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«Révolutionnaire», le Calibre 7135 de Rolex?

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juillet 2025


«Révolutionnaire», le Calibre 7135 de Rolex?

Rolex, qui n’a pas pour habitude de donner dans la surenchère, annonce que le nouveau système de régulation de son Calibre 7135, qui équipe la Land-Dweller dévoilée lors du dernier Watches & Wonders, est «révolutionnaire».
C’est Rolex qui le dit, et comme généralement Rolex ne dit pas n’importe quoi, nous nous sommes adressés à quelqu’un de plus pointu que nous, pour essayer de mieux comprendre ce qui est «révolutionnaire» dans ce nouveau Calibre 7135.

D

enis Asch, horloger de formation (il a d’ailleurs travaillé six ans chez Rolex), puis détaillant à Genève (L’Heure Asch, où il a accompagné l’essor de la nouvelle haute horlogerie), est désormais expert, conseiller et intermédiaire auprès de collectionneurs. Par ailleurs, c’est un photographe animalier de renom, ce qui, on le verra, n’est pas sans lien avec la question qui nous occupe.

Denis Asch: Je suis toujours étonné de constater lors de mes nombreux contacts avec des collectionneurs ou des représentants de ce qu’on appelle la Haute Horlogerie, qu’il y a parfois une forme de snobisme à l’envers, envers Rolex. «Rolex, bon, très bien, mais c’est de la montre industrielle», disent-ils en regardant un peu de haut la marque à la couronne. Mais Rolex c’est le résultat de tout ça… – nous dit-il en montrant la grosse pile de documents techniques qui détaillent le Calibre 7135.

Denis Asch
Denis Asch

Rolex c’est la somme de plus de 100 ans de recherche et d’inventions. Et je peux aussi l’affirmer car quand j’ai travaillé chez Rolex j’ai vu l’envers du décor, j’ai côtoyé les ingénieurs, j’ai constaté la grande sévérité des critères d’homologation. A mes yeux, une Rolex n’a pas vraiment d’équivalent dans la fiabilité, la robustesse, la précision dans le temps, dans la durée. Je n’envisagerais pas d’aller en safari photographique en Afrique avec une autre montre que ma Rolex GMT de 1969. Je mets au défi quiconque de me prêter une montre vintage qui soit aussi résistante et à laquelle je puisse me fier aussi aveuglément.

Je fais souvent la comparaison entre l’horlogerie et la photographie. La photographie animalière est un vrai défi technique qui doit tenir compte des conditions souvent rudes dans lesquelles on opère, du climat, des variations de température, de l’ombre ou de la lumière, de la vitesse, des réglages pointus et précis à faire pour obtenir la bonne photo. C’est tout un processus. C’est la même chose en horlogerie…

Mais quels sont les principaux défis que doit affronter l’horloger?

Les principaux défis, ou les «ennemis» de l’horlogerie, sont les chocs, le magnétisme, la gravité, les frottements, l’étanchéité et les écarts de température. Et à la lecture détaillée de la documentation fournie par Rolex, je suis impressionné de constater tout ce que Rolex a fait pour parvenir à combattre tous ces ennemis à la fois. C’est la somme des détails qui, in fine, fait l’excellence du tout. La chronométrie et la régularité de la marche sont la résultante de tous ces détails qui, mis ensemble, y contribuent chacun mais surtout, et c’est ce qui est le plus important, garantissent la durée et la constance dans le temps. On a vu d’autres mouvements très inventifs et novateurs mais celui-ci, qui répond ainsi globalement à tous les défis d’une montre portée dans toutes les conditions, place la barre très haut.

Le calibre 7135
Le calibre 7135

Nous allons détailler ensemble toutes ces avancées, ces choix, notamment dans les matériaux, qui font du Calibre 7135 un mouvement de nouvelle génération.

Pour commencer, l’échappement Dynapulse, comme l’appelle Rolex en précisant qu’il a fait l’objet de sept demandes de brevet, est entièrement conçu pour optimiser au maximum la transmission de l’énergie du barillet à l’oscillateur. Le but est d’obtenir le meilleur rendement possible en «dispersant» le moins d’énergie possible. Pour ce faire, les ingénieurs ont travaillé sur l’architecture générale de l’échappement, les matériaux employés, leur géométrie et la qualité de surface des composants. Et plus l’ensemble sera léger, mieux sera distribuée l’énergie.

Que dire de l’architecture générale?

C’est un échappement à distribution séquentielle en droite ligne de l’énergie qui provient du barillet. Il est très léger parce qu’il est réalisé en silicium – deux fois plus léger que le titane. Et la géométrie ajourée des roues de distribution y contribue encore. Elles ont dents et pales sur le même niveau, le même plan. Elles s’engrènent ainsi entre elles par leurs pales et leurs dents entraînent alternativement – séquentiellement, donc – la bascule d’impulsion, qui elle-même agit sur l’oscillateur. Grâce à cette construction des roues les frottements sont moindres, ce qui diminue la consommation énergétique.

L'échappement Dynapulse
L’échappement Dynapulse

Frank Vernay, responsable mouvements chez Rolex, explique que cet échappement a aussi été repensé pour passer, pour la première fois chez Rolex, d’une fréquence de 4Hz à 5Hz, induisant «une consommation plus rapide de l’énergie fournie par le système de remontage automatique.» Et ceci dans le but d’offrir une semblable réserve de marche (environ 66 heures) que le précédent calibre 7140. Pourquoi passer à 5Hz, 36’000 alt/h, qui permet d’afficher le 1/10e? Ce n’est pas un chrono.

