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MANOR, NOUVEL ACTEUR DE POIDS EN HORLOGERIE

septembre 2016


MANOR, NOUVEL ACTEUR DE POIDS EN HORLOGERIE

Avec plus d’entrées par année que la Tour Eiffel, Manor est le grand magasin emblématique de Genève. Alors, lorsque ce géant local décide de s’attaquer de front au marché horloger en proposant une nouvelle gamme de marques dans le luxe accessible, cela vaut la peine de s’y intéresser... Rencontre avec Cédric Noël, Merchandise Director Beauty de Manor.

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anor propose de l’horlogerie entrée de gamme depuis longtemps. Pourquoi avoir mis en place un espace consacré au créneau du luxe abordable, baptisé Espace horlogerie prestige, à Genève en octobre 2014?

C’était d’une part une demande de notre clientèle et notre volonté de proposer une nouvelle offre de produits à toute une frange de clientèle qui vient nous voir au quotidien pour des produits de luxe, notamment la bijouterie mais aussi la parfumerie avec les counters de Chanel, Dior ou Estée Lauder. Cette clientèle trouvait ce qu’elle cherchait au niveau de la parfumerie mais elle n’avait pas accès à un équivalent en horlogerie.

Justement, de quelle clientèle parlez-vous? Vous avez une clientèle à la fois très locale et très internationale.

MANOR, NOUVEL ACTEUR DE POIDS EN HORLOGERIE
Cédric Noël supervise le nouvel espace horloger de Manor

Nous avons en fait trois type de clients: une clientèle genevoise, une clientèle d’expatriés et une clientèle de tourisme d’achat, notamment des pays du Moyen-Orient et d’Asie, même si dernièrement ils étaient moins nombreux. Nous avons aussi beaucoup d’Américains ou de Britanniques. Mais nous ressentions une demande pour l’horlogerie surtout de notre clientèle quotidienne, genevoise, qui ne trouvait pas auparavant tout ce qu’elle cherchait chez Manor. En Swiss made, nous proposions déjà Tissot mais nous n’avions pas une offre plus étoffée d’horlogerie suisse: aujourd’hui, nous proposons également Raymond Weil, Alpina, Frédérique Constant, Baume & Mercier, Rado, Ebel, Movado et Gucci. Il nous fallait acquérir une plus grande expertise horlogère.

Qu’en est-il de la clientèle internationale?

En ce qui concerne l’horlogerie, ils sont certes habitués à fréquenter les boutiques de la rue du Rhône mais ils viennent aussi chez nous, car nous sommes le plus grand magasin de Genève et de Suisse: nous enregistrons un trafic annuel plus important que celui de la Tour Eiffel, avec environ dix millions d’entrées!

En même temps, ce n’est un mystère pour personne: les ventes de montres sont en baisse presque partout depuis un an et demi et le tourisme d’achat est moins important en Suisse. Donc le timing ne vous était pas forcément favorable. Quel est le résultat de cette opération?

Nous sommes encore en phase d’apprentissage, vu que cela ne fait que deux ans que nous avons lancé cette opération. Mais nous nous améliorons rapidement: nous travaillons sur l’assortiment et la communication mais aussi l’expérience que nous amenons aux clients. Pour nous, l’expérience client est vraiment importante. Il ne s’agit pas que du produit et du prix. Nous avons maintenant une équipe dédiée. Et nous allons réévaluer nos partenariats, pas uniquement en termes quantitatifs mais aussi qualitatifs. Nous sommes actuellement en négociations avec les marques. Il y aura des ajustements: après deux ans, c’est normal et nous avons le recul nécessaire à présent.

Comment négociez-vous avec les marques horlogères?

Nous les considérons comme des partenaires, pas des fournisseurs. Nous cherchons une situation win-win-win: pour nous, pour la marque et pour nos clients. Un salon comme Baselworld est aussi devenu très important pour nous, afin de «sentir» les tendances.

