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La France, pas encore optimiste

2017: -1.4%

février 2018


La France, pas encore optimiste

Après un bon démarrage, la France horlogère devrait finir 2017 dans la morosité. Le climat des affaires est dominé par la géopolitique, et des disparités croissantes entre grands et moyens acteurs, entre la province et Paris.

E

n 1992, la Reine d’Angleterre avait fait le buzz en parlant, sans en saisir toutes les conséquences, d’annus horribilis. Bien conscients du double sens, les acteurs de l’horlogerie française se gardent bien d’employer le terme pour 2017. Mais il colle assez bien à l’humeur des mois qui viennent de s’écouler.

«La première moitié de l’année avait bien démarré, mais après l’été, cela s’est inversé», explique Benjamin Cymerman, directeur général du détaillant Heurgon, à Paris. Presque à égalité avec le cru désastreux 2016, 2017 est une mauvaise année pour le commerce horloger de l’Hexagone. Les statistiques d’exportations horlogères suisses convergent avec les études du comité Francéclat, l’inter-professionnelle HBJO française. Les quelques pour-cent de baisse supplémentaire sont mitigés, par contre, par l’entrevue d’une fin de crise annoncée par certains indicateurs. Reprise de la croissance dans la zone euro, retour des clients asiatiques, absence d’attentat majeur depuis des mois: le secteur cesse de trembler, à défaut de retrouver réellement des couleurs. Pour preuve, nombre de détaillants de taille moyenne mettent encore la clé sous la porte. D’autres encore perdent, bon gré mal gré, mais malgré surtout, des marques majeures.

Inégalités

Le marché français se révèle plus que jamais bicéphale. D’un côté, le pays reste la première destination mondiale du tourisme, avec sa capitale comme fer de lance et la Côte d’Azur comme soutien. «Nous comptons majoritairement une clientèle étrangère, et celle des pays du Moyen- Orient se porte plutôt bien. Or, elle est très acheteuse de montres serties et de joaillerie», précise Benjamin Cymerman. Et bien qu’il reste difficile de dissocier montre et bijou chez nombre de détaillants, «la joaillerie nous sauve».

En parallèle, les grands points de vente s’agrandissent, ou poussent leur avantage. Des leaders comme Arije et Dubail continuent à s’étendre, tandis que le géant Bucherer, arrivé il y a quatre ans sur le territoire, reste en pertes structurelles. La course à l’investissement est une manière de se positionner pour le futur, mais sur un modèle de distribution de plus en plus remis en question par la modification des comportements client.

Modération

De l’autre côté, la clientèle locale a des habitudes certes moins dispendieuses que les acheteurs de la place Vendôme et autres localisations ultra- luxe, mais qui soutiennent un réseau dense de détaillants de moyenne taille maillant le territoire. Et que l’on a tendance à négliger lorsque l’on se concentre sur les dix marques les plus prestigieuses, souvent absentes des centres urbains de second rang. «Le panier moyen de nos acheteurs a durablement baissé, poursuit Benjamin Cymerman. Ils demandent des pièces moins chères, moins de grandes complications, plus d’acier. Et c’est ce que les marques lancent.» Sachant que ce type de pièces représente le choix de référence des villes de moyenne taille, elles devraient s’en sortir à moindre mal. Il faut dire que la province n’a pas pris goût à cette drogue dure, dont le marché mondial vit encore une cure de désintoxication: les clients chinois touchés par la fièvre acheteuse. «Leur comportement aussi a changé. Ils achètent des pièces moins chères, moins ostentatoires, plus de valeurs sûres...» Après l’incurie en 2016, la curée en 2017, la cure continuera donc en 2018.