Cette cadence permettrait certes d’afficher le 1/10e et le mouvement de la trotteuse est plus fluide. Mais au-delà de ça, plus la fréquence est élevée plus la marche est stable. Le mouvement est plus robuste encore, encaisse mieux les chocs. Il est plus facile de régler la précision sur un balancier qui fait 10 alternances/seconde, comme un 5Hz, qu’un 4Hz qui n’en fait que 8. D’où une précision de réglage améliorée. A l’époque, quand Rolex employait encore pour sa Daytona des El Primero à 36’000 alt/h, la marque les abaissait à 28’800 alt/h, car ils étaient bien trop gourmands en énergie. Donc parvenir à conserver une semblable réserve de marche de 66 heures entraîne nombre de choix techniques.

Et ces choix ont des implications, semble-t-il, jusque dans les processus de fabrication, donc conduisent à des changements à l’échelle industrielle…

C’est ce qu’affirme Frank Vernay de chez Rolex quand il dit que le montage même de l’échappement Dynapulse dans le calibre, et notamment ses nouvelles procédures de lubrification, non plus par graisse mais par huile, «nous a obligés à complétement repenser notre processus de fabrication et d’assemblage du mouvement». Soit une approche totalement nouvelle pour la manufacture.

L'axe du balancier en céramique
L’axe du balancier en céramique

Mais les innovations ne s’arrêtent pas là car l’oscillateur lui-même a fait l’objet de bien des attentions, à commencer par l’axe du balancier …

Oui, cet axe a été réalisé lui aussi en céramique, blanche en l’occurrence. Il été poli «à l’échelle nanométrique» nous dit-on. Un nanomètre correspond à un milliardième de mètre, soit 0,000000001 ou 10-9 mètre. On peut sourire, mais à l’école d’horlogerie, notre professeur jugeait au microscope la qualité de polissage de nos axes de balancier. Et il ne laissait strictement rien passer, même la plus intime imperfection. Car on peut dire que chaque micron poli, c’est un infime fragment d’énergie gagné. Or la céramique, outre qu’elle est amagnétique, d’une dureté remarquable qui prévient des impacts et des microfissures qui peuvent advenir, offre une géométrie optimale et un état de surface parfaitement lisse, polie au laser «femtoseconde». Oui, oui, on est dans l’industrie… dans ce qu’elle a de meilleur, ceci dit.

Balancier et spiral Syloxi
Balancier et spiral Syloxi

On peut continuer ainsi et examiner chaque détail et on fera un constat semblable…

Oui, un mouvement, c’est un ensemble dans lequel la cohérence est centrale pour parvenir à son fonctionnement optimal. C’est une chaîne, un «train» dont les wagons roulent ensemble. Par exemple, le balancier lui-même a été réalisé en «laiton optimisé», un alliage qu’utilise ici pour la première fois Rolex pour ses propriétés de résistance aux champs magnétiques comparables à celles de la céramique de son axe. Car l’un et l’autre vont de pair. Réduire aussi les frottements est essentiel à chaque étage, tout du long de la chaîne. La géométrie de la pièce, son état de surface, sa lubrification, sa résistance… tout compte.

Le photographe à l'affût pour parvenir à saisir l'instant juste.
Le photographe à l’affût pour parvenir à saisir l’instant juste.

A l’autre bout de l’axe de balancier, protégé par un système de double amortisseurs de chocs «Paraflex optimisé», le balancier est équipé d’un spiral Syloxi. Il semble que celui-ci vous a épaté?

Oui, le spiral Syloxi qui équipe le calibre 7135 est en composite de silicium et d’oxyde de silicium, donc insensible ou moins sensible aux variations de température, aux champs magnétiques et aux chocs. En outre, Rolex a développé et breveté pour ce spiral une géométrie toute particulière: l’épaisseur et l’espacement de ses spires varient sur toute la longueur du spiral (grâce à son mode de fabrication DRIE pour Deep Reactive Ion Etching, gravure ionique réactive profonde de haute précision, ndlr). Une innovation qui garantit la régularité de la marche dans toutes les positions, un meilleur réglage qui contribue à compenser les effets de la gravité dans les positions verticales, là où elle se fait le plus sentir. Ce détail nanométrique m’a frappé car il démontre bien l’effort de recherche et de développement considérable mis dans ce calibre de nouvelle génération.

Un calibre que Rolex dit avoir passé dix ans à le développer…

Ça ne m’étonne en rien. Car il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de concevoir et manufacturer un nouveau calibre, mais que c’est tout un bouleversement de la chaîne entière. Il faut imaginer son industrialisation, concevoir de nouveaux processus et procédés de fabrication, y compris au stade de son emboîtage, ou de sa certification même. Il faut s’assurer de sa fiabilité et, comme il s’agit d’un passage du 4Hz au 5Hz, adapter les outils de mesure et de certification, avec de nouveaux algorithmes à la clé. Le calibre 7135 est certifié «Chronomètre superlatif» par Rolex. Ça signifie qu’après avoir passé les tests classiques du COSC (Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres), qui se mènent sur le mouvement non emboîté, Rolex procède à une seconde étape de certification une fois la montre emboîtée – car à l’emboîtage des dérèglements peuvent se produire – et qu’il faut aussi procéder à des tests supplémentaires, notamment d’étanchéité et d’autonomie sur la montre finie, en conditions simulées de porter. Au final, alors que le COSC admet un écart de marche de- 4/+6 secondes par jour, la certification «Chronomètre Superlatif de Rolex» n’admet un écart journalier que de -2/+2 secondes.

Comme en photographie, c’est une question d’équilibre général pour parvenir à saisir l’instant juste. Une question d’harmonie entre vitesse d’obturation, ouverture et degré de sensibilité du support, qui conditionne la réussite ou non d’une photo. Tout comme en horlogerie mécanique, énergie, distribution et régulation doivent parfaitement s’accorder, se «fluidifier», pour parvenir à l’excellence.

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