Aujourd’hui, dans quelle gamme de prix travaillez-vous?

En tant que généralistes, nous avons des produits pour tous types de clients: nous commençons à moins de 50 francs avec des montres très fashion, jusqu’aux marques de l’Espace horlogerie prestige. Nous avons un portfolio total de plus de 40 marques de montres. Les gammes changent aussi en fonction des saisons: en été, la clientèle touristique s’intéresse aux modèles plus haut de gamme. La montre la plus chère que nous ayons vendue jusqu’à présent coûtait 50’000 francs. On n’attendait pas forcément Manor sur ce créneau!

Au point de vous comparer à de grands magasins comme les Galeries Lafayette ou le Printemps (lire notre entretien avec Daphné de Jenlis, responsable horlogerie des Galeries Lafayette, dans l’édition de mars 2016 d’Europa Star)?

Non, car ils ont des espaces bien plus grands et évoluent aussi sur des prix plus élevés! De plus, la proportion de la clientèle touristique chez eux est bien plus importante que chez nous. Ce sont des must touristiques, que tout visiteur à Paris veut voir, des destinations incontournables. Pour nous, la clientèle locale genevoise est très importante.

Quant aux boutiques horlogères, nous offrons un avantage par rapport à elles: nous sommes open door, les gens ne sont pas intimidés à l’idée d’entrer dans notre grand magasin. Nous sommes accessibles à tous, nous ajoutons une palette de produits et leur rendons ainsi l’horlogerie de luxe plus accessible.

MANOR, NOUVEL ACTEUR DE POIDS EN HORLOGERIE

Proposez-vous aussi des montres connectées?

Oui et nous avons remarqué des phénomènes fascinants à ce sujet. Certains de nos clients, intéressés d’abord par le high-tech, vont directement dans les rayons des produits numériques, pour trouver l’Apple Watch ou la Fitbit par exemple; d’autres se rendent instinctivement à notre rayon sport, par exemple pour acheter une Suunto; d’autres enfin viennent à notre rayon horlogerie, par exemple pour une Fossil, une Michael Kors, ou, dans un segment plus haut de gamme, une Frédérique Constant. En fait, chaque client se rend à un étage différent en fonction de l’idée qu’il se fait de la montre connectée!

Allez-vous étendre le concept à d’autres magasins Manor que celui de Genève?

Pas pour l’instant. Mais nous proposons de l’horlogerie, notamment Tissot qui est un partenaire très important pour nous, dans près de la moitié des 64 magasins que nous possédons en Suisse. Genève est notre flagship store: je pense que nous sommes dans le top 3 de la ville aujourd’hui en terme de surface consacrée à l’horlogerie. Pour la parfumerie, nous sommes déjà numéro un en Suisse et numéro deux pour la bijouterie.

Comment gérez-vous vos stocks?

Nous évaluons nos inventaires quotidiennement, pas uniquement les montres bien évidemment. Nous avons mis en place des outils de monitoring très efficaces, afin d’être le plus réactifs possibles. Il n’y a rien de pire pour un détaillant qu’un client qui arrive avant Noël et ne trouve pas en stock le produit qu’il cherche. On en revient à l’expérience client... C’est un équilibre difficile: nous ne pouvons pas commander trop mais nous devons être vigilants quant à avoir un roulement suffisant.

Par ailleurs, nous sommes très forts en ligne: un client peut commander une montre sur notre site de e-shopping et venir la chercher en magasin. Par ailleurs, certaines marques fashion, comme Cluse qui a beaucoup de succès en ce moment, ne sont accessibles qu’en ligne. Car nous savons qu’elles attirent une clientèle très connectée.

Et le service après-vente?

Nous travaillons avec Hirsch, qui occupe un espace dédié dans notre magasin et fournit une palette étendue de services rapides de «premier secours», du changement de la pile à celui du bracelet. Si c’est plus compliqué, nous renvoyons la montre à la marque.