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LE SWATCH GROUP, CHAMPION DU MOYEN DE GAMME

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LE SWATCH GROUP, CHAMPION DU MOYEN DE GAMME

Parmi les trois groupes qui dominent l’horlogerie suisse, seul le Swatch Group est d’origine essentiellement industrielle. Si Richemont et LVMH ont graduellement rattrapé une partie de leur retard en s’industrialisant à marche forcée, leur tropisme est et demeure le luxe (à l’exception de TAG Heuer chez LVMH, qui lance de solides incursions dans le milieu de gamme, et de Baume & Mercier.

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istoriquement et géographiquement, le Swatch Group a pour cœur la ville de Bienne dont le développement horloger s’est fait relativement tardivement, vers le milieu du XIXème siècle. Alors que Genève et la Vallée de Joux se sont depuis des siècles spécialisés dans la montre «artisanale» de haut de gamme, l’horlogerie biennoise a dès ses origines été fortement industrialisée et donc orientée vers une production de masse. Ou, en d’autres termes, vers la montre de moyen de gamme.

Cet héritage historique industriel se retrouve au cœur du Swatch Group dont les différentes marques «sont très disciplinées», comme l’explique Matthias Breschan, responsable de Rado. Chacune des marques du groupe couvre un territoire bien défini: «Dans la logique du Swatch Group, il y a l’entrée de gamme, le milieu de gamme, le haut de gamme et la gamme prestige. Les positionnements des marques du groupe restent ainsi clairs. Ceci dit, les différents segments se définissent par le prix: l’entrée de gamme est à moins de 1’000.-CHF; le moyen et le haut de gamme se situent entre 1’000.- CHF et 5’00.- CHF; la gamme prestige est au-dessus.» Dans l’éventail de l’offre du groupe on trouve donc un très solide portefeuille de marques précisément étagées de façon à couvrir tout le large spectre du moyen de gamme: Certina, Tissot, Mido, Longines, Rado et, tout en haut, Omega, un pied dans le moyen de gamme supérieur, l’autre pied dans le haut de gamme.

TISSOT, NAVIRE-AMIRAL DU MOYEN DE GAMME

Tissot est sans doute la marque de moyen de gamme la plus emblématique du Swatch Group. François Thiébaud, son président, a récemment répondu aux questions d’Europa Star.

François Thiébaud, CEO

  • En faisant de la quantité, on peut créer un outil industriel au service des gens!

«Avec quatre millions de montres par an, Tissot est une marque industrielle, mais notre objectif est toujours la montre qualitative à prix abordable. Nous évoluons sur une fourchette de prix située entre 400.- et 1’200.- CHF, pour une production annuelle d’environ 2 millions de montres quartz et 2 millions de montres mécaniques. Nous possédons 350 boutiques et sommes représentés dans environ 13’500 points de vente à travers le monde.»

  • La montre en or à prix argent

«Nous faisons du luxe accessible. Comme le veut le slogan, c’est la montre en or à prix argent! Un exemple de cette philosophie: en 1998, peu après être arrivé chez Tissot, je souhaitais introduire la glace saphir sur les montres, mais chaque glace coûtait 22.- CHF. Pour garder un prix de modèle à 295.- CHF, il me fallait une glace à 17.- CHF. Nicolas Hayek Sr. a tranché en notre faveur! Aujourd’hui une glace saphir coûte 5.- CHF. En faisant de la quantité, on peut créer un outil industriel au service des gens. Et ce n’est pas de la qualité moindre. Avec l’automatisation, les soudures d’une Fiat sont de meilleure finition que celles d’une Ferrari!»

  • La classe active

«Je préfère parler de classe active que de classe moyenne. Ce qui fait marcher la société, c’est la classe active, tous les gens qui font réellement tourner notre monde au quotidien. Il ne faut pas les oublier; s’il n’y a que des riches et des pauvres, une société ne fonctionne pas. Il faut revenir à cette classe active, qui va créer des entreprises, innover.»

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LE RETOUR AU MINIMALISME EST UNE BONNE NOUVELLE POUR RADO

Rado, pionnière et grande spécialiste de la montre en céramique, marque historiquement forte en Chine, est un peu un cas à part dans le moyen de gamme: peu de marques y misent avant tout sur le design et les matériaux. Propos recueillis auprès de Matthias Breschan, président de Rado.

Matthias Breschan, CEO

  • L’important est la relation entre prix et substance

«La question pertinente, pour moi, c’est de savoir ce que l’on offre, c’est la relation entre le prix et la substance. Ces 15 dernières années, nous avons assisté à beaucoup de repositionnements. Mais il s’agissait souvent uniquement de repositionner les prix, sans que la substance ne suive. C’est dangereux, car c’est une sorte de tromperie, de tricherie! Les marques qui se sont prêtées à ce genre de manœuvre sont les premières à avoir souffert.»

