n n’aurait pas eu idée de vouloir distinguer nos marques horlogères entre «corsaires» et «pirates» si Jean-Frédéric Dufour n’avait employé le terme de «pirates» à propos de toutes les marques qui, autour du Salon Watches & Wonders, s’agglutinent dans les meilleurs hôtels de la rade, se rassemblent ici ou là en ville de Genève, ouvrent grand leurs boutiques…
Parler de «pillage» serait inopportun car, à notre connaissance, aucun détaillant voguant dans les salons privés de Genève n’a été assailli, détourné de sa route, détroussé et laissé nu attaché à un arbre de l’Ile Rousseau, en face du célèbre Hôtel des Bergues. M. Dufour l’a bien compris en précisant dès les premières réactions que ce terme était «amical». Il n’empêche, était-ce son inconscient qui avait parlé?
Dans les moquettes des vastes et luxueux couloirs du vaisseau amiral, le Watches & Wonders accoté aux quais de l’aéroport de Cointrin, les «corsaires» en discutaient entre eux: faut-il accepter la venue de toute cette horde de «pirates»? Chacun de ces «corsaires» représentant une puissance, qu’il s’agisse d’un état indépendant ou d’un empire tentaculaire. Étymologiquement, le mot de «corsaire» provient du latin «corsa» et signifie «celui qui fait la course», la grande et noble course au large. Tandis que le mot «pirate» provient du grec «peirâtes», qui signifie tout simplement «brigand».
En fait, c’est tout bonnement une question de classe. Tous deux s’adonnent au «pillage» mais les uns avec la caution d’une autorité supérieure (le groupe, la corporation, la bourse) et les autres pour leur seul et unique profit personnel.
En fait tout ça procède d’un beau mélange des genres. Car on connaît certains «corsaires», ex «pirates» s’étant mis au service de puissances supérieures, tout comme certain «pirates», autrefois «corsaires» mais ayant préféré courir pour leur propre compte.
Du temps de la défunte et regrettée Baselworld, on ne se posait pas de question de ce genre car on naviguait tous sur la même mer, on se croisait, on se toisait entre petits et grands mais on était tous dans le même bateau, capitaine ou soutier. Aujourd’hui le monde a changé et les super yachts ne veulent plus du tout croiser dans les mêmes eaux que les plus frêles esquifs. Cependant le vent tourne.
Au fond, tout le monde regrette qu’on construise des murs au lieu de passerelles. Ça se sent. Nous restons des mammifères et avons sacrément besoin de se frotter les uns aux autres (quitte à se faire des coups fourrés). Tout le monde en a secrètement envie et ça reviendra. Genevaworld.