arrivons à produire 90% de nos montres. Les 10% restants correspondent aux pièces exclusives qui sont faites à l’extérieur. Nous en produisons très peu - entre 3 à 5 par an - mais elles complètent en beauté tout le travail sur l’évolution de la marque effectué durant ces six dernières années.

Gucci 25H Skeleton Tourbillon
Gucci 25H Skeleton Tourbillon

Vous êtes en train de repenser entièrement vos ateliers de Cortaillod, dans le canton de Neuchâtel. Qui les a restauré?

Nos propres équipes d’architectes, qui réalisent tous nos bureaux et nos magasins et connaissent parfaitement l’esthétique de la marque. Nous allons ouvrir un espace pour les expositions: nous possédons en effet des pièces exceptionnelles qui remontent aux années 1950, avant que nous soyons Swiss made, que nous aimerions faire découvrir. L’idée est de reconstituer nos archives et de les dévoiler dans cet espace, en suivant un parcours émaillé de pièces historiques. Outre nos ateliers, nous aurons aussi un showroom, un espace VIP, ainsi qu’une salle privée pour les clients. C’est important de montrer ce que nous savons faire.

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