  • Le prix de vente moyen a baissé

«Rado se situe entre Tissot en bas et Omega en haut. Nos prix vont de 1’000.- à 3’000.- CHF, avec quelques modèles à 4’000.- CHF. Ceci a été vrai pour les dix années passées et le sera encore pour les dix ans à venir. Notre fourchette n’a pas changé. Par contre, ce qui a changé ces deux ou trois dernières années, c’est que les ventes ont été meilleures dans le bas de la fourchette que dans le haut. Le marché est plus sensible au prix, et le prix de vente moyen a baissé.»

  • Miser sur l’habillage

«La tendance est plus à un style épuré et minimaliste qu’à des montres de caractère. Et c’est plutôt une bonne chose pour Rado. D’autres se différencient par le mouvement, les complications. Ce n’est pas notre cas: nous misons sur l’habillage, les matériaux et le design. Mais notre chance est de voir aujourd’hui la céramique utilisée par beaucoup de marques, même dans le haut de gamme! Ces dernières années, la céramique est devenue un matériau noble et cela nous a beaucoup aidés.»

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MIDO, UNE CROISSANCE «ÉNORME»

Moins connue en Europe que Tissot, Mido jouit notamment d’un grand renom et d’une position historiquement très forte en Amérique latine. Une position que la marque, dont les prix s’étagent de 700.- CHF à 3’000.- CHF, cherche à étendre à d’autres régions du monde, notamment en Asie. Franz Linder, président de Mido, a répondu à nos demandes.

Franz Linder, CEO

  • La classe moyenne suisse n’est pas la classe moyenne indonésienne

«Mido s’adresse aux classes moyennes. Mais il faut noter toutefois que, par exemple, un professeur en Suisse et en Indonésie sont certes deux personnes de la classe moyenne mais avec un pouvoir d’achat d’une différence énorme. Un professeur en Suisse peut s’acheter sans problème une montre suisse, en Indonésie il lui faut faire bien plus de sacrifices car cela représente plus d’un mois de salaire.»

  • Le client en veut de plus en plus pour son argent

«Ces derniers temps, le client regarde de plus en plus près ce qu’il reçoit pour son argent. Ce souci de juste ratio entre prix et qualité est tout à notre avantage. Et ces derniers temps, nous avons senti un retournement en notre faveur. A une certaine époque, lorsque l’on cherchait des détaillants, bon nombre d’entre eux ne voulaient vendre que des montres très chères. Mais ces dernières années, cela a bien changé. Il y a aujourd’hui nombre de revendeurs haut de gamme qui cherchent à compléter leur offre avec des montres accessibles, car cela amène aussi du trafic dans le magasin. La situation de la distribution nous est devenue favorable.»

  • Encore du monde à conquérir

«Si l’on regarde les 25 millions de montres exportées de Suisse par rapport à la population mondiale, il y a encore beaucoup de place pour de la croissance, des volumes, hors de la montre connectée. Si je regarde nos ventes, Mido continue à gagner des parts de marché. Nous avons eu une croissance énorme ces dernières années car nous sommes restés fidèles à nos principes. Nos montres automatiques ont un rapport qualité-prix extraordinaire. Et le client cherche d’abord une montre de qualité avec un bon service après-vente.»

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CERTINA, LE PÔLE SPORTIF

Dans la palette qui se veut complète des marques moyen de gamme du Swatch Group, Certina remplit la case sportive. Une grande majorité de chronos, aptes à toutes les disciplines, des prix très mesurés et, comme le veut l’époque, une ligne vintage placée sous le signe d’Heritage. Propos d’Adrian Bosshard, président de Certina.

Adrian Bosshard, CEO

  • Générer des volumes est crucial

«Dans le Swatch Group, jamais les produits d’entrée ou de moyen de gamme ne sont délaissés car nous sommes conscients qu’une grande majorité de la population autour du globe achète des montres qui se trouvent dans un segment de prix inférieur à 1’000.- CHF. Une marque comme Certina prouve qu’il est possible d’offrir également dans ce segment de grandes innovations ainsi que les compétences horlogères suisses. Ces compétences permettent de générer des volumes qui sont cruciaux tant du point de vue de la production industrielle que de la fréquence aux points de vente.»

  • Nous ne changeons pas de stratégie à chaque sursaut de l’économie

«La finition du produit, le contrôle qualité, la communication, la distribution et le service à la clientèle se doivent d’être impeccables et les marques qui maintiennent toutes ces compétences à un niveau qui touche à l’excellence arrivent à gagner le cœur du client. Et notre stratégie ne change pas à chaque sursaut de l’économie: autant le groupe que notre marque travaillons toujours sur le long terme.»

  • L’horlogerie est une branche cyclique

«Depuis que j’ai commencé il y a 20 ans les exportations horlogères ont plus que doublé. C’est pourquoi, à mon sens, il est démesuré de parler de crise. La distribution est le pendant de la production: il faut garder les pieds sur terre quand l’économie s’enflamme et quand ça devient plus difficile, il faut rester courageux en sachant que l’économie va rebondir tantôt. C’est la raison pour laquelle Certina peut faire de bonnes performances aussi bien lorsque l’économie est à la hausse que lorsque les indicateurs sont à la baisse.»

illustration: DRAWING ARCHITECTURE STUDIO www.d-a-s.cn